Intervention de Jean-Marie Mizzon

Réunion du 27 mai 2020 à 15h00
La crise du covid-19 : révélateur de la dimension cruciale du numérique dans notre société. quels enseignements et quelles actions — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Jean-Marie MizzonJean-Marie Mizzon :

L’usage du numérique est devenu vital pour notre économie et notre société : chacun en convient, singulièrement en ces temps de crise sanitaire.

Or la fracture numérique que nous connaissons n’est pas seulement technologique et liée à l’insuffisante couverture du territoire en haut débit ; elle est également culturelle. Rechercher des informations, accéder à ses comptes en ligne, consommer, communiquer mobilise désormais des ressources nouvelles et la maîtrise des outils et langages numériques.

Dès lors, la formation au numérique n’est pas une option, et la lutte contre l’illectronisme doit devenir une grande cause nationale. C’est le constat que la mission d’information sur l’illectronisme, que j’ai l’honneur de présider, a dressé dès le début de ses travaux, en tirant les leçons de cette terrible épidémie qui a désorganisé nos vies et anesthésié notre économie.

Il y a urgence à lutter contre la fracture numérique. L’administration se dématérialise à très grande vitesse. Il y a vingt ans, 4 500 contribuables seulement déclaraient leurs revenus en ligne, contre plus de 20 millions de foyers en 2017.

L’État, toujours à la recherche d’économies, a massivement réduit les points de contact physiques avec l’administration et basculé nombre de procédures vers le numérique. Trop vite, trop fortement, a d’ailleurs estimé le Défenseur des droits, que nous avons entendu lundi et qui avait alerté, dès avril 2018, sur les conséquences d’une dématérialisation trop rapide des services publics. Une minorité significative de la population française ne maîtrisant pas le numérique risque de voir ses droits reculer.

Pour prévenir une telle situation et réussir l’inclusion numérique, tout doit être fait pour embarquer le plus grand nombre.

Il faut d’abord des financements à la hauteur des enjeux, et donc importants. À côté des 20 milliards d’euros du plan France Très haut débit, les financements publics alloués à la résorption de l’illectronisme de 13 millions de Français éloignés du numérique sont-ils à la hauteur ?

Il faut ensuite une mobilisation de tous les acteurs, soutenue par une volonté politique forte, évitant une dispersion et concentrant les énergies. L’inclusion numérique est l’affaire de tous. Dans ce domaine, l’État intervient, comme souvent, de manière sans doute trop dispersée ; la mission d’information devra d’ailleurs se pencher sur ce problème. Les rôles respectifs des opérateurs des réseaux de communication, des associations et, plus encore, des collectivités territoriales, notamment des intercommunalités, agissant chacun dans son champ de compétences, devront être fortement coordonnés. Une coconstruction de stratégies locales est souhaitable pour lutter efficacement contre l’illectronisme.

L’école doit apprendre aux élèves à comprendre la Toile dès le collège. Elle doit construire l’égalité des savoirs numériques, notamment au regard des genres, alors que le numérique exprime trop souvent une suprématie masculine.

Il faut enfin que l’illectronisme soit pris en considération dans toutes les politiques publiques de manière transversale. Pour éduquer nos concitoyens au numérique, l’école doit approfondir les apprentissages des usages du numérique. Pour les salariés, la formation professionnelle devra intégrer cette dimension. Pour mettre en œuvre leurs actions, les administrations doivent prendre en compte la non-maîtrise du numérique.

Déployer des infrastructures, dématérialiser les procédures, enrichir sans cesse les plateformes de e-commerce de nouveaux produits et services : ce monde d’après que nous préparons doit tenir compte de l’illectronisme. Ayons l’ambition collective d’éradiquer celui-ci, afin de ne pas laisser un trop grand nombre de nos concitoyens hors connexion, et donc hors du pacte national et républicain !

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