Intervention de Marie Guévenoux

Commission mixte paritaire — Réunion du 9 mai 2020 à 10h50
Commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions

Marie Guévenoux, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Les deux assemblées ont examiné ce texte dans des conditions exceptionnellement contraintes. Pour autant, chacun a fait un travail approfondi et le texte initial a été amélioré grâce à la navette parlementaire. Comme en mars dernier, nous avons accueilli très favorablement les apports issus de la première lecture au Sénat, de sorte que nous avons finalement peu modifié le texte qui nous avait été transmis.

L'Assemblée nationale a ainsi suivi la position du Sénat sur de nombreux points comme la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet - et non au 23 juillet comme le sollicitait le Gouvernement. Les députés ont approuvé la réécriture en profondeur du régime de quarantaine et d'isolement, ainsi que les nombreuses garanties supplémentaires apportées à l'article 6, que nous avons d'ailleurs complétées.

En revanche, nous sommes revenus sur un certain nombre de dispositions.

Nous avons rétabli l'article 5 dans sa rédaction initiale quant aux agents habilités à sanctionner les manquements aux mesures d'urgence, car nous sommes attachés au continuum de sécurité et à la mise en place du déconfinement progressif à partir du lundi 11 mai.

Nous avons supprimé l'article 5 bis sur l'ouverture des plages car il nous a semblé que ce sujet relevait du domaine réglementaire. En outre, les annonces du Gouvernement ont largement satisfait l'intention des sénateurs à l'origine de cette disposition. Nous avons également supprimé l'article 6 bis de manière à permettre d'ajuster les critères de suivi de l'épidémie à la situation constatée avec plus de souplesse.

Enfin, nous avons modifié certains ajouts majeurs du Sénat, dont nous partagions l'esprit sans souscrire pleinement à la lettre.

S'agissant de la détention provisoire, il faut remercier le Sénat d'avoir pris l'initiative face à la situation issue d'une ordonnance qui ne satisfaisait aucune des deux commissions des Lois. Vous avez mis un terme aux prolongations des détentions de plein droit et sans débat contradictoire, ce qui nous convient parfaitement. Toutefois, la procédure retenue nous a surpris. Modifier la rédaction d'une habilitation pour agir sur une ordonnance déjà publiée ne nous a pas semblé aller de soi. Nous ne sommes certains ni de ce qu'en déduirait le juge administratif, ni de ce qu'en penserait le juge constitutionnel. Nous avons donc préféré inscrire dans le corps de l'ordonnance les modalités d'un retour progressif au droit commun de la détention provisoire dès la reprise de l'activité des juridictions. Nous avons aussi prévu une période transitoire un peu plus large que celle envisagée par le Sénat, en raison des difficultés que rencontrera l'institution judiciaire pour retrouver un rythme normal.

Quant à la responsabilité pénale, nous partageons pleinement le souhait du Sénat de prendre en compte les inquiétudes de maires, de chefs d'entreprise ou de toutes les personnes qui doivent prendre des décisions parfois compliquées dans le cadre du déconfinement. Nous avons donc recherché un compromis, avec toutefois une ligne rouge partagée sur tous les bancs de l'Assemblée nationale : ne pas modifier, sans concertation et dans une loi d'urgence, un régime aussi important que celui de la responsabilité pénale. Par conséquent, la rédaction que l'Assemblée nationale a adoptée ne poursuit qu'un seul objectif : elle se borne à inviter le juge à prendre en compte les circonstances exceptionnelles d'une crise sanitaire, comme celle que nous traversons, pour juger de la responsabilité des personnes concernées.

Cette rédaction maintient, en revanche, les principes sur lesquels repose la loi du 10 juillet 2000 : le juge apprécie la gravité du manquement et son lien avec le dommage au regard des fonctions, des compétences et des moyens dont dispose l'auteur des faits. Par conséquent, si le juge appréciera différemment la responsabilité d'un ministre de celle d'un maire d'une commune rurale, qui à l'évidence ne dispose pas des mêmes moyens, il continuera de le faire sur la base de leurs actes en premier lieu, et non de leur personne ou de leur fonction. Cet équilibre, établi il y a maintenant vingt ans, fonctionne : la loi pénale protège les élus tout en permettant de reconnaître leur responsabilité lorsque les faits le justifient. Nous devons être d'une extrême prudence avant de la modifier, car en l'espèce le mieux est souvent l'ennemi du bien.

Monsieur le rapporteur du Sénat a dit ne pas souhaiter revenir à la rédaction qu'avaient adoptée les sénateurs. Je le remercie de cette proposition. J'ai examiné attentivement la nouvelle proposition de rédaction que vous proposez à la commission mixte paritaire. Je salue cet effort dans ce délai contraint. Toutefois, nous ne souhaitons pas aller dans un sens qui consisterait à créer un régime différent pour certaines personnes ou catégories de personnes.

Au-delà de ce sujet particulier, vous avez évoqué différents articles, notamment le système d'information prévu à l'article 6. Je vous remercie d'avoir salué les garanties que l'Assemblée nationale apportées à cet article. Je comprends que vous souhaitez apporter de nouvelles garanties. Nous les examinerons avec bienveillance, tout en préservant deux objectifs : l'opérationnalité du système d'information et l'encadrement de l'usage qui sera fait des données.

Je voudrais conclure en remerciant le rapporteur pour ses propos. J'ai le sentiment, moi aussi, que nos positions sont très proches au terme de la première lecture puisque nous avons fait nôtres la plupart des choix du Sénat et que nous les avons même complétés à plusieurs reprises. Le chemin qui nous sépare est limité, j'espère que nous le franchirons aisément.

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