Intervention de Valérie Pécresse

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 mai 2020 à 11h50
Gestion de la crise du covid-19 et de l'après-crise en île de france — Audition de Mme Valérie Pécresse présidente de la région île-de-france en téléconférence

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités :

Nous avons besoin d'alternatives aux transports en commun. 400 000 personnes se déplacent quotidiennement à vélo en Île-de-France - avec un pic à 500 000 personnes pendant les grèves de décembre. Il existe une envie de vélo, et une défiance vis-à-vis des transports en commun. Nous avons travaillé sur les coupures urbaines (portes de Paris, franchissements de villes), ce que nous n'avions jamais vraiment fait par le passé. La région s'est beaucoup mobilisée avec l'État et les gestionnaires de voirie, pour que plusieurs centaines de kilomètres de pistes cyclables provisoires puissent être ouvertes.

Je souhaite que le dispositif soit réversible et qu'il soit évalué. En certains endroits, il y aura vraisemblablement des conflits d'usage entre les vélos, les voitures, et les autobus. Certains maires ont installé les pistes cyclables provisoires à la place des couloirs de bus. Nous sommes dans l'expérimentation. Ne freinons pas les bonnes volontés, mais procédons à une évaluation à l'été. Nous regarderons alors si les pistes cyclables doivent être pérennisées, si elles ont ralenti la circulation des bus ou si elles ont créé des embouteillages. Tout ce qui sera positif devra être conservé ; ce sera un formidable élan à la pratique du vélo en Île-de-France. A l'inverse, tout ce qui posera problème devra être évalué et corrigé. Il faudra que nous soyons pragmatiques, volontaristes et souples. Je ne voudrais pas que ce formidable élan donné au vélo en Île-de-France crée des fractures, alors que le virus est déjà un aggravateur des fractures territoriales.

La région a décidé de financer à 60 % le projet de « RER vélo », qui double tous les grands axes de RER. Il s'agit d'un dispositif de long terme très puissant pour encourager la pratique du vélo sur longue distance.

J'attends comme vous avec impatience la création de voies réservées au covoiturage. La loi le permet, mais ce n'est pas simple. Sur les autoroutes, la voie réservée ne peut être que celle de gauche, ce qui suppose d'ajouter une voie circulable qui serait la bande d'arrêt d'urgence. Or les bandes d'arrêt d'urgence ne sont pas calibrées pour recevoir un trafic normal. Nous avons un énorme travail à réaliser pour les rendre circulables. Il ne serait pas raisonnable, compte tenu du degré de congestion automobile en Île-de-France, de réserver une voie au covoiturage sans ajouter de voie supplémentaire, comme l'État l'avait proposé.

Il n'est pas pensable que le déconfinement, qui aura déjà des conséquences dramatiques sur le pouvoir d'achat d'un grand nombre de ménages, se traduise par une augmentation des tarifs du pass Navigo afin de récupérer le milliard d'euros de pertes. Heureusement, la situation financière d'Île-de-France Mobilités est extrêmement saine. Il est évident que la crise aura un impact sur les investissements que nous pourrons réaliser, sauf si l'État s'engage à compenser les pertes de recettes. Si nous n'avons pas ces recettes, nous ne pourrons pas les verser à due concurrence aux opérateurs, qui n'ont pas été en capacité de garantir le service minimum pendant le confinement. Il y aura une négociation à avoir avec l'État pour savoir qui supportera ce coût.

Il faut absolument éviter que des lignes ou des gares ne ferment à la sortie du confinement. Ce serait une injustice pour les voyageurs qui sont dans l'obligation de se rendre au travail. J'ai appelé à des renforts considérables en forces de sécurité, au besoin payées par les opérateurs, pour sécuriser l'entrée dans les transports en commun et favoriser le respect de la distanciation sociale. Sur les recommandations du conseil scientifique, le Gouvernement a fait le choix de rendre obligatoire la distanciation sociale, alors que beaucoup de pays ont choisi une distanciation sociale recommandée.

En matière de solutions innovantes, nous avons déjà mis en place le SMS ticketing au début du confinement : le ticket ne s'achète plus dans le bus, mais par SMS ou par téléphone. Par ailleurs, nous avons deux nouvelles offres billettiques pour le pass Navigo : pass Navigo Easy et pass Navigo Liberté +. Le pass Navigo Easy permet de charger les titres de transport dans un porte-monnaie électronique. A ce stade, Apple n'a pas procédé aux développements nécessaires. En revanche, le système de recharge fonctionne avec Samsung, Android et Orange. Le pass Liberté + est un système de post paiement qui s'ajuste à la réalité de la consommation de transport. Le prélèvement s'effectue chaque 15 du mois en fonction des déplacements du mois précédent. Ce système présente de nombreux avantages.

Nous mettrons en place une cellule de veille quotidienne dans les transports en commun afin de surveiller les éventuelles saturations sur les lignes de bus. Nous ferons un point chaque soir avec les opérateurs. Nous ajusterons nos procédures de nettoyage si nous constatons que certaines lignes sont très fréquentées.

Concernant les masques, nous sommes encore en discussion avec l'État sur la manière de procéder. Nous souhaitons qu'il puisse y avoir une distribution dans toutes les gares, sous une forme ou sous une autre. Dans les petites gares et les petites stations, nous privilégions la distribution des masques en tissu d'Île-de-France Mobilités. Dans les gares plus importantes, les équipes municipales sont en place ; elles ont déjà réalisé un excellent travail. J'ai proposé à l'État que nous renouvelions cette expérience. Il est très difficile de trouver une entreprise pour procéder à des distributions de masques en sortie de gare. Nous n'avons pas trouvé de prestataire extérieur privé. Nous sommes obligés de recourir au système D. L'État s'est rapproché des préfets de département pour éventuellement mobiliser des équipes de secouristes ou des équipes parapubliques. Quoi qu'il en soit, toutes les gares seront couvertes d'une manière ou d'une autre.

Il faut donner la priorité dans les transports en commun aux personnes qui vont travailler. Je demande à tous les Franciliens de ne pas utiliser les transports en commun aux heures de pointe pour aller faire leurs courses. Les courses peuvent être faites aux heures creuses. Il faudra faire preuve de souplesse, de compréhension et de bon sens. Les personnes qui auront besoin de se déplacer le pourront - élèves qui se rendent à un examen, parents qui amènent leur enfant à l'école, etc. L'attestation employeur est un outil très puissant qui permet d'étaler les flux.

Les relations avec la ville de Paris sont franches et cordiales, comme toujours. Nous travaillons sur le plan vélo dans l'objectif de développer l'offre tout en évitant les égoïsmes de territoire.

Enfin, pérenniser les expériences de télétravail et de lissage des heures de pointe suppose un vrai travail de fond. Le Covid-19 aura un impact sur l'organisation du travail, y compris dans les régions voisines. Beaucoup d'entreprises et d'administration se sont mises au télétravail et en ont découvert les vertus. Si, en plus du télétravail, nous parvenions à lisser les heures de pointe, nous n'aurions plus d'embouteillages en Île-de-France.

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