Ce que chacun d'entre nous ressent depuis plusieurs années, à savoir le besoin de proximité, se confirme concrètement durant cette crise. Nous pouvons déjà voir que l'échelle départementale fonctionne bien et qu'il faut avancer dans la mise en oeuvre de la subsidiarité, qu'elle corresponde à de la décentralisation ou à de la déconcentration - permettez-moi de rappeler le décret sur le rôle des préfets adopté hier en Conseil des ministres.
Je ne reviens pas sur la question du calendrier général des élections municipales ;, nous avons tous en tête les éléments du débat. Je suis d'avis que nous devons installer le plus rapidement possible les conseils municipaux élus lors du premier tour. Nous ne pouvons cependant pas le faire par visioconférence, puisque le scrutin doit se dérouler à bulletin secret. L'opération n'est donc pas possible durant le confinement. Nous travaillons sur différents scénarios, mais notre idée, je le répète, est de procéder le plus rapidement possible. J'en profite pour rappeler un point essentiel : sous réserve des recours juridictionnels, les résultats sont définitifs dans les communes ayant élu leurs conseillers lors du premier tour.
En ce qui concerne les EPCI, il y a plusieurs cas de figure. Si le second tour des municipales a lieu en juin, les conseils municipaux des communes concernées et les conseils communautaires pourront être installés au début du mois de juillet dans des conditions de droit commun. Si les élections ne peuvent pas se tenir en juin, trois situations sont possibles : si aucune commune adhérente n'a complété son conseil municipal, les mandats devront être prorogés ; si toutes les communes adhérentes ont élu leurs conseils municipaux lors du premier tour, ce qui représente environ 30 000 communes et entre 40 % et 45 % des EPCI, l'installation des conseils communautaires pourra aller vite ; pour les autres situations, le Parlement devra se prononcer, le plus simple étant certainement de prolonger les mandats. Pour préparer la loi d'urgence, nous avons dialogué de manière rapide, mais intensive, avec les associations d'élus ; nous ferons de même, si nous devons légiférer de nouveau.
Se pose cependant la question des conseillers communautaires battus dès le premier tour des élections municipales, notamment ceux qui exercent la fonction de président. Il me semble qu'il existe deux possibilités : proroger quand même le mandat - je n'y suis pas très favorable à titre personnel - ou suivre le tableau des vice-présidents pour organiser l'exécutif. Les discussions restent ouvertes sur ce sujet.
En ce qui concerne le versement d'une prime défiscalisée par les collectivités locales, sujet évoqué par M. Darnaud, la question est à l'étude, mais cela resterait naturellement une faculté pour les élus, et non une obligation.
La date de mars 2021, évoquée par Mme Gatel, circule en effet dans la presse, mais elle n'a pas de consistance pour l'instant de notre point de vue.
Mme Gatel a également évoqué la bonification de la DETR. Laissez-moi d'abord vous dire que je souhaite vivement que l'année 2020 ne soit pas une année blanche ! Les collectivités doivent être en capacité de déclencher le maximum de travaux. Je souhaite préserver le système actuel de la DETR des communes nouvelles.
Monsieur Daunis, il n'est nul besoin de prendre un nouvel arrêté en ce qui concerne les délégations accordées par le maire ou le président d'EPCI, sauf s'il y a des modifications par rapport à l'existant.
Madame Costes, le statut de la fonction publique ne permet pas l'activation du dispositif de chômage partiel, mais les collectivités locales peuvent y avoir recours pour les structures qui ne relèvent pas de ce statut, par exemple les SEM ou les établissements publics industriels et commerciaux.
Quant au tuilage entre les équipes sortantes et entrantes, aucune loi ne règlera le problème ! Traditionnellement en France, les délais entre l'élection et la prise de fonction sont courts, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays du monde - il suffit de penser à la présidence des États-Unis d'Amérique. J'en appelle à l'éthique républicaine, à la responsabilité de chacun dans cette période particulière. J'ajoute que les voies de recours devant le juge administratif existent toujours, notamment en cas de vice de forme dans le processus de prise de décision.
Monsieur Savoldelli, le chiffre de 4,9 milliards d'euros que vous évoquez n'est pas documenté à ce stade.
Je voudrais d'ailleurs faire quelques remarques générales sur les finances locales.
Tout d'abord, il faut absolument distinguer l'urgent et le structurel. J'ajoute que certaines choses ne se voient pas : les équipes de mon ministère ont beaucoup travaillé pour faire en sorte que, malgré le confinement, la Dotation globale de fonctionnement (DGF), telle qu'elle résulte des critères votés dans la dernière loi de finances, soit versée en temps et en heure, ce qui est le cas.
Ensuite, pour la plupart des composantes de la fiscalité locale, il n'y aura pas de décalage dans le versement. Ainsi, certaines taxes ne sont pas touchées par la crise actuelle - je pense aux taxes foncières, à la taxe d'habitation ou à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Il n'y aura donc pas de remise en cause de la réforme de la fiscalité locale. En revanche, il pourra y avoir un impact sur la fiscalité liée à l'activité économique : CVAE, taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), etc. Mais cet impact ne se réalisera pas en 2020, puisque c'est l'État qui perçoit les taxes locales et les reverse aux collectivités. C'est donc l'État qui est directement affecté par les éventuelles tensions à ce sujet. L'État garantit aux collectivités le versement, dans les temps, de la DGF, ainsi que de la fiscalité sur la base des taux votés par les élus locaux.
Néanmoins, les choses seront différentes pour les droits de mutation, qui bénéficient principalement aux départements, et pour les recettes qui proviennent de la tarification de services locaux - on peut penser aux crèches ou autres services liés à l'enfance.
