Intervention de Renaud Muselier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 mai 2020 : 1ère réunion
Audition commune de Mm. André Laignel premier vice-président de l'association des maires de france et des présidents d'intercommunalité dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france et de renaud muselier président de régions de france en téléconférence

Renaud Muselier, président de Régions de France :

J'aborderai la gestion de la crise sanitaire, la crise économique et l'amortisseur économique qu'il sera nécessaire de mettre en place pour en atténuer l'impact, la nécessité d'une relance et la crise sociale qui arrive et qui risque d'être d'une incroyable brutalité.

Les régions ont adopté une attitude « zéro polémique » ; face aux difficultés qui frappent le pays, nos gouvernants ont en effet des décisions à prendre en grand nombre et le parasitage politique ne permettrait pas de les prendre dans la sérénité.

Sur le plan sanitaire, comme médecin marseillais, j'ai soutenu la démarche consistant à tester, à isoler et à traiter. La doctrine nationale n'était pas la même ; il y a eu des atermoiements autour de cette maladie inconnue, à cause d'un conseil scientifique que je conteste dans sa totalité, car il a parasité le Conseil de l'ordre et n'a pas donné la possibilité aux médecins de traiter les patients, alors qu'ils le pouvaient. Le doute permanent qu'il a instillé a compliqué la décision politique, et je déplore particulièrement que des décisions aient été soumises à son aval.

S'agissant de la crise économique, les moyens mis en place par le Gouvernement ont constitué un bon amortisseur, qui a peut-être même été un peu trop confortable, comme dans le secteur du BTP. Il faut maintenant un retour à la vie normale : nous devons retrouver nos libertés en appliquant les gestes barrières, en portant des masques, en respectant la distanciation physique.

Je suis un peu effrayé par ce que j'entends quant à l'aspect financier de la situation : aujourd'hui, tout le monde est riche, puisque tout est pris en charge, mais la crise va venir et on se demandera où est cet argent. Cette crainte m'amène à la perspective de la crise sociale qui vient : les intermittents et ceux qui occupaient de petits emplois se retrouvent sans travail, dans des situations très difficiles et vont grossir les files d'attente devant les Restos du coeur.

Sur le plan de la gestion de la crise, j'ai eu, quant à moi, d'excellentes relations avec mon agence régionale de santé (ARS), avec mon recteur, avec mon préfet, mais les difficultés sont apparues, en revanche, dès lors qu'il s'est agi de faire des choix partagés. Sur les masques, les tests, les hospitalisations, la relance, le confinement, etc., nous, présidents de région, réagissons très vite, mais eux doivent en référer avant de répondre. Nous connaissons la solution, elle s'impose tout de suite, ils sont d'accord avec nous, mais ils ne peuvent rien faire sans un feu vert, sans une directive nationale. A l'inverse, dans leurs domaines de compétence, les collectivités locales ont su être agiles. L'affaire des masques a été caricaturale sur ce plan : l'État devait en commander un, puis deux milliards, mais les personnels de santé n'en avaient pas, les départements et régions ont dû créer leurs réseaux, parfois avec de grandes difficultés. Monter des filières pour payer au prix fort des masques en Chine, car l'ARS n'y parvient pas, ce n'est pas notre métier ! Nous sommes cependant venus en soutien. À cela, s'est ajouté le scandale de la grande distribution, qui a commandé des masques bien avant l'autorisation en attendant de les vendre, pendant que nos premières lignes étaient en difficulté. Bref, nos citoyens ont été admirables et nous avons bien fait le boulot.

Pour ce qui concerne l'amortisseur économique, les propositions du Gouvernement sont bien conçues et comportent de bonnes réponses à tous les niveaux, avec une très grande réactivité. S'agissant de la relance, soyons positifs : les collectivités sont affectées, mais nous ne pouvons pas demander à l'État de maintenir notre train de vie quand tout va mal et de nous accorder des moyens supplémentaires quand tout va bien. Nous ne pouvons pas nous doter d'un budget en déficit, mais nous avons proposé de mettre en place une sorte de pacte de Cahors inversé, en forme de serpent budgétaire, incluant des recettes actives. Dans notre malheur, il y a un aspect positif : nous sommes en train de renégocier les contrats de plan État-région (CPER), lesquels incluent des fonds européens qu'il faut aller chercher. Imaginons avec le Gouvernement des solutions pour relocaliser l'industrie tout en sécurisant les ressources et en contrôlant les dépenses. Nous sommes en outre favorables à la mise en place d'un compte associé ou d'un budget annexe dédié aux dépenses liées aux conséquences du Covid-19, de manière que l'on sache ce que chacun a payé.

Les ressources des régions s'écroulent : nous perdrons 1 milliard d'euros cette année et sans doute 3 ou 4 milliards d'euros l'année prochaine. Si nous n'avons pas la capacité de relancer la machine, les collectivités régionales ne pourront participer à la relance alors qu'elles représentent, en temps normal, plus de 70 % de l'investissement public.

Nous devons faire attention à la crise sociale que nous voyons arriver et qui sera d'une extrême violence. Nous y ferons face chacun dans son domaine de compétences, en symbiose, avec les moyens financiers de l'Europe, dans le cadre souverain de l'État, pourvu que l'on ne se précipite pas pour ouvrir les parapluies à tous les étages. C'est pourquoi je suis favorable, en ce qui me concerne, à une décentralisation plus forte, voire à un système fédéral, afin de privilégier l'agilité sans pour autant amoindrir la puissance de l'État.

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