Intervention de Catherine Guillouard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Catherine Guillouard présidente-directrice générale de la ratp sur les répercussions de la crise du covid-19 et de l'après-crise au sein de la ratp en téléconférence

Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP :

Monsieur Jacquin, je confirme tout d'abord le chiffre : notre capacité d'emport est de l'ordre de 15 %. En matière de renforts de police, plusieurs scénarios ont été proposés à notre autorité organisatrice et à l'État. Ces renforts étaient compris entre 700 et 2 000 policiers en fonction des scénarios. Celui qui s'appliquera n'a pas encore été déterminé.

Je pensais avoir été claire concernant l'attestation : nous y sommes favorables. Nous pensons qu'une attestation de l'employeur qui établit des déplacements, avec une fenêtre horaire, est un facteur de régulation de la demande.

S'agissant du contrat de délégation de service public qui nous lie à Île-de-France Mobilités, la RATP a fait valoir le cas de force majeure. Notre autorité organisatrice a indiqué qu'elle étudiait la mise en oeuvre de l'article 111 de ce contrat, qui conduirait à renégocier ce contrat qui porte sur la période 2015-2020. La RATP estime que les conditions juridiques pour l'application de cet article ne sont pas réunies, le contrat ne devant pas se lire sur les trois derniers mois mais sur l'ensemble de sa durée d'exécution, qui a démarré en 2015.

Ce contrat comporte par ailleurs une clause fondamentale, celle du partage du risque de recettes. La RATP ayant surperformé depuis 2015, le partage de risques lui est aujourd'hui très favorable, ce qui pose une difficulté financière à notre autorité organisatrice. En effet, celle-ci va devoir, si elle applique le contrat, prendre une part très importante du risque de recettes, alors qu'elle enregistre une diminution du versement mobilité.

C'est ce qui explique ce caveat : si le contrat s'applique, les projections que j'ai indiquées constituent nos meilleures estimations à date. On n'est pas dans le même scénario si le contrat ne s'applique plus et que la RATP doit supporter l'intégralité des pertes de recettes.

Concernant l'ouverture à la concurrence, l'État et l'autorité organisatrice considèrent que le calendrier doit être maintenu. Nous respectons cette décision. Il va cependant falloir que les décrets soient publiés afin que nous puissions nous préparer dans de bonnes conditions.

Le sénateur Longeot m'a interrogée sur les pays asiatiques et le recours à l'automobile. C'est effectivement un des gros risques de cette crise. Nous avons signé une tribune sur la transition écologique avec plusieurs autres chefs d'entreprise français. Nous sommes convaincus que le pire serait de sortir de cette crise avec des transports publics affaiblis. Je rappelle que l'émission de CO2 d'un métro ou d'un RER au kilomètre est de 3 à 4 grammes, contre 160 à 170 grammes pour l'automobile.

Il nous appartient donc de faire revenir les voyageurs sur nos réseaux. Je suis évidemment inquiète pour l'avenir des transports. Il suffit de regarder les chiffres. Depuis le début de la crise, la participation à la création de valeur ajoutée des transports dans le PIB français a diminué de 14 %. Le fret se porte plutôt bien, mais les transports en commun se sont effondrés.

Grosso modo, la fréquentation dans les transports en commun a baissé de 80 % dans les métropoles européennes et américaines, de 70 % à Singapour, de 50 % à Séoul, de 70 à 80 % à New York, de 90 à 95 % à Madrid et Paris. L'ensemble des parties prenantes doit donc apporter son soutien à la filière. Un important sujet de financement se profile à l'horizon si la fréquentation demeure aussi basse.

Pour ce qui est de la trésorerie, je serai « cash » - et c'est un jeu de mots volontaire : nous avons publié un communiqué de presse le 9 avril pour démentir formellement les informations de France Info. Elles sont basées sur des documents mal lus et mal compris, et sont totalement inadmissibles s'agissant de documents à l'usage du seul conseil d'administration. Le fait que celui-ci compte 27 membres démontre combien la situation est difficile à gérer.

Nous avons effectué un rappel à l'ordre extrêmement strict et contacté l'Autorité des marchés financiers (AMF), ainsi que nos agences de notation. Ces informations ne reflètent absolument pas la situation réelle de l'entreprise, dont la trésorerie disponible s'élève, au 5 mai, à 2,8 milliards d'euros.

Nous avons par ailleurs émis pour 480 millions d'euros d'obligations à 30 ans, le 13 mars et le 20 avril. Ces obligations ont été émises à un coût compétitif de 0,95 % et 1,07 %, soit un coût d'emprunt sur cette période extrêmement bas. Cela prouve également la qualité de la signature de la RATP.

