Madame la présidente, chères toutes et chers tous, c'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Nous vous remercions pour cette invitation. En effet, un partenariat lie UNICEF France avec la délégation aux droits des femmes du Sénat et nous avons mené ensemble des actions fructueuses.
Comme l'a précisé Claudine Lepage, nous intervenons aujourd'hui à deux voix, avec ma collègue Farah Malek-Bakouche, chargée de plaidoyer international, pour dresser un bilan des droits des filles aujourd'hui.
Je ferai tout d'abord un état des lieux des droits des filles dans le monde, puis ma collègue exposera des illustrations concrètes de la manière dont l'UNICEF incarne les droits des filles par des programmes de terrain et des méthodes que nous mobilisons pour atteindre nos objectifs.
Je m'appuierai ce matin sur trois rapports qui sont disponibles en ligne et que je vous invite à consulter :
- un rapport de 2010 sur l'égalité des genres ;
- un rapport centré sur la situation des adolescentes en Afrique de l'Ouest et du Centre ;
- un rapport mondial réalisé conjointement par l'UNICEF et plusieurs organisations internationales dont ONU Femmes sur la situation des filles et des femmes.
Ces documents pourront vous aider à approfondir les points que j'évoquerai dans cette présentation synthétique.
En effet, 2020 est une année charnière pour la situation des droits des filles, comme cela a été souligné par d'autres intervenants, avec les 25 ans de la déclaration de Pékin. 2020 est également un point d'étape pour la feuille de route des Objectifs de développement durable (ODD) dont l'ODD 5 qui est notre boussole dans l'atteinte des objectifs qui sont les nôtres en matière d'égalité femmes-hommes.
En outre, 2020 est une année charnière aussi pour l'UNICEF, car nous sommes à mi-parcours de notre plan d'action pour l'égalité des sexes. Nous sommes donc dans une année de bilan et de retour d'expérience sur nos actions. Certaines se sont bien déroulées alors que d'autres ont un bilan moins positif.
Au niveau global, nous observons de nombreux progrès depuis une décennie. Les filles vivent mieux aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans. Toutefois, elles font encore face à des défis importants. Elles sont exclues des processus décisionnaires qui les impactent. Cela est vrai pour les femmes et encore plus pour les filles. Elles sont aussi marginalisées. Nous constatons également que les filles vivant dans des zones rurales ou dans des zones de conflit, ainsi que les filles vivant avec un handicap ou issues de minorités ethniques, sont encore plus discriminées et ont encore moins la parole. En effet, la discrimination commence très tôt, dès l'enfance. Elle limite leurs opportunités et contraint leurs comportements.
Pour donner quelques illustrations concrètes sur les droits des filles, je prendrai des exemples dans le domaine de l'éducation. Certes, des progrès significatifs ont été obtenus en vingt-cinq ans et il n'y a jamais eu autant de filles à l'école. C'est indéniable. Il y a moins de filles non scolarisées qu'il n'y en avait à l'époque. Cependant, il reste des défis importants malgré ces avancées. Au niveau mondial, quatre filles sur cinq finissent le cycle primaire et deux filles sur cinq finissent le cycle secondaire. C'est là que se situe la priorité aujourd'hui. Les progrès restent donc devant nous, en particulier sur le cycle secondaire. Nous devrons avancer sur ce volet dans les années à venir.
Le rapport que j'ai cité sur l'Afrique de l'Ouest et du Centre est particulièrement intéressant, car il s'agit d'une zone où les inégalités sont criantes. En Guinée équatoriale et en Sierra Leone, par exemple, les filles sont renvoyées de l'école publique quand elles sont enceintes. Au Cameroun, 15 % des violences sexuelles à l'encontre des adolescentes se produisent en milieu scolaire. Cela nous montre l'ampleur de la tâche qui nous attend.
En outre, il est important de souligner que le nombre d'enseignantes reste encore trop faible. Or il faut que les filles puissent s'identifier à des modèles. Nous avons ainsi une statistique indiquant que seulement 25 % des enseignants du secondaire sont des femmes à l'échelle mondiale. Ce chiffre n'a pas évolué depuis 2000. Il s'agit donc d'une piste d'action essentielle pour nous.
Le dernier point sur l'éducation correspond à ce que l'ambassadrice Delphine O a également souligné, à savoir le peu de moyens et de mobilisation pour que les filles puissent avoir accès aux STEM (sciences, technologie, mathématiques et sciences de l'ingénierie). Ces études et ces carrières restent encore trop largement réservées aux garçons et aux hommes. De plus, nous observons une absence de modèles féminins dans ce domaine.
Le deuxième enjeu dont je souhaite parler ce matin concerne les filles face aux actes de violence. Malheureusement, la situation ne s'est pas améliorée et il reste de nombreux obstacles, qu'il s'agisse des violences conjugales ou des mutilations génitales féminines. Ces dernières empêchent les filles et les femmes d'accéder à leurs droits en matière de santé et d'éducation. La pratique des mutilations génitales féminines est en déclin. Les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans vivant dans des pays où les mutilations génitales féminines ont cours sont moins favorables à la poursuite de cette pratique que les femmes de quarante-cinq à quarante-neuf ans. Cela montre que les mentalités sont en train de changer. Toutefois, nous savons que 200 millions de filles et de femmes ont subi de telles mutilations. Notre estimation montre que 68 millions d'entre elles risquent d'en être victimes d'ici 2030 si nous n'accélérons pas la lutte contre ce fléau.
S'agissant du mariage des enfants et des filles en particulier, nous constatons des avancées. La proportion de femmes mariées avant l'âge de 18 ans, d'une sur quatre il y a vingt-cinq ans, est aujourd'hui d'une sur cinq. Ce niveau reste évidemment trop élevé, mais il diminue tout de même. De plus, la répartition de cette pratique est très inégale à l'échelle mondiale. Certains pays n'ont pas progressé rapidement. C'est en Afrique de l'Ouest et du Centre que le risque est le plus élevé pour les filles. En effet, quatre jeunes femmes sur dix y sont mariées avant l'âge de 18 ans. Cette proportion est significative.
En matière de santé, une grande problématique concerne les grossesses précoces, qui restent un fléau important. En effet, la maternité chez les adolescentes fait encourir des risques médicaux supplémentaires tels que l'hémorragie et la septicémie, principales causes de décès chez les adolescentes de 15 à 19 ans. De plus, le risque d'exclusion de la communauté est fort lorsque la grossesse a lieu hors mariage. Aujourd'hui, un peu moins de la moitié des adolescentes enceintes n'ont pas accès à des visites prénatales et n'ont pas de suivi normal de leur grossesse. Cela reste un sujet de préoccupation pour nous. Enfin, les filles sont particulièrement vulnérables au risque d'anémie, qui est également un fléau et sur lequel nous avons peu progressé. Les adolescentes sont en effet particulièrement exposées aux carences en fer. Ce sujet fait partie de nos priorités d'action.
Les défis sont donc nombreux. Il existe également un enjeu des filles face à la transition écologique et au changement climatique. Nous constatons que le changement climatique agit comme un accélérateur d'inégalités. Les personnes les plus vulnérables et les plus discriminées ont moins de chance de pouvoir y faire face. Les filles y seront donc particulièrement exposées et nous devrons nous montrer vigilants.