Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots iront à M. Retailleau et à ses collègues du groupe Les Républicains, que je tiens à remercier de cette proposition de loi. Son examen nous permet d’évoquer plusieurs sujets intéressant nos compatriotes résidant à l’étranger, ceux-là mêmes que notre ancien collègue Jean-Pierre Cantegrit avait baptisés « la troisième France » dans le livre qu’il leur avait dédié.
Au terme de neuf semaines de confinement passées à mon domicile au Royaume-Uni, je veux commencer mon propos en adressant mes pensées chaleureuses et solidaires aux malades du Covid-19 et toute ma compassion aux personnes endeuillées.
À l’étranger, nombre de nos compatriotes sont plongés dans de grandes difficultés. Certains ont perdu leur emploi, d’autres ont dû fermer leur entreprise. Dans quelques pays, un environnement sanitaire qui demeure inquiétant ajoute à l’angoisse. La rareté des liaisons aériennes bloque toujours à l’étranger nombre de nos compatriotes qui ont besoin de rentrer au pays.
Aussi, au moment où je me retrouve dans cet hémicycle, après plus de deux mois de travail à distance, je veux dire à ceux qui sont dans la difficulté que mes pensées sont tournées vers eux.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai apprécié votre discours et les efforts que vous avez déployés, depuis votre nomination à ce poste, pour servir les Français de l’étranger, mais je souhaite également vous faire savoir que les diverses déclarations du Gouvernement, depuis le début de ce mois, quant à une quarantaine obligatoire pour tous ceux qui reviendraient de l’étranger ont été très mal perçues par nos compatriotes. De nombreux conseillers consulaires ont écrit pour s’élever contre cette mesure, qu’ils ne comprenaient pas.
Ce matin, M. Jean-Yves Le Drian a annoncé que les voyageurs, tant les Français que les résidents permanents en France, arrivant de l’étranger hors Union européenne, seraient invités à compter de demain à se soumettre à une quatorzaine sur une base volontaire. Les revirements que nous observons sur ce sujet créent un climat anxiogène, nourri d’incertitude administrative et de méfiance sanitaire. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous rassurer sur cette question ?
Nous comprenons le contrôle quand il est cohérent. Pour illustrer ce propos, je veux partager les formalités auxquelles j’ai dû me soumettre, hier, en revenant du Royaume-Uni. J’ai téléchargé le document qu’il est obligatoire de remplir pour rentrer sur le territoire national. Les Français doivent y faire figurer leurs noms, prénoms, adresse et date de naissance, mais aussi cocher la case : « Je suis Français ». Je peine à comprendre l’intérêt d’un tel formulaire dans la lutte menée pour restreindre la propagation du virus… Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous m’éclairer sur ce point.
Je tiens à présent à remercier les auteurs de cette proposition de loi de toutes les améliorations qu’elle contient, ainsi que notre rapporteur Jacky Deromedi et Christophe-André Frassa, en compagnie desquels j’ai été élu. Aussi, cela ne surprendra personne, je soutiendrai ce texte.
Si ces propositions sont appropriées, les conseillers consulaires avec qui j’ai pu converser m’ont en revanche demandé de profiter de ces quelques minutes de débat pour faire remonter leurs préoccupations prioritaires.
Le découplage entre conseils consulaires et Assemblée des Français de l’étranger n’est pas, à leurs yeux, une réussite. L’expérience montre qu’il faudrait trouver une solution pour que tous les élus consulaires puissent participer activement aux travaux de l’AFE d’une manière ou d’une autre.
Il était de la responsabilité du Gouvernement de dresser un bilan de la loi de 2013, qui avait été portée par notre présidente de séance, alors membre du Gouvernement, Mme Conway-Mouret, et de rechercher les améliorations à apporter au dispositif. Nous l’attendions ; cela n’a pas été fait, et nous le regrettons.
Par ailleurs, le problème principal auquel les élus sont confrontés relève non pas de la loi, mais de son exécution par l’administration. Des témoignages qui me remontent de toutes parts décrivent celle-ci comme un mur derrière lequel se retranchent certains employés des consulats, qui expliquent suivre des instructions de Paris dont ils n’ont pas copie.
