Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 — Communication en téléconférence

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Le Gouvernement a présenté un projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, qui vise essentiellement à l'habiliter à prendre des ordonnances sur un très grand nombre de sujets.

Compte tenu de la diversité des sujets traités, la Conférence des présidents s'est posé la question de la création d'une commission spéciale, et nous avons finalement décidé d'un schéma moins lourd, avec un envoi au fond à la commission des lois et deux commissions saisies pour avis, la commission des affaires sociales et la commission des finances, sur les points les plus épineux.

Je n'ai pas demandé que notre commission soit saisie pour avis, pour ne pas alourdir la discussion en séance, car les dispositions qui nous concernent soit ne soulèvent pas véritablement de difficulté, soit posent la question des droits du Parlement, que les autres commissions saisies au fond et pour avis ne manqueront pas de se poser également. Cela ne nous empêche pas de suivre de près les débats, et de déposer des amendements à titre personnel si nécessaire. J'invite les rapporteurs pour avis du programme 212, MM. Guerriau et Roger, à suivre plus particulièrement l'article 1er, qui concerne les ressources humaines militaires, et le rapporteur de la commission spéciale sur le Brexit, M. Poniatowski, à regarder de près l'article 4.

Je vais vous présenter brièvement les deux blocs de dispositions qui nous concernent, afin que vous compreniez pourquoi je n'ai pas sollicité d'avis pour notre commission.

Le premier bloc, à l'article 1er, concerne les armées. Il s'agit de neutraliser les effets potentiellement désastreux de l'arrêt des recrutements pendant la crise du Covid-19 par des mesures exceptionnelles, de prolongation d'âge par exemple. Chaque année, les armées comptent environ 22 000 entrées et sorties. La suspension du recrutement depuis mars 2020 a privé les armées de 100 recrutements par jour. Pour l'armée de terre, en particulier, la crise sanitaire va engendrer un déficit de 3 800 recrues.

Trois catégories de mesures sont prévues par le projet de loi. Il s'agit tout d'abord de limiter les sorties. Pour cela, le texte permettra de prolonger, d'un an maximum, la durée des services des militaires atteints par la limite d'âge, pour les militaires de carrière, ou arrivant au terme de leur durée de service, pour les militaires contractuels. Au second semestre 2020, environ 1 000 militaires atteindront la limite d'âge. Il s'agit aussi de libérer, au cours de la même période, certains militaires - de carrière ou contractuels - de l'obligation de quitter le service quand ils sont en reconversion, afin de leur permettre de continuer à servir sous l'uniforme. Cette mesure de bon sens concernerait environ 1 500 militaires au second semestre 2020. Il convient enfin de permettre, toujours au cours de la même période, à d'anciens militaires de carrière à revenir au service après l'avoir quitté, à l'exclusion toutefois de ceux ayant bénéficié d'une aide au départ.

Le projet de loi propose aussi de sécuriser l'achèvement des périodes de reconversion des militaires et d'apporter les dérogations et adaptations nécessaires en ce qui concerne les modalités de délivrance des diplômes et qualifications militaires.

À mon sens, ces dispositions ne comportent pas de difficultés et sont même particulièrement bienvenues. Un manque de 3 600 recrues pourrait créer des tensions vives, au moment des départs en opérations extérieures par exemple. Nos rapporteurs pourront déposer tous amendements qu'ils estimeraient utiles, en liaison avec la commission des Lois.

Le deuxième grand volet qui nous concerne est à l'article 4, il s'agit de la gestion des conséquences du Brexit. Cet article 4 est en fait le petit frère du projet de loi que nous avions voté l'année dernière pour habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances en cas de Brexit sans accord, et qui avait été examiné par une commission spéciale présidée par Jean Bizet et dont le rapporteur était Ladislas Poniatowski.

La plupart des ordonnances prises en application de la loi du 19 janvier 2019 sont en effet devenues caduques, car il y a bien eu, in extremis, un accord de sortie avec le Royaume-Uni. Le seul problème qui demeure est celui de la durée des habilitations, qui fait l'objet d'un vrai débat. Les ordonnances doivent être liées à l'urgence, et l'habilitation est accordée pour une durée excessive. Le Gouvernement demande 30 mois ; l'Assemblée nationale a réduit ce délai à quinze mois. Certes, la période de transition avant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pourrait être prolongée, s'il en est décidé ainsi par les deux parties avant le 1er juillet. Mais cela justifie-t-il de donner au Gouvernement un temps aussi long pour agir ? La position diplomatique de la France est qu'il vaudrait mieux un bon accord l'an prochain plutôt qu'un mauvais accord avant la fin de l'année. Sur ces sujets du champ et du délai d'habilitation, je pense que nos intérêts seront très bien portés par la commission des lois, qui est saisie au fond de ce texte. Peut-être sera-t-elle tentée de raccourcir encore le délai, peut-être à sept mois...

La véritable question n'est pas dans le projet de loi, c'est celle des relations futures entre Royaume-Uni et l'Union européenne. Le groupe de suivi que nous avons constitué avec la commission des affaires européennes mène depuis trois ans un travail approfondi. Mais les négociations avec le Royaume-Uni patinent : le cycle de négociation qui a eu lieu la semaine dernière n'a pas permis de percée significative. Les délais de négociation paraissent intenables. Et le Gouvernement britannique, enlisé dans la crise du Covid-19, pourrait être tenté d'espérer que l'impact d'un Brexit sans accord passe relativement inaperçu, étant donné le désastre économique inévitable qui s'annonce dans les prochains mois. Il y a donc tout lieu d'être inquiet.

Je vous précise d'ailleurs que nous avons invité Michel Barnier à venir faire le point devant nos deux commissions le 25 juin, après l'ultime cycle de négociations UE-UK, et avant la date limite de juillet pour demander une prolongation.

Pour conclure, je charge nos rapporteurs de suivre le devenir des dispositions qui concernent la commission.

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