Merci, madame la présidente.
Mesdames, Messieurs, je tiens d'abord à remercier la délégation aux droits des femmes du Sénat d'avoir organisé cet événement pour la Semaine de l'égalité. En tant qu'ancienne parlementaire, je tiens tout particulièrement à saluer et à remercier l'engagement des femmes parlementaires, députées et sénatrices de toutes couleurs politiques, sans lesquelles la représentation politique des femmes ne serait pas assurée. Elles se battent au jour le jour pour assurer cette représentation.
Il y a vingt-cinq ans, en 1995, à Pékin, la communauté internationale était rassemblée pour rappeler, pour affirmer et pour reconnaître que les droits des femmes sont des droits fondamentaux de la personne. Il est important de rappeler que ce moment était absolument historique. Certaines et certains d'entre vous y ont participé. Malheureusement, je n'ai pas eu cette chance, étant relativement jeune à l'époque, mais je me réjouis que nous nous retrouvions ensemble cette année, vingt-cinq ans après.
La Conférence de Pékin était un moment inédit dans l'histoire. 187 états membres de l'ONU et 40 000 participantes et participants de la société civile étaient rassemblés pour poser le cadre normatif international, pour la première fois dans l'histoire, qui allait engager les États à soutenir les droits des femmes.
Pour la première fois, l'ensemble de la communauté internationale reconnaissait non seulement que les droits des femmes sont des droits de la personne, mais qu'il existe des inégalités fondamentales et persistantes entre les femmes et les hommes. Elle reconnaissait aussi qu'un engagement fort et déterminé était nécessaire pour combattre et réduire ces inégalités. La Conférence de Pékin a donc défini ce cadre normatif international avec une déclaration et une plateforme d'actions, qui sont aujourd'hui des textes essentiels que nous continuons de défendre dans les enceintes internationales.
En revanche, la Conférence de Pékin n'avait pas complètement déterminé les moyens d'action que devaient mettre en oeuvre les États et l'ensemble des organisations internationales. Vingt-cinq ans plus tard, nous nous retrouverons donc à Mexico, les 7 et 8 mai, puis à Paris, du 7 au 10 juillet, pour le Forum Génération égalité.
J'aimerais revenir sur la genèse de la décision qui a été prise d'organiser cette conférence. Lorsque les partenaires de la communauté internationale s'étaient retrouvés en 1995 à Pékin, la promesse avait été faite de se retrouver tous les cinq ans. Qu'est-il arrivé depuis vingt-cinq ans pour que nous n'ayons pas eu de nouvelles conférences internationales de l'ONU sur les femmes ?
Il est arrivé une chose simple, comme la présidente Claudine Lepage l'a rappelé. Nous avons observé une montée en puissance d'un certain nombre de conservatismes et de positions réactionnaires portés par des États membres de l'ONU, dans les pays du sud, mais aussi dans les pays du nord, soutenus par des organisations de tous types, notamment religieuses, mais pas uniquement.
Nous avons fait le constat que si la communauté internationale se réunissait pour adopter le même texte que celui qui a été adopté il y a vingt-cinq ans, il est fort probable que le texte ne serait pas adopté en l'état. Le Gouvernement français l'a relevé, avec d'autres États et organisations, dans toutes les enceintes internationales. Nous nous battons tous les jours à Genève, à Paris, à New York ou à Bruxelles pour défendre le langage agréé des textes, des résolutions et des conventions internationales de l'ONU.
À notre époque, la montée des conservatismes est une évidence. Elle est concertée, organisée, financée et extrêmement puissante. Il faut reconnaître que vingt-cinq ans après la Conférence de Pékin, le compte n'y est pas. Certes, de grands progrès ont été faits pour les droits des femmes en termes d'accès à l'éducation ou à la santé, mais aussi en termes de participation économique et politique. Mais à la vitesse à laquelle nous avançons - ou plutôt reculons - aujourd'hui, il est probable que le compte n'y sera pas en 2030 pour atteindre les objectifs de développement durable fixés en 2015 à l'ONU dans le cadre de l'Agenda 2030, et notamment l'Objectif de développement durable 5 (ODD 5) qui porte sur l'égalité et la parité entre les femmes et les hommes.
Aujourd'hui, plus de 130 millions de filles de 6 à 17 ans ne vont pas à l'école alors qu'elles sont en âge d'être scolarisées. Dans certains pays du monde, plus de 90 % des petites filles sont encore excisées. Nombre d'entre elles sont forcées de se marier à des âges bien inférieurs à la majorité, dans des couples qu'elles n'ont pas choisis. En 2020, nous n'avons que 21 femmes cheffes d'État et de gouvernement sur plus de 190 États membres de l'ONU. Le pourcentage moyen de femmes parlementaires dans le monde est de 25 %.
Il était donc urgent que cette conférence internationale, organisée sous l'égide d'ONU Femmes et coprésidée par le Mexique et la France, se tourne vers les moyens d'action. Il convient d'accélérer l'implémentation et la mise en oeuvre des droits des femmes.
