Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an, nous avions débattu d’une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains, relative à la représentation politique des Français vivant à l’étranger.
Depuis lors, malheureusement, rien ne s’est passé, aucune inscription n’a été faite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Rien de nouveau dans la loi, donc, sauf ce qui a été repris dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Or nous n’avons pu en discuter ici, la commission des lois du Sénat ayant invoqué l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution.
Le risque est grand qu’il en soit de même cette fois-ci. Je salue toutefois avec satisfaction l’occasion qui nous est offerte d’échanger, en ce moment particulièrement grave. Je me réjouis également qu’un certain nombre d’amendements que nous avions défendus, en particulier lors de l’examen de la proposition de loi que je viens d’évoquer, soient d’ores et déjà intégrés dans le texte de la commission.
Je me réjouis, enfin, que la majorité sénatoriale ait modifié au travers de la présente proposition de loi ses positions traditionnelles sur la réforme de la retenue à la source ou sur l’assujettissement à la contribution sociale généralisée, la CSG, et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, des revenus immobiliers des non-résidents. C’est heureux, et j’espère que cela perdurera lors de l’examen des prochaines lois de finances et des futures commissions mixtes paritaires.
Le groupe socialiste et républicain, je dois le confesser, a également évolué au sein sur ce sujet. Je souhaite que nous puissions désormais faire route commune.
Même si la probabilité de l’inscription de ces dispositions dans la loi est mince, nous sommes déterminés à profiter de cette occasion pour évoquer en séance un certain nombre de sujets sensibles pour les Français vivant hors de France, en ce moment de crise très aiguë et particulièrement grave pour eux.
J’évoquerai tout d’abord la question fiscale. La réforme de la retenue à la source, dont le caractère est libératoire, fut adoptée à la fin de 2018 par l’Assemblée nationale. Jusqu’à présent, la majorité sénatoriale n’a fait que reporter cette réforme, sans vouloir l’annuler, dans une démarche assez proche de celle des députés à l’automne 2019.
Rappelons que, à revenu de référence égal, un non-résident est davantage taxé qu’un résident, ce qui pose un problème d’égalité devant l’impôt. Paradoxalement, et alors qu’était souvent visée l’imposition sur le revenu des pensions, la réforme de la retenue à la source a eu pour conséquence de multiplier, parfois par plus de cinq, le montant de l’impôt dû.
La présente proposition de loi prévoit l’annulation de ladite réforme. Très bien ! Mais pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, ce que le rapport du Gouvernement, prévu par la loi de finances de 2020, dira sur ce sujet ?
La crise sanitaire actuelle est mondiale. Elle touche les 3 millions de Français installés à l’étranger, souvent dans des pays qui ne connaissent pas nos amortisseurs sociaux. Une perte de revenus, une perte d’emploi, et c’est parfois la perte de l’assurance maladie, voire du droit au séjour.
Vous avez annoncé des dispositifs d’accompagnement, mais leur mise en œuvre laisse dubitatif. Faut-il attendre d’être à la rue, au sens littéral du terme, pour pouvoir faire appel aux services sociaux des consulats ?
Pouvez-vous nous dire aussi, compte tenu de la croissance de l’épidémie dans certains pays, si la suppression, décidée en mars dernier, du délai de carence pour la protection universelle maladie (PUMa) jusqu’au 1er juin sera, ou non, prolongée ?
Les Français vivant à l’étranger constituent la trame de notre réseau d’influence et de notre présence à l’international. Alors que tout le monde parle de souveraineté, rappelons qu’il n’y a pas de réelle souveraineté sans rayonnement à l’international. Il faut donc préserver nos réseaux et soutenir ceux qui les animent : nos Alliances françaises, les chambres de commerce, les entreprises créées par des Français, vectrices d’emplois en France et aujourd’hui fragilisées. Nous avons formulé de nombreuses propositions sur ces sujets. Que fait le Gouvernement à cet égard ?
En ce qui concerne les bourses scolaires et l’AEFE, des annonces ont été faites. Nous restons dubitatifs quant à la démarche relative à l’Agence, car il ne s’agit que d’une autorisation d’endettement de celle-ci, si l’on se réfère aux documents proposés au conseil d’administration de l’AEFE. Il faudra en effet que les établissements scolaires, donc les familles, remboursent les avances consenties aujourd’hui.
Enfin, même si nous avons connaissance des annonces, nous ne sommes pas directement destinataires des décisions finales. Nous les apprenons « par la bande », et elles sont appliquées de manière très hétérogène par les postes.
Du fait de notre rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, mais aussi parce que les conseillers consulaires ont besoin de ces informations pour remplir correctement leur mission, nous souhaitons obtenir directement ces informations.
En cet instant, je veux saluer le travail de nos consulats à l’étranger en matière de rapatriement des Français, en particulier de ceux qui étaient de passage à l’étranger. Des points de difficulté subsistent au Maghreb, principalement au Maroc, en Argentine, en Roumanie, et je ne suis pas exhaustif. Pourtant, plus que jamais, les consulats ont perçu les conséquences des restrictions drastiques de personnels prévues dans le programme Action publique 2022. Monsieur le secrétaire d’État, en tirerez-vous les conséquences ?
Nous ne croyons pas que cette proposition de loi puisse prospérer. Elle ne joue, selon nous, qu’un rôle de communiqué de presse dans la perspective des prochaines élections consulaires. §Nous présenterons cependant des amendements, afin d’engager un dialogue avec la majorité sénatoriale et le Gouvernement sur les sujets importants qui nous préoccupent.
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, la question des élections consulaires. Nous y reviendrons en présentant un amendement. Nous devons apporter de la clarté aux conseillers consulaires, aux candidats qui font vivre la démocratie à l’étranger et qui sont aujourd’hui mobilisés jour et nuit pour répondre aux urgences. Nombre de nos compatriotes perdent en effet leur emploi et leurs revenus à l’étranger.
Le vote de notre groupe sur ce texte sera sans doute plutôt favorable : nous partageons globalement les revendications et les solutions contenues dans cette proposition de loi, mais nous attendons de voir le sort qui sera réservé à nos amendements pour nous décider définitivement.