La dernière enquête officielle complète sur les personnes en situation d'illettrisme, réalisée par l'Insee, date de 2011. Nous disposons toutefois de données plus récentes, issues de la JDC, qui font apparaître que, chaque année, 30 000 jeunes sont en situation d'illettrisme complet et que 70 000 connaissent des difficultés autour du français et de la langue. En revanche, à ma connaissance, nous ne disposons pas d'études complètes et fiables sur l'illectronisme. Nous manquons donc de données permettant d'éclairer nos politiques publiques. La prochaine enquête Insee est en cours de montage, ses résultats ne seront pas disponibles avant 2022.
Comment détecte-t-on ces situations ? Sur certaines populations dites captives, comme les demandeurs d'emploi, les jeunes en mission locale ou les apprentis, nous disposons d'outils permettant de repérer les situations d'illettrisme. Mais plusieurs autres publics pourraient également être détectés et, donc, accompagnés : les candidats au permis de conduire, les jeunes mères en difficulté pour suivre la scolarité de leur enfant, les personnels dont le poste de travail est modifié ou encore les personnes en difficulté avec les démarches administratives en ligne. Nous ne savons pas si nous détectons tout le monde, nous ne disposons donc pas d'indicateur sur le pourcentage des personnes prises en charge.
Une personne illettrée n'est pas nécessairement en situation d'illectronisme. Il n'y a pas de lien automatique. Certains jeunes incapables de lire ou écrire des documents papiers surfent sans difficulté sur les réseaux sociaux et utilisent sans problème leur smartphone. Mais pour ce faire, ils mettent probablement en oeuvre des stratégies de contournement et sont susceptibles de rencontrer des difficultés en cas de changement d'outil. Il est probable qu'une personne illettrée rencontrera, à un moment ou à un autre, des difficultés avec l'outil numérique. D'autres publics ne sont pas à l'aise avec l'outil numérique - les personnes âgées par exemple. C'est pourquoi concepteurs et graphistes doivent absolument intégrer toutes ces dimensions dans les paramètres d'utilisation qu'ils choisissent. Changer toute l'architecture d'un site ou d'une application pour réparer quelques bugs, c'est problématique et cela fragilise certains utilisateurs. Ces difficultés sont similaires pour les personnes en situation de handicap.
Le chèque numérique me semble être une bonne idée. Il n'existe pas d'équivalent pour l'illettrisme car cela reste un sujet tabou : le salarié en situation d'illettrisme dissimule sa situation, dans la crainte que celle-ci ne remette en cause sa relation de travail. Pour les demandeurs d'emploi et les salariés, la solution, c'est le compte personnel de formation (CPF) et le certificat de connaissances et de compétences professionnelles CléA.
Le GIP de l'ANLCI est constitué d'une douzaine de ministères, dont ceux chargés de l'Éducation nationale, de l'agriculture, des outre-mer, de la culture, etc. Mais, depuis décembre 2019, c'est le ministère du travail qui en assure la tutelle. Le GIP est financé par tous les ministères. Le secrétariat d'État au numérique ne fait pas actuellement partie de ce tour de table mais nous considérons qu'il y a toute sa place.
Nous manquons cruellement de relais régionaux. Quand ils le veulent bien, les ministères relayent nos actions dans les territoires par l'intermédiaire des préfets de région et des directions régionales. Nous disposons d'un embryon de chargés de mission régionaux, mais qui ne couvre que six des dix-huit régions : nous sommes donc défaillants. En décembre dernier, le Gouvernement s'est engagé à recruter un correspondant régional dans chaque région. Nous sommes tout petits par rapport à notre enjeu : douze personnels et 1 million d'euros de budget annuel ! Notre rôle se limite donc à l'organisation de journées nationales sur la thématique et d'actions incitatives en lien avec les associations du secteur. C'est tout l'enjeu de la mission que m'a confiée la ministre : coordonner tous les acteurs, régions, opérateurs de compétences (OPCO) et associations, pour être plus forts.
Afin de sensibiliser les entreprises à nos préoccupations, nous sommes en pourparlers avec Certif'Pro. Par ailleurs, nous développons actuellement un outil de sensibilisation numérique qui permettra, à travers une trentaine de questions, d'identifier les risques potentiels d'illettrisme dans l'entreprise. Afin d'apporter une solution aux entreprises qui y seraient confrontées, nous pensons construire des kits rassemblant les outils existants, par l'entremise des OPCO et avec l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Dans le cadre de la construction du plan pluriannuel que nous présenterons en juillet, nous travaillons également à l'adaptation des outils existants - avec notamment le développement du e-learning, en lien avec les deux principaux OPCO membres de notre GIP, AKTO et Uniformation.
Le chantier de l'embauche n'a jamais été ouvert car c'est l'employeur qui maîtrise et nous n'avons pas été sollicités. Sachez toutefois que, dans les centres de formation des apprentis (CFA), CléA est utilisé comme outil de pré-positionnement sur un parcours de formation.