Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 19 mai 2020 à 14h30
Français établis hors de france — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean Yves Leconte vous a présenté l’avis de notre groupe sur ce texte dans son ensemble. Je vais pour ma part vous exposer notre position sur les dispositions fiscales que contient cette proposition de loi.

Nous ne sommes évidemment pas dupes : cette initiative prise en mars dernier, avant la crise sanitaire, était d’abord un message envoyé à nos compatriotes établis hors de France, à quelques semaines de la tenue des élections consulaires qui devaient avoir lieu en mai.

Toutefois, force est de constater que certains de ses articles, une fois amendés et précisés en commission, se rapprochent nettement de la position défendue par les élus socialistes. Ces dispositions corrigent en effet un état de fait aujourd’hui clairement défavorable aux Français de l’étranger en matière fiscale. Des modifications apportées en commission permettent par ailleurs de mieux cadrer le texte d’un point de vue technique.

Nous approuvons ainsi le rétablissement des taux de barème progressif antérieurs à la loi de finances pour 2019 ; cela préserverait les Français de l’étranger, notamment ceux dont les revenus sont modestes, d’une hausse brutale de la fiscalité.

Nous sommes également favorables à la possibilité offerte aux Français domiciliés fiscalement à l’étranger de bénéficier de réductions d’impôt aux titres des dons et œuvres. On peut en effet déplorer aujourd’hui une véritable inégalité sur ce point entre nos concitoyens. Une telle mesure permettrait, en outre, de favoriser la générosité, mise à mal par la politique fiscale menée depuis trois ans. Il en est de même du dispositif proposé en matière de crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des logements.

Néanmoins je veux exprimer trois grandes réserves sur ce texte.

En premier lieu, les Français de l’étranger constituent une catégorie très diverse de contribuables ; comme nous l’avons tous rappelé, il faut sortir de l’image d’Épinal qui ne considère que les plus aisés d’entre eux et ne prend pour exemple que les cadres expatriés. L’éventail des situations sociales est très large, et les Français modestes vivant à l’étranger sont nombreux. L’équité doit donc être notre guide.

Voilà pourquoi nous sommes favorables à l’avantage fiscal sur les dons ou le crédit d’impôt pour la transition énergétique, mais opposés à d’autres mesures qui créeraient une inégalité, en particulier à celle qui institue un abattement supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière.

En deuxième lieu, cette proposition de loi est très axée sur la propriété immobilière, au risque d’entrer en contradiction avec d’autres objectifs prioritaires des politiques publiques, notamment l’accès au logement de tous dans les grandes villes françaises. Nous proposons donc d’encadrer de manière beaucoup plus stricte l’exonération de taxe d’habitation majorée pour résidence secondaire.

Nous défendrons aussi des amendements visant à prendre en compte certains sujets, qui nous paraissent bien plus essentiels, mais qui ne figurent pas dans ce texte, comme les frais induits par la scolarité des enfants à l’étranger ou encore la protection sociale de nos compatriotes.

Enfin, comme l’a rappelé M. Retailleau lui-même, nous manquons de données chiffrées pour prendre des décisions suffisamment éclairées. La méconnaissance par l’administration du nombre, des revenus et de la situation fiscale précise des contribuables non résidents limite beaucoup notre vision. En conséquence, le coût global pour les finances publiques de cette proposition de loi reste un mystère, ce qui pose, vous en conviendrez, un vrai problème.

En réalité, ce problème nous renvoie au brouillard dans lequel nous a plongés la réforme de 2019, dont l’application a été reportée, tant ses conséquences sont lourdes et mal maîtrisées par le Gouvernement.

Nous ne pouvons évidemment pas nous contenter de cette situation. Elle crée trop d’inquiétudes pour l’avenir et doit absolument évoluer.

C’est pourquoi le vote des sénateurs socialistes sur ce texte tiendra compte de notre bienveillance pour nombre de ces mesures, comme l’a expliqué Jean-Yves Leconte, mais dépendra aussi de la discussion qui s’ouvre et du sort qui sera réservé à certaines de nos propositions.

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