Nous avons donc choisi un format différent des habituels sommets onusiens. Nous avons décidé d'inviter à Paris et à Mexico celles et ceux - organisations internationales, ONG, États membres, syndicats, gouvernements locaux... - qui sont prêts à prendre de réels engagements - et non ceux dont l'objectif serait d'aller à Paris et à Mexico pour paralyser le processus.
Nous avons identifié six coalitions d'action qui sont autant de véhicules flexibles des mécanismes d'action mettant autour de la table tous les acteurs de bonne volonté. La principale différence avec la Conférence de Pékin réside dans le choix de cette méthode.
Depuis 1995, de nouveaux acteurs ont émergé. Je pense notamment aux organisations de jeunesse. Nous ferons d'ailleurs un focus important sur ce sujet lors du forum afin de mettre en valeur la voix de la jeunesse. Je pense aussi à tous les acteurs du secteur privé, car les entreprises sont devenues des acteurs importants de la communauté internationale et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je pense enfin à l'engagement des hommes et des garçons, qui a émergé de manière importante dans la lutte contre les inégalités. Cette cause n'est pas l'apanage des femmes, elle concerne aussi les hommes et l'humanité tout entière.
Les six coalitions évoqueront les thématiques suivantes :
- la lutte contre les violences faites aux femmes ;
- l'impact de la transition écologique sur les femmes ;
- la place des femmes dans l'innovation et les nouvelles technologies ;
- le droit à disposer de son corps et les droits et santé sexuels et reproductifs ;
- le droit, la justice et l'autonomisation économique ;
- le soutien aux mouvements féministes et au leadership féministe.
Nous y avons ajouté une thématique transversale sur l'éducation.
Nous souhaitons donc que ces coalitions soient des véhicules d'action. Il s'agira de programmes d'action sur une période de cinq ans (2020-2025). Cette temporalité relativement courte permettra de fixer des objectifs concrets, vérifiables et mesurables à atteindre en 2025. Elle permettra aussi de mettre en oeuvre une accélération des droits des femmes dans ces thématiques. Nous irons chercher tous les acteurs de bonne volonté dans toutes les catégories d'acteurs de l'égalité pour les faire travailler ensemble. Mettre autour de la table des États membres, des entreprises et des organisations internationales, des associations féministes, des organisations de jeunesse et des membres de la société civile représente un défi, mais nous n'y arriverons pas sans l'engagement de tous.
Je finirai en rappelant que la conférence s'inscrit dans l'engagement constant, déterminé et volontariste du Président de la République et du Gouvernement pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Le Président de la République a fait de l'égalité une grande cause nationale, mais également mondiale. La secrétaire d'État à l'égalité, Marlène Schiappa, et le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, portent ensemble une diplomatie féministe à la française.
Vous vous souvenez que l'année dernière, le Président de la République a choisi la question des inégalités comme thématique centrale du G7 sous la présidence française, et notamment la thématique de l'inégalité entre les femmes et les hommes. De nombreuses initiatives ont été lancées par Marlène Schiappa, qui a porté avec force le partenariat de Biarritz, et par Jean-Yves Le Drian, comme « Gender in the center », qui assure la scolarisation des jeunes filles, en particulier au Sahel, ainsi qu'une coalition en faveur de l'autonomisation économique des femmes en Afrique.
Cette année, dans le cadre du Forum Génération égalité, la France sera évidemment présente sur tous les sujets avec le Mexique. Elle s'engagera particulièrement sur la thématique des droits de santé sexuelle et reproductive. Cela a été annoncé lors de la remise du prix Simone-Veil, un prix de la République Française en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. La France souhaite se porter candidate pour mener la coalition sur les droits et santé sexuels et reproductifs et sur le droit à disposer de son corps.
Cela ne sera pas une grande surprise pour les organisations féministes qui nous écoutent. Nous avons entendu vos demandes pour que la France se porte candidate pour cette coalition. Cela correspond à un engagement fort de tous nos postes diplomatiques dans les enceintes multilatérales. Nous défendons le langage agréé et le droit des femmes à disposer de leur corps, c'est-à-dire l'éducation à la sexualité, le droit à la contraception et à l'avortement, la santé maternelle et infantile, la lutte contre les mariages forcés et les mutilations génitales. Nous continuerons à porter ces droits à travers la coalition sur les droits sexuels et reproductifs.
Je constate aussi que de nouveaux défis sont apparus depuis 1995. Il s'agit de la transition écologique et de la transition numérique. Nous avons donc souhaité que deux de ces coalitions portent sur des sujets importants qui impactent les femmes au premier plan. Les femmes doivent être demain des actrices de premier plan dans ces domaines, car ce n'est pas encore le cas. Elles ne sont pas en position de force dans les négociations environnementales. Elles ne sont pas assez bien représentées dans les filières STEM (Science, technology, engineering, and mathematics), dans les start-ups, les filières technologiques et les GAFA ou encore dans l'intelligence artificielle. Nous devons absolument corriger cela pour que les femmes soient actrices du monde de demain.
Je vous remercie et je tiens à me féliciter de votre présence aujourd'hui et de notre excellent partenariat avec ONU Femmes et avec le gouvernement mexicain pour le succès de cette conférence. J'espère vous retrouver à Mexico et à Paris.