Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture a mis en place un groupe de travail sur l’enseignement scolaire, que j’ai eu l’honneur de piloter. Je remercie notre présidente et le bureau de notre commission de cette initiative, et je salue l’ambiance de travail, excellente bien que studieuse, de notre groupe transpartisan mais néanmoins intéressant.
Nous avons élaboré onze préconisations, qui ont fait consensus parmi les différents groupes politiques. Celles-ci s’articulent autour de cinq idées principales : méthodologie, concertation, souplesse, adaptation aux réalités des territoires et préparation de la prochaine rentrée, en tenant compte des circonstances exceptionnelles qui ont marqué l’année 2019-2020.
La crise sanitaire que nous traversons et les mesures prises pour y faire face sont, de mémoire d’hommes, inédites en France et chez nos principaux partenaires. Certes, les écoles ont dû fermer pendant de longues semaines à Saint-Martin, à la suite du passage de l’ouragan Irma, mais jamais, au grand jamais, l’intégralité des établissements scolaires n’avait fermé de manière inopinée, sur l’ensemble du territoire, pour une période aussi longue, même pendant la pandémie de la grippe espagnole survenue il y a cent ans, occasionnant 250 000 morts en France et près de 50 millions de décès dans le monde. Pendant les deux guerres mondiales, il n’y a pas non plus eu d’injonction de fermeture généralisée des établissements scolaires. L’obligation d’instruire prévalait ; c’est un régulateur social.
C’est dire la situation particulière à laquelle a dû faire face le personnel de l’éducation nationale, le vendredi 13 mars dernier. Je salue d’ailleurs l’extraordinaire mobilisation et l’adaptation dont ont fait preuve le ministère de l’éducation nationale, vous-même, monsieur le ministre, et des enseignants pour répondre au plus vite à cette crise et permettre une continuité pédagogique pour la grande majorité des élèves. Les enseignants et les directeurs d’école volontaires sont souvent allés au-delà des consignes ministérielles, en s’appuyant sur leur notion forte du métier d’enseignant du premier degré.
La réouverture progressive des écoles primaires est en cours. Elle ne s’est pas faite sans questionnements, sans incertitudes et, parfois, sans certaines tensions, avec les élus locaux, les familles et les autorités déconcentrées de l’État – préfet et éducation nationale.
Je ne reviendrai pas sur la notion de responsabilité des maires. Le maire de Besançon est inquiet à cet égard, et il a du mal à ouvrir quelques classes. Il se concentrera sur les classes de grande section de maternelle, de CP et de CM2, les classes intéressantes dont vous avez préconisé l’ouverture dès le départ.
Je regrette que les classes d’examen n’aient pu être, à ce jour, ouvertes.
In fine, après une période de flottement, cette réouverture semble s’être, selon les remontées du terrain, bien passée, grâce à une très forte mobilisation de l’ensemble des acteurs – équipe pédagogique, élus locaux, Dasen, services de la préfecture, rectorat –, à la concertation et à une écoute réciproque. Sous certains aspects, cette crise a permis d’améliorer les liens entre ces différents acteurs. Certes, cela reste perfectible, mais on constate des progrès.
De manière générale, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un premier bilan de la réouverture des écoles primaires ? Combien d’écoles ont rouvert et, surtout, quel est le pourcentage d’élèves du primaire accueillis ? Quelles sont les perspectives pour les collèges qui sont en train de rouvrir dans les départements classés en zone verte ? Qu’en est-il des départements en zone rouge ?
Je tiens à vous signaler plusieurs difficultés partagées par de nombreux directeurs d’école : comment choisir les élèves à accueillir prioritairement ? Une circulaire sur ce sujet est-elle prévue ? Par ailleurs, certains enseignants ou Atsem ne peuvent pas retourner travailler, en l’absence d’un accueil par l’école de leurs enfants. Il nous faut des directives et une organisation nationale, comme le disait le maire de Pontarlier.
J’en viens à l’objectif de cette réouverture des classes, non pour les élèves – ce point sera très certainement abordé par mes collègues dans le cadre de leurs nombreuses questions –, mais pour l’institution scolaire.
La reprise très progressive, échelonnée, des cours doit permettre de tirer des enseignements pour l’organisation des cours dans les semaines à venir, mais aussi pour la rentrée de septembre 2020. En effet, même si la recherche fait chaque jour d’énormes progrès en matière de connaissance de ce virus, il n’y a pas de perspective de vaccin ni de traitement à si court terme, et nous sommes encore très loin de l’immunité collective. Quelles sont donc les pistes de réflexion de votre ministère pour la rentrée scolaire de 2020, dans l’hypothèse où le virus serait encore en circulation sur le territoire, même avec un R0 très faible ?
Il nous faut, il vous faut, monsieur le ministre, imaginer une situation identique et organiser les choses en conséquence, en septembre ; si les conditions sont revenues à la normale, chacun saura faire, bien sûr. Serait-il envisageable de mettre en place un enseignement mixte entre présentiel et enseignement à distance, notamment pour les classes les plus grandes, les lycéens par exemple, voire pour les collégiens et les primaires ? Ce système pourrait s’appuyer sur une brigade d’enseignants dédiés ou ne pouvant retourner en classe pour raisons de santé ; il se focaliserait sur un enseignement à distance. Cela permettrait de poursuivre le programme présentiel à distance.
Un tel système nécessiterait toutefois un important travail de concertation avec l’équipe pédagogique en présentiel et une mutualisation à l’échelle du territoire. Il implique en outre un équipement et une infrastructure informatique performants et disponibles pour les enseignants et les élèves, afin de ne pas accentuer les inégalités. Des réflexions sont en cours avec les collectivités locales et les principaux opérateurs de la téléphonie et du numérique, pour lutter contre la fracture numérique. Cela fera l’objet d’une question de mon collègue Stéphane Piednoir.