Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains d’avoir déposé la présente proposition de loi, Philippe Bas, président de la commission des lois, de m’avoir confié la rédaction du rapport au fond et Jérôme Bascher, rapporteur pour avis de la commission des finances, d’avoir accepté d’étudier ces sujets d’une grande complexité.
Permettez-moi tout d’abord d’adresser un message d’amitié aux 3, 5 millions de Français qui résident hors de France. Les circonstances dans lesquelles ils vivent dans leur pays d’accueil sont particulièrement difficiles depuis plusieurs semaines. Comme celles des autres Français, me direz-vous ? Eh bien non, pas du tout ! Pour leur pays d’accueil, ce sont des « étrangers ». Ils ne bénéficient donc pas des aides accordées aux nationaux de leur pays de résidence. Quid de leur situation par rapport à leur patrie ? Il leur est recommandé de rester dans leur pays d’accueil. Ainsi, les expatriés ne sont plus chez eux nulle part ; ce sont des étrangers partout.
Les Français établis hors de France ne bénéficient évidemment pas des lois françaises en matière de chômage partiel, d’aides sociales ou d’aides aux entreprises.
Le plan de 240 millions d’euros annoncé par le Gouvernement est utile, mais très insuffisant pour faire face à la crise.
Les Français résidant hors de France participent au rayonnement international de notre pays sur les plans économique, culturel ou linguistique. Loin des stéréotypes, ce sont de petits retraités, de jeunes entrepreneurs, des créateurs de start-up, des salariés d’entreprises françaises ou locales ou encore des médecins, des chercheurs, des étudiants…
Malheureusement, ils sont depuis des années considérés comme des citoyens de seconde zone. Il y a les Français qui résident dans l’Hexagone et dans les outre-mer, qui eux sont des Français à part entière, et il y a les Français résidant hors de France. Là encore, il y a deux catégories : ceux qui résident au sein de l’Union européenne et les autres, qui ne sont pas traités de la même manière.
Comme nos budgets sont toujours contraints, les premiers touchés par les réductions de crédits sont les Français de l’étranger. Pour faire face à ces difficultés, nous proposons un plan d’action qui recouvre cinq grands thèmes : le régime fiscal, le réseau diplomatique, la représentation politique, le réseau éducatif et la protection sociale.
Sur le premier sujet, nos objectifs sont clairs. Il s’agit de revenir sur des décisions injustes et confiscatoires que le Gouvernement a prises en 2019 et qui sont synonymes de régression pour nos compatriotes de l’étranger. Elles découlent du rapport intitulé La mobilité internationale des Français, présenté par une députée de la majorité de l’Assemblée nationale, qui espérait obtenir des mesures novatrices du Gouvernement.
Sans prétendre être exhaustive, je m’appuierai sur plusieurs exemples concrets.
Je commencerai par la réforme de l’impôt sur le revenu de 2019. Le Gouvernement a fait voter l’augmentation du taux minimum d’imposition sans clause libératoire. Les revenus sont donc imposables dès le premier euro. Plusieurs compatriotes m’ont indiqué que, avec cette réforme, leur imposition augmenterait de plus de 200 %… Qui accepterait une telle situation en France ? Un moratoire partiel d’un an a dû être décidé.
J’évoquerai le cas d’un retraité ayant décidé de résider à l’étranger, hors de l’Union européenne, dans un pays où l’on peut vivre avec un mensuel revenu mensuel de 1 200 euros. Avec le cumul des mesures fiscales et sociales récentes, il pourra se voir prélever plus de 45 % sur ses revenus de source française ; sa pension de retraite sera donc quasiment divisée par deux. Il devra se loger et tenter de survivre avec environ 600 euros par mois, ce qui est pratiquement impossible dans la plupart des pays. La conséquence directe de cette injustice sera de contraindre les plus fragiles à revenir en France pour bénéficier de l’aide sociale.
Il aura fallu une décision de la Cour de justice de l’Union européenne pour que le Gouvernement finisse par supprimer, sous la contrainte, la CSG et la CRDS pour les Français résidant dans un État membre de l’Union européenne. Mais il a refusé d’appliquer la même règle aux Français résidant à l’étranger hors de l’Espace économique européen et de la Suisse. C’est une discrimination criante entre les Français qui résident au sein de l’Union européenne et les autres, qui continuent à payer les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine alors qu’ils ne bénéficient d’aucune prestation sociale. Nous proposons donc d’exonérer l’ensemble des non-résidents de CSG et de CRDS sur leurs revenus de source française.