Nous sommes actuellement notés Aa2 chez Moody's et AA chez Fitch, avec une perspective stable. Cette fuite, qui s'appuie sur de faux chiffres, démontre que la personne qui a commis cet acte n'a rien compris aux documents qu'elle avait en main.

Nous avons également émis 1,9 milliard d'euros de billets de trésorerie, dont 778 millions d'euros avant la fermeture des marchés. Nous avons relevé 850 millions d'euros depuis, 300 millions d'euros fin avril, et nous nous sommes couverts par une ligne de crédit de facilité. Le programme de rachat sur le marché secondaire mis en place par la Banque de France nous est extrêmement utile en ces temps de crise.

La situation de l'entreprise est donc solide et devrait nous permettre de traverser la crise si les conditions demeurent les mêmes et que le partage des recettes avec Île-de-France Mobilités est bien appliqué.

La stratégie d'investissement constitue un sujet important. Pour l'instant, nous avons redémarré nos projets au maximum. Les chantiers sont en train de repartir. Nous avons, entre le 23 avril et le 4 mai, repris les travaux sur la ligne 11. Nous les engagerons à nouveau sur la ligne 12 le 11 mai. La ligne 14 Nord a repris depuis le 4 mai, ainsi que la ligne 14 Sud.

Les travaux de rénovation des gares ont aussi commencé. Tout va maintenant dépendre de la situation financière des acteurs. Des choix d'investissement seront peut-être à opérer si la situation financière est extrêmement dégradée. Ce sujet est devant nous et dépendra des éléments de soutien que l'État apportera à la filière du transport public urbain en France.

Certains, comme l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), portent l'idée que le Green Deal européen devrait comporter des investissements destinés à aider les transports publics urbains.

53 stations sont aujourd'hui fermées sur le réseau. Notre objectif, comme je l'ai dit, est de proposer le maximum d'offre. Il faut cependant être clair : tout dépendra des renforts que nous allons obtenir. Nous serons peut-être amenés à fermer des stations, mais cela ne signifie pas que nous allons baisser l'offre. Il y aura au contraire beaucoup plus de transports en commun qu'aujourd'hui, puisque nous allons monter notre offre à une moyenne supérieure à 70 %.

Pour ce qui est des bus, vous avez raison : le chauffeur ne pourra pas gérer la situation. Nous sommes aujourd'hui à J - 5 du déconfinement. À ce stade, l'entrée par l'avant est interdite par le décret du 23 mars, qui est la seule règle applicable en attendant le futur décret sur le déconfinement qui sortira, je l'espère, le plus tôt possible. Nous réaliserons bien évidemment un marquage dans les bus, non seulement sur les sièges, mais également au sol.

Le sénateur Houllegatte m'a posé la question de l'aide d'État. Pour l'instant, nous ne pensons pas y avoir recours, mais tout dépendra de l'évolution de la situation économique des mois qui viennent. Étant donné l'effet cumulé du Covid-19 et des grèves de janvier, nous pourrions atteindre une perte de 300 à 400 millions d'euros. Cela reste notre meilleure estimation à date.

S'agissant de RATP Dev, qu'on ne se méprenne pas : il s'agit d'un acteur solide du marché. Nous n'envisageons pas, à ce stade, de céder des actifs. Nous sommes dans une dynamique commerciale extrêmement positive. RATP Dev a gagné énormément d'appels d'offres ces deux dernières années, en France comme à l'international.

La filiale a pris toute une série de mesures pour réduire ses coûts. On est plutôt là dans une perspective de contingentement des coûts et de poursuite de l'activité de développement. Nous sommes ainsi en compétition pour l'appel d'offres de Dubaï.

Il n'est pas prévu de plan de suppression d'emplois à ce stade. Nous allons évidemment contingenter toutes les entrées dans le groupe, ainsi que nous l'avions déjà fait, et faire pleinement jouer notre effet de noria concernant les départs à la retraite pour toutes les fonctions support.

Nous avons des obligations en matière opérationnelle. Si les plans d'investissement sont bien maintenus, nous devons impérativement augmenter nos effectifs de maintenance pour répondre aux plans de développement qui nous sont réclamés par notre autorité organisatrice.

Tant que la remise en cause du plan d'investissement n'est pas chiffrée et actée, nous ne voulons pas perdre des compétences dans des secteurs où nous en avons besoin - développement de projets d'ingénierie, d'extension et surtout de modernisation industrielle pour permettre aux nouveaux matériels, comme le RER B, d'être mis en route.

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