Les plateformes numériques de travail sont un sujet tout à fait nouveau et, avec cette proposition de loi, nous disons tout net ce dont nous ne voulons pas. Nous n'entendons pas proposer un nouveau modèle pour ces plateformes, qui sont un nouvel hybride d'entreprise et de marché : ne nous trompons pas d'objectif.
Nous ne confondons pas le salariat et le travail indépendant. Les indépendants assurent une activité à leur compte et ils en assument les risques, mais ce n'est pas du tout le cas des travailleurs des plateformes numériques. Ce que nous voulons, ce n'est pas définir un statut nouveau, mais sécuriser des travailleurs - qui sont et seront toujours davantage des travailleuses -, en leur ouvrant le droit du travail et la protection sociale.
J'insiste sur cet angle précis, car ces plateformes posent bien d'autres problèmes passionnants, par exemple celui de l'évasion fiscale - je suis prêt à y travailler également, mais ce n'est pas notre question du jour. Cependant, notre angle précis a bien des implications, je pense en particulier - et je vous invite à penser - au tissu économique existant : une fois que ces travailleurs disposeront des protections qui sont celles du code du travail, les plateformes ne pourront plus organiser une concurrence déloyale avec les entreprises vertueuses et avec les artisans, lesquels ont des comptes à rendre parce qu'ils exercent une responsabilité sociale, définie elle-même par tout un ensemble de règles fixées par le code de commerce et le code du travail. En réalité, le code du travail est prêt à accueillir ces travailleurs nouveaux, la jurisprudence est là, assise sur la législation sociale.
Nous avons construit ce texte pendant deux ans, par des rencontres parfois difficiles sur le terrain - le débat a été vif avec ces travailleurs qui se demandaient ce qu'on leur voulait. Il a fallu trouver un équilibre, prévoir de la souplesse : c'est ce que fait ce texte. Cette proposition de loi laisse ainsi les travailleurs des plateformes parfaitement libres de travailler quand ils le veulent, de faire les heures qu'ils souhaitent, de travailler pour plusieurs plateformes, mais elle leur accorde, quand ils ont fait un certain nombre d'heures, le droit d'avoir des représentants, de discuter de leurs conditions de travail et de leur rémunération, alors qu'ils sont les seuls, actuellement, à ne pas pouvoir le faire.
Enfin, il y a la question de l'algorithme, dont on parle beaucoup. En réalité, l'algorithme n'est qu'une suite d'opérations et d'instructions, c'est un outil qui fait ce qu'on lui demande de faire. Et nous ne faisons que donner aux travailleurs, non pas un contre-pouvoir, mais un droit d'information et de visibilité sur cet outil via le data scientist que nous mettons à leur disposition.
Des outils nouveaux existent, que ma génération n'a pas connus, il faut les démocratiser, c'est notre rôle de parlementaires de proposer une telle avancée.