J’évoquerai maintenant la prise en charge des soins des retraités résidant à l’étranger lorsqu’ils séjournent temporairement en France. Depuis 2019, une partie importante des retraités doivent avoir cotisé de dix à quinze ans à un régime français pour pouvoir bénéficier de cette couverture. Cet autre recul des droits sociaux, particulièrement préoccupant, est d’autant plus regrettable qu’il résulte également du rapport censé faciliter la mobilité internationale des Français : l’objectif est bien loin d’être atteint…
De même, les expatriés ne bénéficient pas de la suppression de la taxe d’habitation. Leur domicile en France est assimilé à une résidence secondaire. Ils sont pourtant susceptibles de devoir rentrer rapidement chez eux en France, en particulier en période de crise sanitaire ou politique, ou en cas de perte d’emploi ou de catastrophe naturelle.
Concernant l’évolution des services rendus par les ambassades et les consulats, nous bénéficions d’un réseau consulaire de grande qualité, servi par des fonctionnaires dévoués, que je remercie très chaleureusement : malgré la diminution constante de leurs moyens et une augmentation du nombre de Français résidant à l’étranger, ils parviennent, au prix d’un grand dévouement, à assurer un service que l’on peut qualifier d’excellent.
Cependant, par souci d’économie et du fait d’un manque de moyens, il leur est demandé de supprimer certains services au public, ce qui laisse les Français de l’étranger dans l’embarras. Je pense notamment au notariat consulaire. Le ministère de la justice s’est toujours refusé à autoriser les Français de l’étranger à signer des actes notariés par visioconférence, au prétexte d’une trop grande complexité et d’un manque de sécurité. La crise sanitaire l’a pourtant rendu possible : un décret visant à permettre la dématérialisation de la signature de tous les actes authentiques, en France comme à l’étranger, a été publié en quelques jours. Cette initiative est soutenue par le Conseil supérieur du notariat. Nous comptons donc sur le ministère de la justice pour en pérenniser la mise en œuvre le plus rapidement possible.
Nous rencontrons aussi d’énormes difficultés s’agissant de la légalisation des certificats de vie que les retraités établis hors de France doivent fournir chaque année à leur caisse de retraite. En raison de difficultés à la fois d’acheminement du courrier dans les deux sens et d’authentification des certificats, il arrive que des retards dans la réception des certificats de vie visés conduisent à la suspension du versement des pensions. Cela peut placer nos compatriotes dans des situations dramatiques, voire dans la misère. Depuis quelques mois, les directives données à nos postes diplomatiques imposent que ces certificats soient authentifiés non plus par eux, mais par les autorités locales, ce qui ajoute de la complexité. Nous proposons que les certificats de vie puissent à nouveau être visés par nos postes diplomatiques et par les mairies françaises. Je tiens cependant à souligner les efforts consentis par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite pour dématérialiser les procédures.
J’en viens à la question de la représentation politique. Pendant des périodes difficiles comme celle que nous vivons, nous pouvons constater à quel point le rôle des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires est capital. Ils sont nos yeux et nos oreilles sur place. Ils nous alertent sur les situations souvent dramatiques vécues par nos compatriotes. Le texte de la commission conforte les conditions d’exercice de leur mandat, en particulier la prise en charge des frais de transport, la validation des acquis de l’expérience et la reconnaissance officielle de leur mission dans l’ordre protocolaire des postes. L’organisation des élections consulaires, initialement prévue au mois de mai dernier, constitue donc un enjeu essentiel. Nous attendons des réponses du Gouvernement sur ce point.
En matière d’éducation, il est proposé de créer des bourses spécifiques pour l’accueil des enfants en situation de handicap lorsqu’ils n’ont pas pu être pris en charge dans le réseau français. Ce dispositif couvrirait les écoles de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, mais également des établissements tiers.
Au regard de ces avancées majeures, très attendues par les Français de l’étranger, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi.