Nous recevons aujourd'hui notre Représentante permanente au Conseil de l'Atlantique Nord, Mme Muriel Domenach, alors que l'actualité sur la question est brûlante.
Madame l'Ambassadrice, vous allez nous éclairer sur les coulisses du dernier sommet des chefs d'État qui s'est tenu à Londres les 3 et 4 décembre dernier à l'issue d'une séquence mouvementée, dont je rappelle brièvement l'enchaînement. Le 6 octobre, sans avertir ses alliés, le président américain Donald Trump a donné le feu vert à l'intervention turque dans le nord de la Syrie, qui a débuté le 9 octobre 2019. Vous étiez avec nous à Londres, avec la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN), lorsque j'ai interpellé à ce sujet le secrétaire général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg, le 14 octobre. Son absence de réponse nous a laissés pantois. Le 21 octobre, le Président de la République tenait les propos que l'on connaît sur l'OTAN, qui visaient en fait autant l'Alliance que les membres de l'Union européenne, dont on espère un réveil stratégique pour la défense de l'Europe.
C'est dans ce contexte que le sommet des leaders de l'OTAN s'est déroulé. La volonté française était de dépasser la seule obsession américaine du partage du fardeau et de remettre au coeur du débat les orientations stratégiques de l'Alliance. Quel bilan peut-on tirer de cette séquence ? La commission d'experts mise en place pour réfléchir au futur de l'OTAN, présidée par le Secrétaire général, ne révèle-t-elle pas finalement une absence d'ambition ? Chacun sait qu'elle correspond à la proposition allemande, alors que dans la proposition française l'ambition politique était plus affirmée. Dans ce cadre, que peut-il en sortir ? Dans quelle position cette séquence laisse-t-elle la France ? Nous avons eu des retours très négatifs, y compris de nos principaux partenaires, sur l'expression de « mort cérébrale ». La brutalité de l'expression n'a-t-elle pas occulté la justesse d'un message qui aurait peut-être été mieux perçu s'il avait été formulé différemment ? Ce n'est certes pas à nous de faire l'exégèse de la parole présidentielle.
La place et les objectifs de la Turquie dans l'organisation de l'Atlantique Nord sont une deuxième grande question. L'ambassadeur de Chypre nous a exposé ce matin les difficultés que son pays rencontre en Méditerranée orientale. Comment garder à bord un allié aussi indispensable qu'indépendant, pour ne pas dire incontrôlable, qui soumet l'Alliance à un véritable chantage ? La Turquie refuse en effet de soutenir le plan de renforcement du flanc Est si sa définition du terrorisme - inacceptable pour nous puisqu'elle vise nos alliés kurdes dans la lutte contre Daech - n'est pas adoptée.
L'ambiguïté américaine pose aussi question : l'OTAN fait parfois figure d'appareil pro-industrie américaine, avec la fameuse clause F35 dénoncée par Mme Parly. Le Président américain ne semble pas beaucoup se soucier de la sécurité de l'Europe. Où en est notre partenariat stratégique ?
Madame l'Ambassadrice, à l'issue de la réunion des chefs de l'OTAN, la Chine est qualifiée de centre d'intérêt et la Russie, de principale menace. Est-ce bien le reflet de notre propre analyse géopolitique ? La France poursuivra en 2020 le dialogue avec la Russie, et notre commission également.
Enfin, comment souhaitons-nous associer l'OTAN à nos efforts pour la sécurité collective au Sahel ? Ces efforts coûtent à la France le prix, douloureux, du sang - et le Président de la République passera Noël là-bas, avec nos soldats.
Cette audition fera l'objet d'un compte rendu, mais n'est pas captée. Je demande à mes collègues de respecter la confidentialité de vos propos.