Intervention de Martin Hirsch

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Martin Hirsch directeur général de l'assistance publique — Hôpitaux de paris en téléconférence

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) :

Dès le début de la crise, l'AP-HP a fait en sorte que les nombreux hôpitaux qu'elle regroupe communiquent entre eux, mènent la même politique, partagent les recommandations et fassent remonter les informations. Nous tenons quotidiennement des réunions de crise, le matin avec les responsables médicaux et directoriaux des groupes hospitaliers, auxquels s'ajoutent, le soir, des experts et des médecins.

À la date d'aujourd'hui, l'AP-HP a pris en charge 14 074 patients atteints du Covid-19, dont 2 971 sont passés par nos unités de réanimation. C'est à la fin de la première semaine d'avril que le nombre de patients en réanimation a été le plus élevé.

Le nombre de nos patients a diminué environ de moitié en un mois, ce qui représente une décroissance lente : 469 personnes sont actuellement en réanimation dans nos établissements. Nous assurons, en outre, le suivi à domicile de 60 000 personnes environ, ayant subi un test PCR ou présentant les symptômes du Covid, qui bénéficient d'une télésurveillance partagée entre l'hôpital et la médecine de ville. Elles peuvent, de chez elles, consulter leur médecin traitant, répondre à un questionnaire quotidien, être jointes par téléphone, éventuellement bénéficier d'une téléconsultation. La moitié des médecins généralistes d'Île-de-France ont inscrit au moins un patient sur cette plateforme.

En Île-de-France, nos hôpitaux ont pris en charge 40 % des patients atteints du Covid. L'ensemble des établissements publics et privés ont été mobilisés en temps utiles, sous l'autorité de l'agence régionale de santé (ARS), le pilotage visant, dans une approche globale, à armer parallèlement les hôpitaux publics et privés, à but lucratif ou non, en termes de nombre de lits, d'effectifs et d'équipements médicaux. Ce dispositif a permis de surmonter les difficultés.

Le 31 mars et le 1er avril, avant même le pic de l'épidémie, le nombre de lits disponibles voisinait celui des malades, mais nous n'avons pas été dépassés. Lors de la première semaine d'avril, nous avons ouvert des lits supplémentaires. La répartition a été très claire entre les différents établissements, en période de croissance comme de décroissance de l'épidémie, pour la prise en charge des patients atteints du Covid et de ceux souffrant d'autres pathologies. Nous n'avons pas laissé les urgences vitales sans réponse, mais chaque établissement a dû s'adapter afin que les patients et les personnels soient en sécurité.

Les ressources en personnels sont le facteur clé de notre dispositif. Au début de la crise, des postes étaient vacants, pour les raisons structurelles que j'avais exposées devant le Sénat ; nous étions d'ailleurs dans un contexte de grève. Trois points doivent être soulignés.

Premièrement, l'ensemble des personnels se sont mobilisés sans réserve ni limite. De nombreux permanents syndicaux ont ainsi remis leur blouse. Deuxièmement, il a fallu réduire les repos et les congés, élargir les horaires de travail et recourir de façon considérable aux heures supplémentaires. Troisièmement, nous avons fait appel à des renforts, soit 8 000 équivalents temps plein (ETP), notamment des étudiants en médecine, des étudiants infirmiers ou kinésithérapeutes, des retraités, des personnels provenant d'autres établissements et régions.

Nos équipes d'hygiène hospitalière ont défini des recommandations portant sur les gestes barrières, le lavage des mains, les masques. Lorsque la crise a pris de l'ampleur, nous disposions d'un stock de 2,5 millions de masques chirurgicaux et FFP2. Notre consommation quotidienne de masques, qui était de 10 000 à 15 000, est passée à 190 000 masques chirurgicaux et 45 000 FFP2. Tandis que notre stock diminuait, nos approvisionnements traditionnels, nationaux ou internationaux, se tarissaient et la demande mondiale explosait. Nous avons donc pris des mesures de prescription stricte de ces équipements, alors même que nous en élargissions l'usage. Il y a eu aussi des tensions sur les blouses et les visières. Pour les pallier, nous avons alerté sur nos besoins, activé nos mécanismes d'approvisionnement, utilisé l'argent des dons et mis en route des systèmes de production. Un dispositif tridimensionnel comprenant 63 imprimantes 3D en batterie, mis au point et validé par des experts, produit ainsi des matériels de protection individuels.

Je veux saluer la mobilisation remarquable de nos équipes et notre mode de fonctionnement, lequel a été proche de l'idéal. Ces professionnels ont changé de pratiques, d'usages, parfois de métier, et ont fait preuve d'une solidarité sans faille. Sans jamais se considérer comme des héros, ils ne voulaient pas que les applaudissements de 20 heures soient vains.

Tout aussi forte fut la mobilisation pour participer aux simulations épidémiologiques, transmettre les données, faire des recommandations et gagner la bataille de la prévention pour maîtriser l'épidémie. Nous avons mis en place avec différents partenaires - collectivités territoriales, ONG, médecins de ville, communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), maisons de santé -, avant l'annonce par le Président de la République de la date du déconfinement, le programme Covisan visant à casser les chaînes de contamination. Il concerne actuellement environ 1 500 personnes, qui ont donc fait l'objet d'une enquête de voisinage, d'une mesure d'isolement, d'une dotation en masques et solution hydroalcoolique.

Sur la comparaison avec l'Allemagne, je resterai prudent. Je ne pense pas qu'il y ait un lien entre le nombre de lits de réanimation en Île-de-France et la mortalité ou la surmortalité. Ce ne fut pas un facteur de perte de chance.

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