Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Aide publique au développement en afrique face à l'épidémie de coronavirus — Audition de M. Rémy Rioux directeur général de l'agence française de développement afd et du dr john nkengasong directeur du centre africain de prévention et de contrôle des maladies en téléconférence

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Nous accueillons ce matin le Docteur Nkengasong, directeur du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC Afrique), et M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), pour parler de la crise du Covid-19 en Afrique.

Docteur Nkengasong, vous jouez un rôle éminent dans la lutte contre l'épidémie. Nous souhaitons que vous dressiez le bilan de l'épidémie en Afrique. Selon vous, le répit relatif dont le continent jouit sur le plan sanitaire va-t-il se poursuivre au cours des prochains mois ? L'Afrique va-t-elle échapper à la catastrophe tant redoutée ?

Monsieur Rioux, l'AFD a été chargée de déployer le plan « Covid-19 - santé en commun » dans le cadre de l'initiative décidée par le Président de la République et par ses pairs africains. Pouvez-vous nous présenter plus précisément cette enveloppe de 1,2 milliard d'euros en détaillant vos projets, la part des prêts et celle des dons ? Pour davantage d'efficacité, avez-vous raccourci les délais d'instruction et de préparation de ces actions ? Globalement, que fait l'AFD pour renforcer les systèmes de santé des pays africains ? Cette crise ne réoriente-t-elle pas la manière dont l'AFD conçoit notre aide à l'Afrique, sachant que le texte de loi censé apporter diverses précisions à cet égard est manifestement repoussé ?

Dr John Nkengasong, directeur du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies. - La pandémie de Covid-19 nous a montré à quel point le monde est interconnecté : il s'agit d'une crise mondiale, qui exige une solution mondiale par le biais de la solidarité mondiale. La présence de Covid-19 dans un pays, quel qu'il soit, est une menace terrible pour tous les autres pays du monde : c'est pourquoi nous ne pouvons pas laisser cette pandémie s'installer en Afrique, continent de quelque 1,3 milliard d'habitants.

À ce jour, 54 pays d'Afrique ont signalé, au total, environ 88 000 cas de Covid-19 et 2 800 morts. Entre cette semaine et la précédente, le nombre de cas a augmenté de 30 %. Les cinq régions d'Afrique ont été touchées de manières très différentes ; on observe également de fortes disparités au sein de chaque région.

En Afrique du Nord, on a enregistré 28 000 cas. L'Algérie, l'Égypte et le Maroc sont très touchés ; la Tunisie compte environ 1 000 cas.

L'Afrique de l'Ouest totalise environ 25 000 cas, dont 2 000 en Côte d'Ivoire, 6 000 au Ghana, 6 000 au Nigeria et 2 500 au Sénégal. Cette région est toujours en pleine phase d'augmentation.

En Afrique australe, on dénombre 17 000 cas, dont 16 000 en Afrique du Sud.

L'Afrique de l'Est représente quelque 9 000 cas, dont 1 600 à Djibouti, 900 au Kenya, 1 500 en Somalie - ce pays inspire de vives inquiétudes - et 2 500 au Soudan.

En Afrique centrale, on a enregistré environ 8 000 cas. Le Cameroun arrive en tête, avec 3 500 cas, suivi de la République démocratique du Congo (RDC) - 1 600 cas - et du Gabon - 1 400 cas.

Quelle est notre stratégie ? Le 14 février dernier, le continent a constaté son premier cas, en Égypte. Le 22 février suivant, la commission de l'Union africaine, par l'intermédiaire du CDC Afrique, a convoqué une réunion d'urgence de tous les ministres de la santé du continent. Ces derniers ont élaboré une stratégie continentale fondée sur la coopération, la nécessité de collaborer et la nécessité de coordonner nos efforts.

Grâce à cette stratégie, nous avons rapidement pu établir des diagnostics en laboratoire : à l'origine, seuls deux pays avaient cette capacité ; dès le mois de mars, le nombre était porté à quarante-trois.

À ce jour, nous avons formé environ 4 000 cliniciens à la gestion du Covid-19. En outre, trente-neuf pays ont bénéficié de formations quant aux mesures de prévention et de contrôle des infections. Environ trente États appliquent, à cet égard, des mesures renforcées. Nous avons également déployé plus de 600 intervenants dans plusieurs pays d'Afrique.

Aujourd'hui, nous voulons nous focaliser sur un certain nombre d'actions pour lutter efficacement contre le Covid-19 en Afrique. Nous n'avons testé que 1,3 million de personnes, alors qu'il faudrait atteindre 1 % de la population du continent, soit dix fois plus d'individus. Aussi, nous avons lancé une initiative baptisée « partenariat pour accélérer les tests de Covid-19 en Afrique », qui repose sur trois principes : augmenter rapidement notre volume de tests, tracer les personnes infectées et les traiter au plus vite.

De surcroît, nous avons fixé trois grands objectifs : atteindre 15 millions de tests d'ici deux à trois mois ; déployer 1 million de travailleurs communautaires en appui dans les foyers de contagion ; et mettre en place une plateforme commune pour l'achat de produits permettant de lutter contre le Covid-19.

Nous devons agir rapidement et collectivement face à cette pandémie : nous avons encore une fenêtre pour combattre le virus.

Enfin, le Covid-19 est également une menace économique terrible pour le continent. D'après les spécialistes, la reprise économique en Afrique exigera 100 à 150 milliards de dollars.

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