Intervention de Catherine Guillouard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Catherine Guillouard présidente-directrice générale de la ratp sur les répercussions de la crise du covid-19 et de l'après-crise au sein de la ratp en téléconférence

Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP :

S'agissant des SDF, nos équipes du Recueil social réalisent en effet un travail très important. Nous travaillons avec plusieurs acteurs sur le sujet, dont des acteurs associatifs. La région Île-de-France a fait beaucoup pour essayer, avec le Conseil de Paris, de prendre en charge les hébergements des SDF.

Le problème que nous rencontrons concerne la sortie du réseau. Ce sujet va devenir majeur et n'est pas juridiquement stabilisé pour nos agents. Une responsabilité résiduelle demeure. Ce n'est pas toujours évident de mettre quelqu'un à la rue. Nous agissons avec empathie, mais nous sommes parfois amenés, au vu des questions sanitaires, à faire sortir les SDF du réseau.

Or on ne peut le faire que s'il existe des hébergements garantis et une logistique pour les amener jusqu'à ces hébergements. Sur ce point, nous avons encore du travail à réaliser avec l'ensemble des parties prenantes.

S'agissant de la culture du risque, nous disposons, comme toute grande entreprise, d'une cartographie des risques. Notre plan de continuité relatif à la pandémie grippale était d'ailleurs totalement inspiré du retour d'expérience sur le SRAS, ce qui nous a permis, dès le 20 janvier, d'activer des process internes et une gouvernance appropriée pour gérer cette crise.

Les pandémies, en 2018-2019, ne figuraient pas dans les cartographies des entreprises, soyons honnêtes. Le SRAS remonte à une dizaine d'années. C'est aujourd'hui le risque numéro un pour notre entreprise, non seulement en termes opérationnel et social, mais aussi en termes de viabilité.

Comme beaucoup d'autres entreprises, publiques ou privées, nous sommes en train de réviser toute notre politique en matière d'achats et de relations avec nos fournisseurs.

Nous avons par exemple, pour reconstituer notre stock de masques en tissu, choisi la voie des produits français normés et validés par la Direction générale de l'armement, d'une part et, d'autre part, le masque chirurgical qui vient aujourd'hui quasi exclusivement de Chine. Nous nous sommes interrogés, à l'occasion de cette crise, pour revoir notre chaîne d'approvisionnement.

Nous avons également étudié l'impact du Covid-19 sur notre plan stratégique Défi 2025.

Ceci m'amène à la question du plan de relance et de notre positionnement en matière de ville intelligente et durable. Nous avons l'expertise de gestion des flux complexes de transport, mais nous sommes également des acteurs de la ville intelligente et durable. Une quinzaine de projets sont dans nos cartons. Certains en sont déjà sortis, comme des centres bus dans lesquels on a intégré des crèches ou des bureaux. Je suis convaincue que cette diversification est nécessaire dans notre portefeuille d'activités.

Pour preuve, j'ai signé une lettre de mission à Marie-Claude Dupuis, membre du Comex en charge de la stratégie et du développement, pour constituer une entité d'affaires sur la ville intelligente et durable d'ici la fin de l'année. Les travaux sont en cours et n'ont pas pris de retard, car on a séparé les fonctions opérationnelles des fonctions de stratégie de développement.

Pour ce qui est du gel, nous allons installer des distributeurs dans les plus grands centres le 11 mai - jusqu'à 1 000 d'ici fin juin. Nous recevons les matériels au fur et à mesure et les installons. On en trouvera aussi dans les distributeurs de nos prestataires, IVS et Selecta. Nous essaierons également de distribuer, la semaine prochaine, en lien avec l'État et notre autorité organisatrice, des masques d'appoint qui nous seront fournis par la région ou par l'État.

Pour ce qui est des tests, il en existe aujourd'hui de deux types. Une équipe de médecins du travail étudie les tests sérologiques, mais les autorités sanitaires ont clairement indiqué que ceux-ci n'étaient pas nécessaires de façon systématique. Nous n'avons donc pas prévu une campagne de tests sérologiques pour tous les salariés.

Quant aux tests PCR, ils sont prescrits par la médecine du travail soit sur le lieu de travail soit à distance.

Il faut être très clair pour ce qui est de la maladie professionnelle : on peut contracter le virus sur le lieu de travail, mais également dans l'environnement familial, en allant acheter son pain, etc. Il est impossible de déterminer l'origine de la contamination, et par conséquent cette reconnaissance ne peut avoir lieu s'agissant du secteur des transports

Ceci viendrait en outre affaiblir encore les entreprises, car on sait toutes les conséquences qui sont associées à la reconnaissance d'une maladie professionnelle.

Quant au courrier du 30 avril, nous nous étions exprimés au sujet de la distanciation sociale. Cette lettre a été adressée par l'ensemble des opérateurs, sous la bannière de l'Union des transports publics. Il est regrettable que le Premier ministre en ait pris connaissance par la presse. Ce courrier n'avait pas vocation à être mis sur la place publique.

Sur le fond, les valeurs du service public qui nous animent et qui nous guident depuis le début de cette crise sont là. Nous avons pris toutes nos responsabilités face à cette pandémie mondiale. Nous avons maintenu une offre de transport pour 4 % du trafic. Nous avons permis à toutes les fonctions essentielles de continuer à remplir leurs fonctions. Nous avons même imaginé de nouveaux services pour les personnels hospitaliers. Nous allons continuer dans la même logique : l'ADN de cette belle entreprise qu'est la RATP est la solidarité.

S'agissant du déconfinement, nous avons, avec les autres opérateurs de transport, fait part d'un certain nombre d'observations aux pouvoirs publics. La priorité est de proposer le meilleur service possible, en respectant au maximum la sécurité de nos personnels et des voyageurs, mais il faut aussi que nos contraintes opérationnelles soient entendues.

Certaines l'ont été, d'autres non. Nous agissons avec pragmatisme et responsabilité. Soixante-douze heures après l'allocution du Premier ministre, la RATP proposait déjà trois scénarios de déconfinement. Notre réseau, je l'ai dit, est l'un des plus denses d'Europe, et nos moyens ne sont pas extensibles. Nous faisons tous nos efforts pour que les intérêts de tous soient préservés le 11 mai.

La RATP s'est mise en ordre de marche pour essayer de développer un marquage à l'aide d'un million de stickers. Nous avons démarré le jour même de l'arbitrage. Aucun réseau de notre taille au monde ne peut s'engager à respecter la distanciation en tout lieu et à tout moment.

Notre seuil de viabilité va dépendre de la durée de la crise, de son ampleur et des mesures qui vont être arrêtées par les décideurs politiques et économiques. On le sait, nos coûts vont augmenter. J'ai essayé de vous donner le coût du nettoyage : on voit que l'augmentation va être extrêmement forte - et cela ne prend même pas en compte la cinquantaine de millions d'euros liés aux achats de masques, de gel, au marquage au sol.

Si les réseaux sont plus lourds, plus contraignants et plus chers à entretenir, il faudra se poser la question des recettes. Celles-ci ne relèvent pas de la RATP.

Je partage l'avis de Mme Vullien : en cas de crise, la fragmentation du réseau serait une difficulté supplémentaire. J'en suis intimement convaincue. Je ne peux cependant guère aller au-delà de cette appréciation. Il ne m'appartient pas d'organiser le marché.

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