La Guyane, territoire de la République, est confrontée à des enjeux spécifiques qui sont liés à sa situation géographique particulière. Comme vous le savez, j'ai déjà interrogé à plusieurs reprises le Gouvernement sur le sujet de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Nos enfants - ceux qui transportent la drogue, ceux qui la consomment - sont les premières victimes de ce trafic d'ampleur.
Depuis une dizaine d'années, la production mondiale de cocaïne, essentiellement en provenance de Colombie, n'a cessé d'augmenter. Dans un rapport de juin 2018, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime indiquait que la fabrication mondiale de cocaïne avait atteint en 2016 un niveau historique de 1 410 tonnes, soit 25 % de plus qu'en 2015.
Dans ce trafic à l'échelle internationale, les changements intervenus dans la géopolitique sud-américaine ont fait des Antilles et de la Guyane un espace majeur de transit de la cocaïne. Pointe-à-Pitre et Fort-de-France sont non seulement des points stratégiques de réexpédition de la cocaïne destinée à l'Europe, mais aussi des marchés de gros secondaires où se rencontrent la criminalité locale et celle qui est issue de l'Hexagone.
La Guyane connaît une évolution spectaculaire liée à l'augmentation des contrôles aéroportuaires entre le Surinam et les Pays-Bas, mais également à l'autonomisation des groupes criminels locaux. Aussi, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, près de 30 % du marché français, évalué entre 25 et 30 tonnes, proviendraient de la Guyane. Cette attractivité pour les trafiquants de cocaïne est attestée par l'augmentation importante et régulière des saisies réalisées. Entre 2014 et août 2018, elles ont augmenté de 335 % sur le seul territoire guyanais.
Ce trafic est largement le fait de « mules », transportant des produits stupéfiants in corpore ou dans leurs bagages. Les réseaux de trafiquants puisent ainsi aisément dans le vivier des jeunes inactifs, pour lesquels une rétribution de 3 000 à 7 000 euros par vol effectué constitue une somme non négligeable. Les groupes criminels sont en pleine expansion et déploient une stratégie efficace consistant à « ceinturer » les services douaniers : on estime que chaque vol commercial au départ de Cayenne vers Paris compterait 20 à 30 mules. Les douaniers ne peuvent contrôler chaque passager... Les tribunaux, à Cayenne comme dans l'Hexagone, croulent sous les affaires de mules en provenance de Guyane. Au tribunal de Créteil, on recenserait trois affaires de mules lors de chaque séance de comparution immédiate. C'est pour répondre à cette situation que le Gouvernement a engagé en mars 2019 un plan d'action interministériel, reconduit par un plan anti-drogue en septembre dernier. La mise en place d'un scanner corporel à l'aéroport de Cayenne a été actée - j'avais demandé cette mesure dès 2015.
Le dossier est complexe, car il recouvre des problématiques sécuritaires, judiciaires et sociales qui s'entremêlent de la Guyane à l'Hexagone. La commission des lois, venue en Guyane il y a quelques mois, a proposé une grande loi pour la Guyane. Je suggère que notre commission évalue dans le détail le plan d'action interministériel un an après sa mise en oeuvre.
Nous devons porter une attention particulière au parcours judiciaire et à la réinsertion sociale des mules écrouées. Ce sont des proies faciles pour des trafiquants sans foi ni loi et sans scrupules. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ceux qui ont déjà été condamnés et se retrouvent parfois emprisonnés plusieurs années à 8 000 kilomètres de chez eux.
Je suis heureux de travailler avec certains collègues qui ont des relations privilégiées avec la Guyane, comme Fabien Gay et Mathieu Darnaud.
Les élus, les associations et la population nourrissent de grandes inquiétudes. J'espère que nos travaux permettront de porter une écoute attentive à leurs préoccupations afin d'aboutir à des conclusions permettant d'améliorer le combat que nous menons pour lutter contre ce fléau, lequel n'est pas, pour moi, une fatalité. Nous devons prendre un engagement politique fort pour sauver la jeunesse de nos pays respectifs.