Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Elle porte sur la gestion de la justice civile et pénale pendant le confinement.
Dans Le Monde du 14 avril, un journaliste observe que chaque juridiction a construit son propre plan en fonction de ses particularités en matière de contentieux et d’organisation. C’est le maintien de l’activité pénale d’urgence et le contentieux des libertés qui prime. La justice civile, c’est une autre affaire ! D’après cet article, aucune chambre civile ne se réunit pour délibérer, malgré la procédure sans audience prévue par une ordonnance du 25 mars.
Ayant longtemps été avocat moi-même, j’ai tenté de vérifier les informations contenues dans cet article en effectuant un très rapide et modeste tour de France des juridictions, afin de ne pas m’arrêter sur le ou les tribunaux qui auraient dysfonctionné. Durant une demi-journée, j’ai contacté Mmes les bâtonniers d’Amiens et de la Meuse – de Verdun et de Bar-le-Duc –, MM. les bâtonniers de Lille, de Béthune, d’Angers, ce dernier étant coprésident de la Conférence des bâtonniers du Grand Ouest et l’un de mes anciens associés du barreau de Lyon. Il s’agissait pour moi de tenter de constituer un échantillon représentatif afin de rendre ma question plus pertinente.
À l’issue de ces riches entretiens avec des bâtonniers engagés, je n’ai pas eu le sentiment qu’une catastrophe généralisée s’était produite. Pour deux d’entre eux, tout a même bien fonctionné.
Les autres m’ont fait part de l’une ou l’autre des remarques suivantes.
Ils ont souligné que la justice a manqué d’une doctrine nationale sur ce qu’il convenait de faire, ouvrant ainsi la voie à des initiatives locales, mais aussi à des absences d’initiatives.
Ils ont déploré que le système informatique utilisé par les avocats avec les greffes, RPVA, ne soit pas accessible par les magistrats travaillant à leur domicile sur leur portable.
Ils ont considéré que la sécurité sanitaire mettait en conflit plusieurs vérités concurrentes : la santé des personnes – des magistrats, des avocats, des greffiers, mais aussi des justiciables, en particulier le service des justiciables en droit de la famille ; la santé économique des cabinets d’avocats, du fait du problème posé entre autres par l’aide juridictionnelle.
Ils ont relevé que des dysfonctionnements nombreux, mais pas généralisés, liés au droit de retrait de certains magistrats, ont rendu impossible l’organisation d’audiences et occasionné des retards de jugement.
Une mission d’information serait nécessaire, une après-midi d’enquête ne suffit pas. Ma question est donc nourrie par des réponses variées, plutôt constructives : quelles leçons entendez-vous tirer de cette période, madame la garde des sceaux, afin de permettre un fonctionnement de la justice mieux adapté aux crises ?