Intervention de Farah Malek-Bakouche

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 5 mars 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur le forum génération égalité de 2020

Farah Malek-Bakouche, chargée de plaidoyer international d'UNICEF France :

Vous pouvez voir sur l'écran notre plan stratégique et l'intégration du genre dans nos programmes et notre feuille de route. Ces informations sont disponibles sur le site Internet de l'UNICEF. Nous avons identifié cinq domaines interdépendants :

- mettre fin aux mariages des enfants ;

- améliorer le niveau d'éducation secondaire des filles, particulièrement dans les filières scientifiques ;

- promouvoir la santé sexo-spécifique des adolescentes, ce qui inclut la prévention des soins obstétricaux et du VIH ;

- soutenir l'hygiène et la santé menstruelles ;

- prévenir les violences sexistes.

L'UNICEF est présente dans plus de 160 pays et je ne vous donnerai donc qu'un aperçu de nos actions. À nouveau, de nombreuses informations sont disponibles en ligne et nous sommes prêts à partager nos rapports.

En matière d'éducation, l'UNICEF intervient notamment dans le renforcement des politiques éducatives. Au Mali, nous avons travaillé avec le ministère de l'éducation pour que ce dernier consacre une ligne budgétaire à l'éducation des filles. Cela paraît aller de soi, mais ce n'est pas toujours le cas. C'est un petit pas en avant.

Nous oeuvrons aussi sur le volet législatif et sur les violences faites aux filles. En Ouzbékistan, avec la criminalisation de la violence basée sur le genre dans le cadre des violences conjugales et une intégration de la protection des enfants qui sont victimes et témoins de ces actes criminels. Au Soudan du Sud, l'UNICEF remet en question ses interventions de terrain puisqu'elle a révisé les processus d'évaluation sur les filles survivantes des conflits armés. En effet, ces dernières ont été longtemps invisibles dans la prise en charge psychosociale. Ce volet a été revu pour les filles. Nous avons modifié notamment les procédures de référencement afin de mieux prendre en charge les adolescentes ayant été esclaves sexuelles ou ayant été impliquées directement dans les conflits armés. Notre démarche inclut également le soutien aux enfants qui sont nés lors des périodes de captivité.

Un autre exemple d'actualité est le Fonds Français Muskoka, qui a un effet catalytique. La restitution qui a eu lieu lundi sur ce fonds a indiqué qu'il permet de réduire la mortalité maternelle, néonatale et infantile à travers le renforcement des systèmes de santé dans dix pays francophones d'Afrique de l'Ouest et du Centre. L'UNICEF est impliquée dans ce fonds depuis le début. Le Fonds Muskoka présente un mécanisme innovant de coordination, d'appui technique et de mise en oeuvre avec quatre agences onusiennes (ONU Femmes, UNICEF, l'OMS et le Fonds des Nations Unies pour la population). Nous intervenons notamment au Mali, au Sénégal, au Togo et au Niger dans le cadre du renforcement des capacités sur les soins obstétriques et néonataux d'urgence, avec une cartographie des maternités qui sont en mesure d'offrir ce service. Nous travaillons aussi sur l'institutionnalisation de la surveillance par rapport au risque de décès maternel et de mortalité infantile.

J'ajouterai deux autres exemples qu'UNICEF France soutient particulièrement. Il s'agit, à Djibouti, d'un projet d'intervention communautaire sur les changements des normes sociales en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines. L'objectif est d'inciter les communautés à abandonner cette pratique qui est certes en déclin, mais de manière inégale. En effet, il existe un risque de médicalisation de la pratique. Certaines zones ne sont pas couvertes par des activités de sensibilisation et certains acteurs clés restent inactifs. Il y a également une forte disparité en fonction du lieu de résidence et de l'âge. Le pays a adopté une nouvelle stratégie pour accélérer l'abandon des mutilations génitales féminines avec un plan d'action quinquennal pour la période 2018-2022. Dans ce cadre, l'UNICEF soutient un projet visant à diversifier les acteurs impliqués et à rendre centraux les adolescents et les adolescentes dans cette prise de conscience, qu'ils soient scolarisés ou non.

