Je vais faire une réponse rapide à une question à la fois simple et très complexe de Mme Françoise Gatel, sur la nécessité d'une task force. En réalité, à chaque fois que l'on s'adresse à l'État, c'est trop long. Ses représentants sont systématiquement obligés d'en faire référence plus haut. Je le répète, je m'entends très bien avec mon préfet de région ; je n'ai aucun problème avec mon recteur ni avec mon directeur général d'ARS. En revanche, quand j'ai 5 millions de masques à livrer, je m'adresse à l'ARS pour la distribution et cela prend une éternité, car il y a des manques un peu partout. Bien que je ne sois censé intervenir qu'en appoint, il a fallu que je pilote moi-même le dispositif, le préfet me menaçant de réquisitionner mon stock si je ne m'entendais pas avec l'ARS, laquelle est indépendante du préfet. Et ce dernier dépend du ministre de l'intérieur, quand l'ARS répond au ministre de la santé. Je pense que la task force serait une source de complexité. Selon moi, qui paie décide, y compris avec un risque de responsabilité pénale en arrière-plan.
S'agissant de notre rôle d'amortisseur social et économique, j'ai, avec Dominique Bussereau, une différence qui n'en est pas vraiment une. Pour moi, et je le martèle sans cesse, la compétence économique relève des régions. Bien entendu, un président de conseil départemental ne peut pas être insensible à la situation du petit commerçant. Il y a pour cela des fonds régionaux, que les départements devraient être libres d'abonder. Mais si vous avez 50 guichets, vous n'avez plus de guichet ! Dans une période de crise, il faut que les choses soient simples. Aujourd'hui, l'État a pris les commandes de façon plutôt efficace. Les régions arrivent tout de suite après en deuxième ligne. Nous avons mis en place des dispositifs avec les EPCI pour être au plus près des bars, des restaurants, des agriculteurs. C'est normal que les départements veuillent participer, mais pas pour une dizaine de millions d'euros.
S'agissant du social, essayons d'être plus prévoyants que pour la crise sanitaire, que nous n'avons pas vu arriver.
Monsieur Collombat, je ne partage pas toutes vos critiques, même si je reproche à notre organisation d'être beaucoup trop lourde et lente. Prises sous la pression médiatique, dans un but de communication, certaines décisions ne sont jamais appliquées. C'est flagrant au sujet des masques, qui ne sont toujours par arrivés dans les communes. Cela discrédite totalement la parole publique. On ne peut pas avoir un État aussi lourd, qui ouvre autant de parapluies, notamment en période de crise. Pourtant, on a bien vu qu'il était possible de donner beaucoup plus de souffle et d'efficacité à l'action publique grâce aux lois que vous avez votées en urgence, ainsi qu'aux ordonnances prises par le Gouvernement.
Sur le volet santé, notre problème est un peu particulier. Il y a dans notre région un individu qui est nobélisable, et qui a d'ailleurs fait une très bonne intervention au Sénat. Le personnage est atypique et génial. Il a fabriqué son institut hospitalo-universitaire tout seul ! Sous prétexte qu'il a les cheveux longs, il a été moqué longtemps. Mais vous noterez que notre région, limitrophe de l'Italie, est entrée dans les derniers en zone rouge et en est sortie en premier. Nous avons mené une action très simple : dépistage à Toulon, Nice et Marseille ; mise en isolement des malades, et pas à domicile, pour éviter que toute la famille ne soit contaminée ; traitement systématique. Je ne sais pas si le traitement du professeur Raoult est bon. Ce que je sais, en tant que médecin, qui a connu beaucoup de contaminations tant dans sa famille que dans son environnement professionnel, c'est que j'ai suivi à la lettre ce protocole et que je n'ai eu à connaître aucun décès ni aucun placement en réanimation. J'ai dû me battre avec des membres de l'Académie de médecine qui disaient n'importe quoi. Mais c'est un non-sens pour un médecin de dire à un patient que l'on ne peut pas le soigner pour des raisons que l'on ignore, alors qu'un traitement est disponible. Les commissions d'enquête nous diront qui a eu raison.
Enfin, s'agissant de la future loi 3D, je m'étais permis de réclamer à Mme Gourault, lors des voeux de nouvelle année, que le Gouvernement mette d'abord en place les 3 C : confiance, compétences et clarification, indispensables à toute bonne politique publique. Je vous donne un exemple très concret en matière de santé. L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille est le deuxième centre hospitalier universitaire (CHU) de France. Elle compte en son sein des sommités mondiales dans leur discipline. L'AP-HM est en difficulté depuis 20 ans. Voilà 5 ans a été mis en place le Copermo, comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, censé nous apporter des solutions. Avec Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, et Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, nous avons été reçus par Agnès Buzyn, qui nous a proposé d'intervenir pour Marseille à hauteur de 150 millions d'euros, à charge pour nous de mettre la même somme dans le projet. Ce n'est ni dans nos compétences ni dans nos moyens, mais nous avons quand même décidé de faire l'effort, pour sauver le deuxième CHU de France. Le projet est validé depuis près d'un an et demi, mais rien n'a encore été fait. Nous ne pouvons pas l'accepter. À Régions de France, nous pensons que les régions doivent prendre les hôpitaux en main, comme elles l'ont fait pour les lycées. On ne peut pas se résoudre à laisser ce patrimoine immobilier dans un tel état, et continuer à proclamer que notre système de santé est le meilleur au monde. Regardons plutôt ce qu'a fait tout seul le professeur Raoult avec l'IHU, grâce à des fonds publics nationaux et européens. Et pourtant, il est en butte à l'hostilité du pouvoir central, de l'Académie de médecine, du conseil scientifique ...
Toute recentralisation est pour nous inenvisageable. Il faut remettre de l'ordre dans tout cela. Je le répète, à la suite de François Baroin, le principe doit être : qui paie décide ! Chaque compétence doit être clairement attribuée, les autres niveaux de collectivités pouvant venir en appoint dans un cadre prédéfini par l'autorité qui détient la compétence.