Merci beaucoup, madame la présidente ; j’essaierai de ne pas abuser de votre gentillesse.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’avoir ce moment d’échange avec vous. C’est l’occasion par excellence de faire un point d’étape, puisqu’il s’agit forcément d’un point d’étape dans cette crise. Nous en avons fait un par visioconférence, au cours duquel nous avons parlé du confinement, et je me réjouis de vous retrouver physiquement dans l’hémicycle ; c’est le signe d’un début de retour à la normale.
J’aurai un raisonnement chronologique, y compris pour aborder la dimension prospective que vous venez de suggérer, puisque nous devons avoir une approche cohérente de tout ce qui s’est passé.
Pour ma part, je raisonne en quatre temps.
La première période a été le confinement, commencé le 15 mars dernier et achevé le 11 mai. Cela a clairement été une période au cours de laquelle s’est développée toute une série de logiques, sur lesquelles je reviendrai.
La deuxième période, qui est en cours, s’étend du 11 mai au 4 juillet : c’est la période, très particulière, du déconfinement, qui comporte une logique hybride à laquelle vous avez fait référence.
La troisième période, dont il faut parler, sera celle des vacances de juillet et août. Nous avons commencé à évoquer les vacances apprenantes – il y a beaucoup à dire à ce sujet, pour assurer la cohérence, le rattrapage et des perspectives.
La quatrième période, qui commencera par la rentrée de septembre, sera évidemment un moment décisif. Vous l’avez l’un et l’autre sous-entendu, avec l’année scolaire 2020-2021, quelque chose de très particulier se présente que nous devons préparer ensemble, de manière très collective, à l’échelle du pays et avec la représentation nationale.
Vous me demandez, sur le premier point, quels ont été les enseignements. Nous en avons déjà un peu parlé, vous l’avez rappelé, mais nous avons maintenant un peu plus de recul. Le confinement a d’abord été soudain, reconnaissons-le. Toutefois, la France y est entrée avec, finalement, plus d’atouts que d’autres pays, notamment parce que notre service public de l’éducation nationale permet de garantir une couverture territoriale complète et une relative homogénéité, au moment où l’enjeu était plus que jamais de trouver l’équilibre entre les souplesses locales ou individuelles et l’unité nationale.
Concrètement, une institution, assez unique au monde, comme le CNED nous a permis d’aborder cette période de confinement avec un outil national. En effet, lorsqu’avait sévi l’ouragan Irma, en septembre 2017, j’avais demandé au CNED de développer un système d’enseignement à distance spécifique aux cas de crise. Cet organisme a mis deux ans à développer ce système. Il était donc prêt à la fin de 2019, juste à temps pour les premières manifestations du virus en Chine, lorsqu’il a fallu développer ce système pour les élèves français de Chine, puis pour l’Oise, pour le Morbihan, pour le Haut-Rhin et puis pour la France entière.
On a parfois commenté mes propos quand j’ai indiqué, après l’annonce du Président de la République du 12 mars : « nous sommes prêts ». Comme nous sommes dans un pays où la critique est assez fréquente – c’est un atout –, tout un chacun a pu pointer le fait que telle ou telle chose n’était pas prête. Je n’ai jamais prétendu que nous étions parfaitement prêts pour faire face à tout problème ; en revanche, nous étions prêts en ce que nous avions là un système, celui du CNED, qui nous a permis de faire quelque chose que, à ma connaissance, on ne trouve dans aucun autre pays. Ce sont ainsi 2, 8 millions de foyers qui se sont branchés sur le réseau du CNED et plus de 400 000 professeurs qui ont pu l’utiliser. Cela a permis d’avoir un système à trois branches.
La première branche est le système « Ma classe à la maison » du CNED, qui propose des outils et des ressources semaine par semaine, correspondant à tous les niveaux scolaires, de la grande section à la terminale, et des classes virtuelles. J’étais hier dans un collège, à Pacy-sur-Eure, qui a utilisé ce système pendant la période de confinement et qui en était heureux.
Deuxième branche du système : les environnements numériques de travail. Vous connaissez cela très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce sont les collectivités territoriales, notamment les conseils départementaux et les conseils régionaux, qui les ont développés au cours des dernières années. Les professeurs, les élèves et les familles sont donc assez habitués à leurs usages. Les ENT ont souvent été utilisés en complément de « Ma classe à la maison ».
La troisième branche, c’est tout le reste, si j’ose dire : le courriel, le téléphone ou certains sites spécifiques ; on a fait flèche de tout bois. « On », c’est-à-dire les professeurs, auxquels il faut évidemment rendre hommage en une telle circonstance, parce qu’ils ont déployé toute leur énergie en la matière. Cette troisième branche – tout le reste, je le répète – est représentative de notre capacité d’adaptation, mais, en même temps, nous devons la considérer de près, parce qu’elle implique parfois des développements numériques qui ne correspondent pas à ce que nous souhaitons. Nous préférons une logique de service public, qui ne nous mette pas dans les mains de qui que ce soit, en particulier en matière de protection des données personnelles.
En tout état de cause, au travers de ces trois leviers, les professeurs de France ont suivi leurs élèves, et nous avons parfois eu, dans les premiers temps, plus de problèmes de « trop » que de « trop peu ». Il a par exemple eu le « trop » des tuyaux informatiques ; ainsi, le lundi et le mardi de la première semaine – je vous rassure, je ne ferai pas un exposé de la situation jour par jour depuis le 15 mars, cela risque de vous inquiéter et Mme la présidente trouvera que j’abuse un peu §–, …