La question de la distance et de la dépendance au numérique est omniprésente chez les personnes qui sont confrontées à l'illettrisme. Il y a, en France, 2,5 millions de personnes qui, bien qu'elles aient été scolarisées, ne parviennent pas à se faire comprendre en écrivant un message très simple et ne parviennent pas non plus à comprendre un message en le lisant. Le numérique mobilise cette capacité à comprendre l'écrit et à se faire comprendre par l'écrit. Ces personnes subissent donc une double peine : non seulement elles sont dépendantes des autres pour effectuer un grand nombre de démarches mais cette grave difficulté liée à l'illettrisme est redoublée par la vague numérique.
C'est pourquoi, nos partenaires de la société civile nous ont très tôt alertés sur la nécessité d'investir massivement dans l'acquisition de ce socle essentiel : lecture, écriture, calcul, compétences numériques de base. C'est sous cet angle, celui de la situation des personnes qui sont confrontées à l'illettrisme, que nous abordons l'illectronisme. Certaines personnes, âgées notamment, ont du mal avec l'outil numérique alors qu'elles savent très bien lire et écrire ; en revanche, les personnes en situation d'illettrisme utilisent très difficilement l'outil numérique. Ce problème se révèle dans toute sa crudité dans les circonstances actuelles, lorsqu'il s'agit, pour des personnes confrontées à l'illettrisme, de mettre à jour leurs droits ou de retirer de l'argent à un distributeur. Nous avons aussi constaté combien il était difficile, pour les parents qui ne sont pas équipés d'un ordinateur à la maison, d'accompagner scolairement leurs enfants.
Notre mission est de rassembler et de mobiliser la société civile autour de ce problème de l'illettrisme, en commençant par mesurer le problème, avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) notamment. Nous nous sommes ainsi aperçus qu'en Île-de-France, 30 % des personnes confrontées à l'illettrisme sont dans l'incapacité de retirer de l'argent à un distributeur automatique de billets. Autres données chiffrées : la proportion de personnes en situation d'illettrisme est plus forte dans les groupes d'âge les plus élevés ; la moitié des personnes confrontées à l'illettrisme sont dans l'emploi - ce dernier chiffre montre la nécessité d'investir dans le développement des compétences dans les entreprises, où les transformations numériques peuvent mettre à mal la situation des salariés. On sait aussi que la moitié des personnes en situation d'illettrisme vivent dans des zones rurales faiblement peuplées.
Notre rôle est de coordonner nos partenaires. Ceux-ci - c'est le cas notamment des écrivains publics - sont submergés de nouvelles demandes : comment générer des adresses e-mail, stocker des mots de passe, gérer la confidentialité ? Dès 2016, avec 90 partenaires, nous avons partagé un constat et des valeurs communes. Premier constat : pour que le numérique profite à tous, il faut agir pour que chacun maîtrise bien le socle des compétences numériques de base. Deuxième constat : les démarches en ligne exigent un accompagnement humain. Troisième constat : le numérique est un outil fantastique et un allié pour apprendre, à lire et à écrire notamment.
Sur la base de ce constat, nous avons identifié un certain nombre de bonnes pratiques en matière de lutte contre l'illettrisme et agi auprès de ceux qui conçoivent des offres de formation pour qu'ils y intègrent le numérique dans les meilleures conditions.