À titre d’exemple, je veux vous livre ce témoignage : « Je n’ai jamais eu de nouvelles des îlots. Je ne sais même pas qui est chargé de l’îlot dans ma région. À chaque question, je reçois une réponse évasive. » Des élus chevronnés notent que la reconnaissance à leur égard se dégrade. L’un m’a ainsi déclaré : « Quand mon pays d’adoption avait connu une révolution, j’avais été associé aux efforts du consulat pour venir en assistance aux Français. Maintenant, c’est fini ! »
Une certaine méfiance est parfois même cultivée. Ainsi, il a été recommandé à un consul honoraire de ne pas informer l’élu consulaire de sa circonscription sur les personnes qui y seraient en difficulté. On exige de certains qu’ils laissent à la porte du consulat leur téléphone ou leur tablette quand ils viennent participer à un conseil consulaire, alors même que les agents peuvent utiliser les leurs.
J’ai pu moi-même observer ce comportement distant, voire défiant, à l’occasion d’une manifestation tenue dans un lycée français : les élus, dont je faisais partie, n’ont pu y avoir accès, sous le prétexte du Covid-19, alors que toute l’administration, les parents et les enfants pouvaient célébrer l’événement !
Ce qui s’est passé en Roumanie la semaine dernière est également assez significatif. En l’absence de solution proposée par l’ambassade de France, les étudiants de médecine français des universités de Cluj-Napoca et Iaşi, soucieux de rentrer en France pour passer leurs examens cet été, mais aussi sortir d’un pénible confinement, ont demandé de l’aide au conseiller consulaire Benoît Mayrand.
J’en parle en connaissance de cause, car les associations de parents de ces élèves m’avaient également sollicité ; j’ai donc pu suivre tous les progrès de la démarche de M. Mayrand. Il ne lui aura pas fallu plus de quarante-huit heures pour trouver une solution : il a posé une option auprès de la compagnie aérienne nationale roumaine pour un vol de 160 places, en s’assurant que toutes les autorisations légales, sanitaires et transfrontalières avaient été obtenues, et cela en toute transparence avec le poste diplomatique.
Or cette initiative n’a pas été du goût de l’ambassade de France, qui a empêché le vol en écrivant : « Les étudiants français de Roumanie ne sont pas en situation de détresse, même si leur situation est inconfortable. » Plutôt que d’aider notre conseiller consulaire, l’ambassadeur lui-même lui a reproché de se mêler d’affaires qui, de fait, sont pourtant les siennes : représenter les Français de sa circonscription ! J’espère que l’ambassade répondra aux nombreuses questions qui lui sont désormais posées par les associations d’étudiants.
Ces derniers temps, les membres du Gouvernement ont salué, à juste titre, le dévouement exceptionnel dont ont fait preuve nos postes consulaires pendant la présente crise sanitaire – je veux m’associer à ces félicitations –, mais le Gouvernement a parfois manqué d’éloges vis-à-vis de nos élus de terrain, dont beaucoup se sont impliqués avec zèle pour aider nos compatriotes bloqués à l’étranger.
L’accès aux listes électorales consulaires semble par ailleurs devenir de plus en plus compliqué pour les élus : beaucoup m’ont dit qu’ils n’avaient pu avoir accès aux plus récentes. J’ai pu noter par moi-même que l’administration s’abrite parfois derrière le devoir de réserve pour durcir le comportement des fonctionnaires vis-à-vis des élus. Si vous pouviez un jour éclairer les élus au sujet de cette instruction, monsieur le secrétaire d’État, je vous en serais reconnaissant.
Les conseillers consulaires font de la transparence des instructions données aux postes leur priorité ; ils souhaitent être mieux associés au travail des consulats, afin de pouvoir servir au mieux nos compatriotes.
Une élue m’a adressé des commentaires, parmi lesquelles j’ai pu lire ceci : « Je n’ai pu avoir une bonne communication avec le consulat que lorsque j’ai réussi à établir une relation d’amitié avec deux consuls adjoints. » Cela me paraît un bon message : je veux rendre hommage à tous ceux qui, parmi nos agents consulaires, savent dépasser le cadre des instructions officielles pour nouer des relations de confiance avec les élus et les associer à un travail collectif. J’en connais de nombreux ; je veux les saluer et leur faire part de toute ma gratitude.
Nous sommes amenés aujourd’hui à légiférer sur des formalités qui empoisonnent la vie de nos compatriotes et qui devraient être réglées sans même l’intervention du législateur, comme les certificats de vie ou les actes notariés. J’y reviendrai au cours des débats et présenterai trois amendements de ma collègue Nathalie Goulet, inspirés par son travail de lutte contre la fraude sociale.
Les positions du Gouvernement sur les dispositions fiscales et sociales proposées dans ce texte sont très attendues. J’interviendrai en particulier lors des échanges que nous consacrerons à l’assujettissement des Français de l’étranger à la CSG et à la CRDS, …