Il faut aborder la question des masques sous un angle large. Deux sujets complémentaires doivent être traités : les masques pour les professionnels et ceux pour le grand public. Je ne pense pas - mais je veux être prudent - que les hôpitaux doivent être responsables des stocks pour le grand public ; en revanche, ceux qui sont destinés à leurs professionnels doivent relever de leur responsabilité, afin de ne pas dépendre de circuits complexes.
En matière de recherche, vous m'interrogez sur la position que j'ai prise à la fin du mois de mars sur l'hydroxychloroquine et sur la communication de l'AP-HP du 23 avril relative à l'un de nos essais cliniques. La recherche a été très active dans notre pays : l'AP-HP a pris en charge 14 000 patients, dont 7 000 ont été inclus dans des essais cliniques, et ce dans des délais records. La mobilisation des acteurs concernés a été remarquable : des étudiants sont devenus des techniciens d'études cliniques, des comités de pilotage ont priorisé les recherches pour éviter qu'elles ne se cannibalisent. Le soin a été fait en parallèle des exigences de la recherche clinique : nous n'avons pas agi seulement pour gérer la situation immédiate, nous nous sommes également préoccupés de la deuxième vague ou de la troisième... Ne tapons pas sur la France quand elle fonctionne bien ! Nos hôpitaux sont un atout de notre pays. J'y insiste, à un moment où nous n'aurions pu faire que du soin, nous avons fait notre devoir en faisant en même temps de la recherche.
Nous avons participé à des essais, comme Discovery, et promu les nôtres, avec d'autres hôpitaux - je pense à Corimuno-19. Je fais totalement confiance aux acteurs de la direction de la recherche clinique, dont l'excellence est reconnue bien au-delà de nos frontières. Si nous étions mauvais, les autres pays, comme la Chine, nous solliciteraient-ils pour faire de la formation à la recherche clinique ? Pensez-vous vraiment que, au moment du Covid, nous avons jeté par-dessus bord les bonnes pratiques dont nous sommes les plus grands fervents ?
Alors que s'est-il passé ? Face à des résultats prometteurs, les scientifiques ont été confrontés à un dilemme : attendre ou communiquer leurs résultats au vu du contexte très particulier de cette crise. Ce sont les scientifiques qui ont tranché en faveur d'une communication, que nous avons accompagnée institutionnellement. Ont-ils prétendu que ces résultats étaient déjà publiés, que l'étude avait été revue par des pairs, ou donné des chiffres ? La réponse est non. Ont-ils estimé que les résultats étaient suffisamment prometteurs pour être partagés ? La réponse est oui.
Le Data Safety Monitoring Board - le comité de surveillance et de suivi des données - a démissionné, car ses membres n'étaient pas d'accord avec la décision prise. Nous avons constitué un nouveau comité, élargi à des étrangers, pour éviter les querelles franco-françaises, et décidé que les scientifiques ne feraient pas de nouvelle communication avant l'étape de la publication par les voies scientifiques traditionnelles.
Sur l'hydroxychloroquine, nous avons proposé de lancer des études scientifiques rigoureuses. Je me suis interrogé sur la différence entre les résultats in vitro et l'absence d'éléments scientifiques prouvés in vivo, mais je n'ai mis aucun obstacle à la réalisation d'études sur ce sujet.
J'en viens à Covisan. Le Gouvernement a décidé de mettre en place des équipes mobiles avec l'assurance maladie. Le savoir-faire que nous avons développé est à la disposition de tous ceux qui le jugeraient utile. Nos professionnels apportent un soutien aux patients et aux cas contacts, avec la mise à disposition de services, tout en ayant une vision médicale de proximité et en menant un travail de conviction.
La stratégie de l'AP-HP dans les prochains mois est la suivante : ne rien désarmer, reconstituer ses forces, plaider pour l'adoption rapide de mesures permettant de fonctionner de manière stable, se mobiliser pour ne pas être passifs face à une éventuelle deuxième vague en contribuant à la prévention et en cassant les chaînes de contamination. Nous veillons aussi, en parallèle, à ce qu'il n'y ait pas de retard dans la prise en charge des autres pathologies graves.