Intervention de Martin Hirsch

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Martin Hirsch directeur général de l'assistance publique — Hôpitaux de paris en téléconférence

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) :

Je peux confirmer à Mme Imbert et M. Daudigny que la recherche clinique va au-delà des patients graves hospitalisés. Le projet MG Covid, par exemple, est conduit avec les médecins généralistes et aucun autre pays ne mène un projet de l'ampleur de Covidom, qui a permis d'inscrire 60 000 patients à domicile sur une seule application.

Cette période a permis de faire tomber des murs et d'estomper des frontières, notamment entre la médecine de ville et l'hôpital. Il n'y a pas eu d'hospitalo-centrisme, bien au contraire ! Les malades graves ont été pris en charge à l'hôpital, mais les hôpitaux ont travaillé avec les autres acteurs.

Santé publique France est responsable de la centralisation des approvisionnements. Nous lui avons donc fait remonter nos besoins, tout en comprenant bien que les besoins de tous devaient être satisfaits et que nous n'étions pas les seuls en France.

En matière de contact tracing, je ne me prononcerai pas sur StopCovid. Si le Gouvernement me demande de tester cette application, je le ferai, mais je n'ai pas été saisi jusqu'à présent. Faut-il des applications anonymes ou, au contraire, un système qui permette la localisation des personnes ? Nous avons choisi de réamorcer la seconde démarche. Je parle de « réamorcer », car c'est ce que nous faisons déjà lorsqu'il y a des cas de méningites et c'est aussi ce qui a été fait en janvier et en février pour juguler les clusters. Les chaînes de contamination peuvent concerner des malades qui ont des médecins traitants, mais aussi d'autres qui n'en ont pas et au-devant desquels il faut aller. Certains se présenteront dans des pharmacies avec une symptomatologie qui attirera l'attention, d'autres appelleront le 15, d'autres encore se présenteront dans des services d'urgence... Dès lors qu'un patient est potentiellement contaminant, il faut pouvoir déclencher un dispositif rapide qui puisse désormais être en lien avec un système national. L'objectif est « d'éviter les trous », de couvrir tous les patients.

Plusieurs questions, notamment celles de M. Daudigny et Mme Jasmin, ont porté sur la souffrance des personnels et la protection que nous leur offrons. Nous avons d'emblée rendu public chaque semaine le nombre de personnels contaminés. Nous avons à déplorer la perte de quatre professionnels, dont l'un est un cas particulier puisqu'il était en télétravail. Mais nous avons choisi de considérer que la contamination de tout personnel hospitalier était liée à l'exercice de l'activité professionnelle. Le nombre de personnels identifiés comme contaminés est de 4 500 ; des mesures permettant de les tester, de les soigner et de les isoler ont été prises. Depuis une dizaine de jours, nous proposons aussi des tests aux membres de l'équipe dans laquelle ils travaillaient, ainsi qu'à leurs cas contacts. Nous faisons à l'intérieur de nos murs le contact tracing que nous préconisons à l'extérieur.

La sérologie qui sera progressivement pratiquée mettra certainement en évidence que le nombre de personnes ayant été en contact avec le virus, et l'ayant peut-être attrapé sans développer de symptômes, sera plus élevé que le nombre que je viens de vous donner.

S'agissant des personnels, je peux vous dire que toute personne qui travaillait en réanimation pendant le mois d'avril a forcément été en souffrance, car nous n'étions pas habitués à une telle situation. Nous avons essayé d'accompagner au mieux nos personnels. Dès le début, nous avons mis en place des lignes d'écoute 24 heures sur 24 avec des psychologues et des psychiatres, et diffusé largement ces numéros. Des équipes de psychologues, auxquelles je rends hommage, se sont rendues dans les services pour proposer leur aide. Nous avons mis en place une plateforme web Hoptisoins, pour que les personnels aient facilement accès aux taxis, hébergements, aides et partenariats que nous avons conclus... Cela n'enlève pas la souffrance, mais peut en atténuer les effets. Nous avons également fait en sorte d'améliorer les repas et les avons rendus gratuits. La mobilisation a été extraordinaire et nous avons reçu l'aide de donateurs et de volontaires, dans un élan de générosité qui allait bien au-delà des applaudissements de 20 heures et auquel nous avons tous été très sensibles.

Madame Lubin, vous m'avez m'interrogé sur le retour à « l'anormalité ». Effectivement, certains acteurs avaient l'impression qu'il fallait toujours demander des autorisations ou des moyens, et ils se sont retrouvés dans une situation différente. Le pire serait que chaque catégorie de l'hôpital raisonne comme si elle était seule. La première leçon de cette crise, c'est que l'hôpital est une communauté, avec des médecins, des infirmières, des professions paramédicales, des personnels administratifs et techniques. Si vous pensez qu'avant la crise certains personnels subissaient des normes tandis que d'autres trouvaient un plaisir malin et pervers à les faire appliquer, vous vous trompez !

Le système hospitalier français, soumis à des contraintes particulières comparé à d'autres pays, est cloisonné, et ses différentes catégories de personnels peuvent être montées les unes contre les autres - médecins contre administratifs, mais aussi professeurs des universités (PU) contre praticiens hospitaliers (PH), titulaires contre contractuels, etc. Mais si vous croyez que certains, parce qu'ils portent une cravate ou ont une casquette administrative, veulent revenir à ce mode de fonctionnement, vous vous trompez ! Il n'y a pas des vainqueurs et des vaincus, des gentils et des pervers. Il faut repenser l'hôpital, pour lui donner davantage de leviers d'action, car plus le pouvoir est faible, et plus les luttes pour l'acquérir sont fortes. Donnons davantage de souplesse aux organisations hospitalières publiques. Il faut garder l'esprit public, mais sans le tatillonnisme.

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