J'ai déjà évoqué, dans mon propos liminaire, ce que j'entendais lorsque j'ai utilisé l'expression « argent magique ». Je le redis, il n'y aura pas de baisse de la DGF. J'ajoute que nous sommes dans une période où nous avons particulièrement besoin des collectivités locales et de leurs investissements. Il n'est donc absolument pas question de les abandonner ni de couper dans les dotations d'investissement, qui atteignent aujourd'hui 2 milliards d'euros. De ce point de vue, la structure des finances locales et les effets cliquets prévus en cas de transferts de recettes en provenance d'impôts nationaux, comme la TVA, jouent en notre faveur. Bien sûr, nous devrons regarder les choses de manière beaucoup plus précise, lorsque nous serons sortis de la phase d'urgence.
Monsieur Guené, l'une des ordonnances que nous avons adoptée permet aux collectivités d'augmenter leur ligne de trésorerie de 15 % sans nouvelle délibération. De manière générale, en matière de trésorerie, nous regarderons si des avances sont nécessaires et possibles. Je le répète, nous n'abandonnerons personne.
En ce qui concerne l'évolution des instructions comptables pour reclasser des dépenses de fonctionnement en investissement, il nous semble préférable de laisser les aides aux entreprises en fonctionnement, et je ne suis pas certain qu'autoriser les collectivités à recourir à l'emprunt pour financer de telles charges leur rendrait finalement service. Faisons attention aux fausses bonnes idées.
La date du 3 juillet pour le vote des taux est le maximum que nous puissions faire. En effet, les services fiscaux doivent avoir le temps d'éditer les rôles pour que les redevables aient eux-mêmes le temps de payer leurs impôts. Je rappelle que les communes et les EPCI peuvent voter les taux d'imposition par visioconférence, puisqu'il ne s'agit pas d'un vote à bulletin secret.
Madame Schillinger, les inquiétudes des professionnels sont légitimes en ce qui concerne les autorisations d'urbanisme, mais tout dépend finalement des maires, puisque nous leur avons laissé la liberté de décider. Un maire peut tout à fait continuer d'accorder des permis de construire.
Je reviens un instant sur la compétence économique des collectivités locales, sujet évoqué notamment par Mme de La Provôté. Vous le savez, si j'avais été sénateur à l'époque, je n'aurais pas voté la loi NOTRe ! Pour autant, je ne suis pas favorable à utiliser l'urgence pour revenir sur de telles décisions, et il existe des modalités qui permettent aux départements d'agir, par exemple par délégation de la région. Par ailleurs, les départements peuvent abonder le fonds de solidarité qui est financé par l'État à hauteur de 750 millions d'euros et par les régions à hauteur de 250 millions. En outre, les départements exercent des compétences - enfance, solidarité, handicap, personnes âgées, etc. - qui, dans le cadre de la crise actuelle, sont absolument essentielles ; ils ne doivent pas les délaisser.
Je suis d'accord avec vous, Monsieur Montaugé, nous devons stimuler l'investissement et ne pas retarder les travaux d'entretien. Poursuivre l'activité présente également un intérêt psychologique évident.
Monsieur Mouiller, les dispositions relatives aux EPCI s'appliquent également, en tant que de besoin, aux autres structures intercommunales, mais certains organismes comme les SEM relèvent d'autres ordonnances.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée par Mme Gréaume pour revenir sur un débat que nous avons régulièrement dans l'hémicycle du Sénat : l'autonomie fiscale des collectivités locales. Ce principe fonctionne certainement par temps calme, mais en serait-il de même en cas de tempête comme en ce moment ? S'il était appliqué, l'État pourrait-il venir en aide aux collectivités ? Ce n'est pas certain, alors que la solidarité fonctionne bel et bien dans le cadre d'une autonomie financière.
Monsieur Gillé, vous le savez, les contrats de Cahors ont été suspendus. Ce sont des outils efficaces pour limiter les dépenses des collectivités locales en cas de mer calme, mais pas en cas de mer agitée. Pour l'instant, nous ne nous projetons pas au-delà de cette suspension ; nous regarderons les choses attentivement, lorsque nous serons sortis de l'urgence.
Monsieur Pointereau, il n'y a aucun flou : les mandats locaux ont été prolongés. Un président d'EPCI exerce donc toutes les compétences habituelles. En outre, nous avons ensemble refusé d'introduire la notion d'affaires courantes qui existe, par exemple, pour un gouvernement démissionnaire, car les collectivités doivent disposer de tous les moyens disponibles pour gérer cette crise. Nous ne devons pas les fragiliser en ce moment ; nous devons faire confiance aux élus.
Il en est de même pour les budgets annexes : il n'y a pas de changement par rapport au droit commun.
M. Delcros parle d'or en ce qui concerne les liens entre les préfets et les élus locaux. Le préfet continue de jouer un rôle très important, notamment en milieu rural.
Dans le domaine du numérique, Monsieur le président Bockel, beaucoup d'investissements ont été réalisés, il en reste à faire. Nous devons assurément prendre le virage du numérique, en termes d'usages. Vous le savez, la commission mixte paritaire qui a élaboré un texte sur le projet de loi Engagement et proximité avait repoussé le principe de la visioconférence ; nous l'avons introduit par ordonnance dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, mais cela doit rester l'exception. Pour l'avenir, cet outil pourrait toutefois être utile dans certaines circonstances, nous devrons y travailler de nouveau.
Enfin, je suis pleinement d'accord avec vous s'agissant des travaux dans les écoles.
Je vous remercie. Je reste naturellement à votre disposition pour répondre, le cas échéant par écrit, à vos questions. Et surtout, prenez soin de vous !