Cette audition sous forme de table ronde est pour l'heure envisagée le 7 mai prochain, sous toute réserve. Le 30 avril est prévue une table ronde portant sur les foyers épidémiques avec notamment Jean Rottner, président de la Région Grand Est, où cette question sera sans doute abordée. Le sujet des ARS pose la question de la déconcentration à la française et de la non décentralisation de ces enjeux sanitaires, contrairement à certains de nos pays voisins.
J'en viens maintenant aux conclusions de la table ronde que nous avions organisée le 19 décembre dernier sur la thématique « Alimentation saine et durable : quels moyens d'action pour les collectivités ? ». Cette question des circuits courts en plein confinement a pris une importance que nous n'imaginions pas, à l'aune des initiatives prises par les producteurs, les commerçants et les collectivités. Ce n'était néanmoins pas le seul aspect de la table ronde que nous avions eue à l'époque.
Nous avions organisé nos débats en deux séquences avec une première discussion sur les arrêtés anti-pesticides pris par MM. Daniel Cueff, maire de Langouët et Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers. Sans revenir sur le débat, il était très intéressant d'observer la complémentarité entre un maire rural et un maire urbain sur la question de l'interdiction ou non des glyphosates, sujet transpolitique, puisque les villes de Sceaux ou d'Antony ont pris les mêmes dispositions.
La seconde séquence était consacrée aux bonnes pratiques locales en matière d'alimentation saine avec la ville de Mouans-Sartoux, cheffe de file dans le programme européen « Biocanteens » pour diffuser de bonnes pratiques, représentée par M. Gilles Pérole, maire-adjoint et président de l'association « Un plus bio ». Était également représentée, pour un milieu plus urbain, Dijon Métropole, pour le projet « Alimentation durable 2030 », sélectionné par le Gouvernement dans le cadre du programme d'investissements d'avenir « Territoires d'innovation », avec la présence de M. Benoît Bordat, conseiller métropolitain délégué à l'agriculture périurbaine.
Nous avions également invité deux collègues sénateurs au titre de leurs travaux et de leur intérêt pour ces questions : Joël Labbé, jadis membre actif de notre délégation et auteur de la proposition de loi qui fut à l'origine de la loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national - qui constitue un premier pas -, et Françoise Cartron, co-rapporteure avec Jean-Luc Fichet au sein de la délégation à la prospective, sur le thème de l'alimentation à l'horizon 2050.
Nous avions fait le constat que les élus locaux sont naturellement en première ligne sur les questions de santé et d'alimentation saine des populations, et nous attendions de nos invités qu'ils nous présentent leurs expériences concrètes.
Je rappelle les bonnes pratiques et les préconisations qu'ils nous ont présentées :
- étendre progressivement la pratique de non-utilisation de produits phytosanitaires aux cimetières et terrains de sports. La loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national ne l'interdit pas mais ne l'impose pas davantage ;
- encourager le développement des projets alimentaires territoriaux créés par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, d'une part, par l'élaboration d'un référentiel commun, en prenant exemple sur les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et, d'autre part, en respectant la diversité des stratégies des parties prenantes et des territoires concernés (création de régie agricole municipale, formation des chefs de projets en alimentation durable, etc.) ;
- nouer des alliances de territoires et de collectivités pour favoriser les interactions entre territoires urbains et ruraux. Je crois beaucoup à ce sujet, qui avait d'ailleurs été abordé lors d'un déplacement dans le Gers dans le cadre d'un travail précédent de notre délégation sur les ruralités. Je pense que nous pouvons aller plus loin dans ce domaine, par exemple en identifiant ou en faisant l'acquisition de friches ou terres agricoles reconvertibles en circuits courts ou agriculture biologique. On présente très souvent les grandes agglomérations comme minées par le mitage territorial. Il faut donc une solution alternative pour pallier cette tentation qu'ont souvent les agriculteurs de vendre. Dans cette perspective d'alliance territoriale, il pourrait également être intéressant de regrouper les marchés publics des collectivités et établissements publics pour une meilleure efficacité dans ce domaine. L'alliance des territoires est un sujet que je viens d'aborder de manière générale et pourrait faire l'objet d'un travail approfondi.
Il nous avait été ensuite présenté les idées de réserver le classement des terres agricoles périurbaines dans les plans locaux d'urbanisme et les projets de territoires et de promouvoir le changement des pratiques de consommation et la lutte contre le gaspillage alimentaire pour contenir les coûts d'approvisionnement locaux.
Ces bonnes pratiques ne nécessitent pas de modification du cadre réglementaire et législatif existant. Elles méritent cependant d'être plus largement partagées. Cela correspond à la philosophie de notre délégation que de promouvoir ce « droit souple », adaptable à chaque situation locale, plutôt que l'adoption de règles rigides et parfois inadaptées où l'on croit régler un problème tout en en créant un autre.
Enfin, et ce sont là les dernières propositions que nous pourrions formuler, il pourrait être pertinent :
- d'autoriser les communes à exercer un pouvoir réglementaire d'adaptation locale dans le cadre de la protection de la santé des administrés et en cas de danger grave ou imminent impliquant des produits phytosanitaires. Ce sujet est controversé du fait des abus ou des situations pouvant fausser la concurrence ;
- de reconnaître explicitement une compétence agricole aux collectivités territoriales, notamment pour les métropoles au titre de la différenciation. Certaines s'en saisissent d'ailleurs déjà dans le cadre de la compétence économique ;
- de rendre possible l'octroi de gré à gré aux petits producteurs locaux d'une fraction des allotissements de marchés publics : il s'agirait de proposer une exception alimentaire dans la réglementation européenne des marchés publics. J'ai eu personnellement beaucoup de mal à faire évoluer mes cantines dans le cadre juridique qui m'était proposé.
La préconisation la plus polémique et la plus politique concerne le pouvoir des maires au sujet de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (pesticides, glyphosates). Cette question fait l'objet de discussions en notre sein. Nous n'allons donc pas faire une recommandation sur ce point mais nous pourrions au moins nous accorder sur l'intérêt de l'évoquer au titre des préconisations des élus locaux, afin qu'elle puisse ultérieurement être abordée dans le cadre du débat parlementaire, ne serait-ce que pour clarifier la jurisprudence administrative sur le conflit de compétence entre l'État et la commune. Un cadre général est nécessaire mais il faut également une souplesse liée aux différentes situations des territoires.
J'en ai désormais terminé et j'ouvre la discussion sur la présentation de ce rapport issu de cette table ronde.