Commissaire général, a indiqué que France Stratégie a mené une série de travaux étant effectivement en lien avec ceux de la Délégation, notamment sur les questions d'emploi et de RSE. Ces études et réflexions sont menées dans le respect de la tradition, très ancienne, de dialogue avec les partenaires sociaux d'une part et avec la société civile d'autre part.
S'agissant de la thématique des emplois et compétences, au coeur des sujets traités par France Stratégie, il convient de noter que la publication initialement prévue pour le nouvel exercice de prospective des métiers et qualifications à l'horizon 2030, mené régulièrement avec la Dares, a été repoussée compte tenu des circonstances. Le contenu devra être actualisé au regard des nouvelles perspectives découlant de la crise actuelle.
France Stratégie anime le réseau Emplois Compétences, ancré dans les territoires. Il a permis, ces dernières années, de mettre au point des méthodes pour établir une vision prospective de l'emploi et des compétences, avec les partie prenantes (observatoires de branche et régionaux, administrations en charge de l'emploi et du travail, etc.). France Stratégie est peut-être l'institution qui, au sein du monde des administrations, essaie de comprendre au mieux ce qui se passe dans le monde des entreprises.
France Stratégie s'est vu confier l'évaluation des « ordonnances travail » en s'appuyant sur un comité d'évaluation co-présidé par trois personnalités. Un point d'étape sera publié dans un mois.
Par ailleurs a été récemment confiée une mission de secrétariat du plan de soutien des entreprises, avec une prochaine mise en ligne des informations de synthèse sur ce plan. Ce travail devrait être d'un grand intérêt, notamment pour ce qui concerne l'activité partielle.
France Stratégie a connu une évolution importante depuis un an avec l'intégration du Conseil d'Orientation pour l'emploi (COE), la prise en charge de son animation et sa présidence. La réunion du 15 mai dernier a permis de réaliser un tour de table avec les partenaires sociaux pour faire remonter leurs analyses du terrain et leurs préoccupations actuelles. Le poids de ces partenaires (6 organisations patronales et 6 organisations syndicales salariées) s'est accru dans la nouvelle organisation du COE, passée de 53 à 35 membres. En résumé, les principaux sujets relayés par les partenaires sociaux en ce contexte de crise ont été les suivants :
- ils prennent acte du plan soutien aux entreprises, dont la rapidité de mise en oeuvre a été saluée, notamment pour ce qui concerne le prêt garanti par l'État (PGE) et l'activité partielle ;
- beaucoup d'inquiétudes ont été exprimées et de questions posées sur la sortie de crise, avec toutefois une grande hétérogénéité selon les secteurs. Cette hétérogénéité sectorielle s'illustre par exemple par la coexistence des préoccupations de la FESAC (Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma) - dont les acteurs sont aujourd'hui à l'arrêt et ne savent pas quand ils pourront redémarrer - et celles de la FNSEA qui connaît davantage des difficultés de recrutement. L'activité du secteur de l'agriculture et de celui de l'agro-alimentaire ont été en effet beaucoup moins affectées que d'autres et ces secteurs se sont plutôt retrouvés confrontés à des pénuries de recrutement, notamment liées à des difficultés pour faire venir des travailleurs saisonniers de l'étranger ;
- de nombreuses questions ont été soulevées sur la souveraineté économique, tant à l'échelle française qu'à l'échelle européenne, et sur les perspectives de relocalisation de productions ;
- l'impact sur les métiers sera très différent non seulement d'un métier à l'autre mais aussi d'une situation personnelle à une autre. Va se présenter une génération nouvelle, dans le domaine de l'alternance, qui risque de se heurter à une situation radicalement différente, avec le risque de briser la dynamique de l'apprentissage que l'on observait avant la crise. C'est une préoccupation considérable pour les partenaires sociaux ;
- l'impact va également se traduire par un changement considérable du rapport au travail ;
- dans les études prospectives sur les métiers et qualifications, on note que certains métiers sont davantage exercés lorsqu'on est jeune et d'autres plus tard dans la vie active. Or, en raison de la crise, certains métiers seront extraordinairement affectés et ne pourront plus jouer le rôle de sas d'entrée dans la vie active pour les jeunes générations ;
- sont également craints des aléas accrus sur les métiers pour lesquels des difficultés de recrutement étaient déjà anticipées, comme dans le domaine de la rénovation thermique. En effet, la mise en oeuvre de la stratégie nationale bas carbone devrait entraîner une augmentation massive du nombre de rénovations de logements sur le plan thermique ; étaient d'ores et déjà anticipées des vacances pour 300 000 à 400 000 emplois.
- La crise va ainsi remettre en cause un certain nombre d'équilibres ou de déséquilibres existant sur les métiers et sur le marché du travail.
Le plus frappant des changements anticipés relève de l'évolution de l'organisation du travail. Ainsi le télétravail a concerné, du jour au lendemain, des millions de français. En outre, le télétravail d'aujourd'hui n'est pas celui d'il y a 6 mois, lorsque le mode normal d'organisation était la présence au bureau et que l'on accordait un ou deux jours à des salariés qui le souhaitaient car ils y trouvaient un équilibre personnel. On constatait d'ailleurs que les salariés qui en bénéficiaient n'avaient pas du tout perdu en efficacité et le mouvement vers une augmentation du télétravail était solidement enclenché. Désormais la logique n'est plus la même, et l'on envisage une organisation différente où le télétravail n'est plus mineur dans l'organisation mais constitue une modalité alternative avec de nouveaux équilibres à imaginer. Les conséquences pratiques sont nombreuses, par exemple en termes d'équipement à domicile, de méthodes managériales (la transposition des méthodes management au bureau n'est pas transposable), etc. ;
D'autres changements sont liés aux conditions sanitaires ou plutôt à la manière de se protéger les uns des autres, y compris dans les trajets. La question des trajets pendant les heures de pointe était déjà un sujet puisqu'elle était visée par un accord entre les sociétés de transports en commun d'Ile-de-France et les acteurs des bureaux du quartier de La Défense afin d'étaler les heures de début et de fin de travail. La concentration des arrivées et départs sur une heure ou une heure trente était à l'origine d'une grande partie des problèmes de transports en commun dans la région. Maintenant on est conduit à aller beaucoup plus loin et l'amélioration des conditions de transport va constituer un élément important de négociation. Au-delà, on découvre que dans le monde de l'industrie va émerger le travail en équipe décalé, et des accords devront être passés. Ainsi de nouveaux sujets de négociation voient le jour, ce qui arrive à un moment singulier pour les nouvelles organisations représentatives ayant remplacé le CHSCT.
Trois éléments forts vont donc guider les discussions des partenaires sociaux : les déséquilibres nouveaux des métiers, les évolutions nouvelles relatives à l'organisation du travail, et les attentes de dialogue social dans les enceintes renouvelées.