Les stratégies d'intervention comprennent le dialogue avec les communautés, ce qui inclut les leaders religieux et communautaires et les parents. Nous effectuons aussi une sensibilisation à des thématiques connexes comme la nutrition ou la petite enfance. Nous observons un renforcement des capacités des adolescentes et des adolescents, qu'ils soient scolarisés ou non, et une participation renforcée des jeunes. En outre, nous documentons les bonnes pratiques, car la production de données est importante pour que nous soyons en mesure de répliquer ou d'apprendre des erreurs qui ont pu être commises lors du déroulement du programme.

Les résultats de ce projet montrent que, sur 414 filles ayant été identifiées comme risquant d'être excisées, 160 ont été sauvées. Les 254 autres filles sont en suivi de proximité. Ces chiffres datent de juin 2019.

Par ailleurs, l'intersectoriel est très important. Le secrétariat d'État en charge des affaires sociales a intégré les pratiques familiales à titre de mesures d'accompagnement au programme de transfert monétaire. Cela signifie que toutes les familles qui reçoivent un soutien financier dans le cadre de la protection sociale sont appelées à participer au dialogue communautaire. Elles sont sensibilisées aux questions de bien-être de l'enfance. Nous faisons ainsi « d'une pierre deux coups », si je puis m'exprimer ainsi.

Au Bénin, nous portons un projet multisectoriel qui cible les questions de santé, de prévention contre le VIH et d'éducation. L'accent est mis sur les grossesses précoces chez les adolescentes à haut risque d'exposition au VIH, les adolescentes vivant avec le VIH et les adolescentes qui sont exposées au mariage précoce. Nous observons dans ce pays une fréquentation scolaire faible dans le secondaire (45 % chez les enfants de 12 à 18 ans). De plus, 51 % des femmes n'ont pas d'instruction, contre un homme sur trois. La situation s'aggrave à partir de 15 ans. En outre, la prévalence contraceptive n'est que de 13,8 % pour les 20/24 ans. Une fille sur dix est mariée avant ses 15 ans et trois sur dix avant leurs 18 ans. Le programme est limité à une région, la zone du Zou, pour des raisons budgétaires. Ce projet pilote pourra être amplifié aux échelles provinciales et nationales s'il fonctionne bien.

Notre stratégie d'intervention se fonde sur trois axes.

Le premier concerne le renforcement institutionnel, avec des documents de politiques favorables à la santé des adolescentes.

Le deuxième vise l'élaboration et la livraison d'un paquet d'interventions multisectorielles qui se fait par le biais de trois plateformes :

- une plateforme dédiée à la santé regroupe entre autres les questions de dépistage, de prévention, de traitement du VIH et de soutien psychosocial ;

- la plateforme éducative fonctionne grâce à l'éducation par les pairs sur les questions de VIH, de grossesse précoce, d'hygiène menstruelle, d'anémie ou encore de droits. Les parents d'élèves y sont associés, car il faut intégrer la communauté plus largement ;

- la plateforme communautaire permet par exemple l'implication des hommes et des garçons. Des outils de communication sont déployés pour engager les jeunes hommes et identifier des « champions genre » au sein de clubs en partenariat avec des radios communautaires.

Le troisième axe a pour objet la production de données, qui nous permet de suivre ces programmes afin d'en tirer des leçons et d'apprendre de nos échecs ou de nos réussites pour répliquer les programmes le cas échéant.

Notre programme renforce la participation des adolescents, car nous travaillons avec une plateforme adolescente béninoise qui utilise les réseaux sociaux pour sensibiliser les communautés.

Les résultats montrent une appropriation et un engagement des leaders au niveau départemental et municipal. En effet, il était essentiel que ce programme soit approprié au niveau local. La première année a donc été uniquement consacrée à cela. Nous avons également publié un guide sur la gestion de l'hygiène menstruelle et la prévention de l'anémie avec un carnet de bord hebdomadaire pour suivre les menstruations. De plus, 75 agents de santé et intervenants sociaux ont vu leurs capacités renforcées et 3 400 adolescentes ont été dépistées. Les cas de séropositivité ont été pris en charge. Enfin, 75 groupes de femmes ont été formés sur la gestion de l'hygiène menstruelle et de l'anémie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion