Je partage l'idée que le moment n'est pas à la polémique. Les commissions d'enquête, dont celle du Sénat, éclaireront les conséquences de cette crise.
L'enseignement que je tire de cette période, quant à moi, est qu'une plus grande décentralisation est nécessaire. Le projet de loi 3D, pour « décentralisation, différenciation, déconcentration », devra, de ce point de vue, avoir un véritable contenu et le travail du Sénat sous l'égide de son président, M. Gérard Larcher, doit se poursuivre ; nous avons besoin d'un texte plus musclé dans lequel, en particulier, le niveau des préfets de département serait conforté. Nous avons dès le départ des problèmes de communication entre les ARS, intronisées autorités de crise alors qu'elles n'en avaient pas l'habitude, et les préfets, qui, comme les élus, avaient des difficultés à obtenir des informations de l'agence. L'échelon déconcentré à favoriser en temps de crise, c'est le préfet, mais les différentes révisions générales des politiques publiques (RGPP) ont diminué l'efficience des préfets de département.
On voit bien ce que devra contenir un grand texte de décentralisation : il y a un problème avec les ARS - en dehors des personnes qui les dirigent. J'étais membre du gouvernement qui les a créées, mais leur modèle n'est pas adapté dans de trop grandes régions : elles sont trop grosses et leurs échelons locaux manquent de moyens. Il faut donc les réformer dans le sens d'une décentralisation accrue. Il en va de même de la gestion des hôpitaux et du secteur médico-social. En cette rentrée scolaire, par exemple, l'absence de médecine scolaire pèse sur le terrain, comme celle de la psychiatrie publique, pour répondre aux besoins des enfants handicapés et des mineurs non accompagnés. Dans la perspective de la rentrée des collèges, la semaine prochaine, nous relevons en outre une fois de plus l'incongruité selon laquelle les gestionnaires de collège sont sous l'autorité de l'éducation nationale. Cela pose des difficultés et il faudra revoir ce fonctionnement.
S'agissant de l'économie, il faut souligner, en effet, la qualité des plans de M. Bruno Le Maire et l'engagement des régions, même si, alors que beaucoup de départements ont mis en place des dispositifs de complément des aides régionales ou nationales, une circulaire gouvernementale a rappelé aux préfets les règles absurdes issues de la loi NOTRe. J'espère que ces aides locales ne seront pas déférées devant les tribunaux administratifs !
Nous avons un gros dossier à traiter demain avec le Premier ministre concernant le tourisme. Cette compétence est partagée entre communes, intercommunalités, départements et régions. Il faudra faire feu de tout bois, car c'est une des activités économiques les plus sinistrées.
Sur les difficultés financières à venir, nous avons été entendus par le Gouvernement en matière de gestion des dépenses supplémentaires de crise. Contrairement aux communes, les départements souhaitent un budget annexe plutôt qu'un compte dédié, car c'est un dispositif plus souple.
En ce qui concerne les dépenses nouvelles, le RSA est reparti à la hausse avec une augmentation de 5 % dès le début de la crise en Seine-Saint-Denis, par exemple, un chiffre qui va croître avec la poussée du chômage, ce qui va poser un problème de financement aux départements.
S'agissant des recettes, enfin, nous subissons une grosse perte en droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui atteindra 3,5 ou 4 milliards d'euros en 2020. Son ampleur dépendra de la capacité de reprise à l'automne, mais nous demandons à l'État de mettre en place un système d'avances, afin que cette baisse ne stoppe pas l'investissement des départements au deuxième semestre, qui doit être celui de la relance. Nous avions mis en oeuvre une péréquation horizontale entre départements, grâce au Sénat, mais les recettes des départements les plus riches ont diminué et il faudra revoir le système pour le préserver. Nous avons, en outre, demandé au Gouvernement de calculer l'impact de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur nos ressources. Enfin, je continue de penser que le remplacement de la taxe sur le foncier bâti par la TVA au bénéfice des départements posera problème au moins à moyen terme, car le produit de cette dernière taxe a déjà baissé.