Intervention de André Laignel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 mai 2020 : 1ère réunion
Audition commune de Mm. André Laignel premier vice-président de l'association des maires de france et des présidents d'intercommunalité dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france et de renaud muselier président de régions de france en téléconférence

André Laignel, premier vice-président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité :

Dans cette crise, le bloc communal a été en première ligne, comme premier recours et comme dernier espoir de nos concitoyens. Nous avons été interpellés sur tous les sujets, bien au-delà de nos compétences. Je refuserai toute polémique, mais il convient de faire quelques constats : nous avons été placés dans un flou persistant alors que nous avons dû gérer les contradictions de l'État, comme sur la distribution des masques ou sur la place des tests dans la lutte contre l'épidémie. Alors que nous discutions de la réouverture des écoles, nous avons découvert qu'un monstre technocratique de soixante-quatre pages était diffusé, que nous avons dû retravailler en catastrophe. Je me réjouis, à ce propos, que le ministère de l'intérieur ait accepté la prééminence des protocoles locaux. Dans d'autres domaines, nous sommes à l'arrêt : l'Association des maires de France n'a pas participé aux concertations avec le ministère des sports, alors même que les maires gèrent l'essentiel des équipements sportifs. De même, nous subissons une injustice inacceptable dans le dispositif de remboursement des achats de masques : le décompte des commandes éligibles ne commencera qu'au mois d'avril, pénalisant ceux qui ont été réactifs sur le terrain. Nous avons été trop rapides, nos efforts ne seront donc pas pris en compte. De plus, les tarifs proposés sont sans rapport avec ce que nous avons payé en réalité et nous n'aurions droit, si rien ne changeait, qu'à moins de 20 % de remboursement.

Comme président du comité des finances locales, je peux indiquer que l'impact de la crise sera très fort également sur les communes. Le premier sujet concerne les dépenses que nous avons engagées à la place de l'État pour lutter contre la pandémie, pour lesquelles l'Association des maires de France (AMF) préfèrerait la mise en place d'un compte spécial, parce que beaucoup de petites communes concernées le géreront plus facilement qu'un budget annexe. Nous voulons nationaliser les pertes pour retrouver des capacités d'autofinancement.

Ensuite, nous subissons des pertes de ressources, en matière tarifaire, en particulier : crèches, restaurants scolaires, piscines, patinoires, etc. ont fermé, mais les collectivités territoriales n'ont pas bénéficié du chômage partiel et ont continué à rémunérer les personnels. En outre, nous subirons dès 2020 des pertes fiscales sur les droits additionnels aux DMTO, qui sont en berne. Nous nourrissons également des inquiétudes à propos de la cotisation foncière des entreprises (CFE), car 20 % des petites entreprises pourraient fermer, alors que le produit de la CVAE baissera sans doute dès cette année, contrairement à ce que prétend l'État, car le troisième acompte sur base déclarative interviendra en décembre et sera revu à la baisse par les entreprises.

Enfin concernant la réforme fiscale, j'avais lancé les travaux pour réfléchir aux critères de répartition des dotations, qui seront chamboulés, mais ceux-ci ne peuvent se poursuivre aujourd'hui ; il serait donc raisonnable de différer jusqu'en 2021 la mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif. Je persiste à regretter cette réforme, en particulier la suppression qu'elle prévoit du bénéfice de la taxe sur le foncier bâti pour les départements, ainsi que les instabilités attendues pour les intercommunalités avec le passage à la TVA. Un moratoire d'un an serait raisonnable.

S'agissant de la relance, vous savez que les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public. Le bloc communal a mené récemment une campagne électorale appuyée sur la présentation de projets, dont certains sont prêts à démarrer, mais nous avons besoin d'argent frais pour cela. Les contrats de Cahors sont maintenant reconnus comme des entraves*.D'autres dispositifs contractuels existent - contrats ruraux, Action coeur de ville, Territoires d'industrie, CPER - qui sont plus pertinents et peuvent être activés. De plus, des fonds dédiés ne demandent qu'à être déclenchés - fonds européens, fonds de l'État, dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Toutefois, on ne pourra pas agir à crédits constants : les enveloppes actuelles ne nous donneront pas la capacité d'intervenir massivement et rapidement. Enfin, il ne faut pas délier le fonctionnement de l'investissement, car l'un ne va pas sans l'autre. Ces sujets sont de très grande ampleur : la crise sanitaire est majeure, mais je crains que la crise économique et sociale ne soit encore plus dramatique dans la durée.

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