Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 27 mai 2020 à 15h00
La crise du covid-19 : révélateur de la dimension cruciale du numérique dans notre société. quels enseignements et quelles actions — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

La crise sanitaire a eu un impact majeur et soudain sur la place du numérique dans la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises.

À cet égard, j’admire la réactivité des entreprises, qui, quelle que soit leur taille, se sont adaptées au choc du confinement et à l’arrêt brutal d’activité. Nous avons tous des exemples, dans nos territoires, d’initiatives prises dans les entreprises pour trouver des solutions ingénieuses, adapter leur production, la commercialisation, leurs modes de travail et de management. Production de matériels sanitaires, vente par internet, drive, click and collect, télétravail, visioconférences : la créativité et l’agilité des Français ont trouvé à s’exprimer.

Le Sénat se bat depuis longtemps pour l’accès à la fibre pour tous, et la délégation aux entreprises du Sénat travaille depuis près de dix-huit mois sur la question cruciale de la numérisation des entreprises, en particulier des PME et TPE.

Au travers du rapport de notre collègue Pascale Gruny intitulé « Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ? », adopté en juillet 2019, la délégation aux entreprises du Sénat a montré que, malgré le succès de ses start-up, la France se caractérise par le retard pris par les TPE et PME pour opérer leur transformation numérique : le classement européen DESI place la France au quinzième rang en 2019. Or la crise amplifie le coût de ce retard dans la numérisation.et l’usage de la fibre par les entreprises. Il est donc impératif d’accompagner celles-ci pour combler ce handicap, tant le numérique joue un rôle crucial pour la reprise et la croissance.

À ce titre, je rappellerai quelques-unes des quatorze propositions de notre rapport qui pourraient être utilement mises en œuvre dans le contexte actuel : créer un crédit d’impôt à la formation et à l’équipement numérique pour les artisans et les commerçants de détail ; pérenniser le dispositif de suramortissement pour les investissements de robotisation et de transformation numérique des PME-TPE et permettre l’inscription à l’actif du bilan de l’ensemble des investissements matériels ou immatériels concernés ; donner à l’Arcep les moyens d’agir avec réactivité pour contrôler le respect des engagements pris par les opérateurs de télécommunications et prendre éventuellement des sanctions ; renforcer l’efficacité de l’Autorité de la concurrence en transposant dans les meilleurs délais la directive ECN+ du 11 décembre 2018.

Cependant, nous avons souhaité aller plus loin. C’est pourquoi j’ai proposé à notre collègue Patrick Chaize, président du groupe numérique du Sénat, de mener des travaux conjoints dès l’automne 2019. Ils ont donné lieu à un rapport d’information, adopté en décembre dernier, dont le titre est révélateur : « Accès des PME à la fibre : non-assistance à concurrence en danger ? ».

En effet, au-delà des services de télécommunications, les services numériques et les innovations associées doivent demeurer compétitifs. Pour cela, deux éléments sont essentiels : l’accès au très haut débit et l’accompagnement de l’écosystème numérique. Dans cette perspective, les opérateurs doivent avoir accès au réseau FTTH, afin de pouvoir offrir des conditions économiquement viables pour les PME-TPE en développant une concurrence effective et loyale sur le marché de gros des télécommunications d’entreprise. Or, malgré la volonté des pouvoirs publics, les résultats ne sont pas à la hauteur.

Nous déplorons aussi que les PME soient les victimes de défaillances en matière de complétude.

Ce retard provient largement d’un manque de dynamisme de l’écosystème des services numériques aux entreprises, dû notamment aux restrictions dans le dégroupage des infrastructures fibre pour le marché des télécommunications d’entreprise par rapport au marché résidentiel. La concurrence par ce dégroupage existe en effet seulement dans les zones « réseau d’initiative publique » (RIP), où les entreprises bénéficient d’un meilleur niveau de services, à des conditions tarifaires favorables. Dans les autres parties du territoire, la régulation de la concurrence sur le marché des télécommunications d’entreprise doit être améliorée afin de favoriser une réelle concurrence sur le marché de la fibre à destination des TPE et PME. Ainsi, nous défendons l’« intérêt général numérique », sujet sur lequel nous alertons le Gouvernement depuis près d’un an.

C’est pourquoi nous déposerons dans quelques jours, avec Patrick Chaize, une proposition de loi en ce sens. Elle visera à renforcer la concertation entre les deux autorités de régulation et à conforter la finalisation de l’ouverture à la concurrence du marché des télécommunications d’entreprise par la régulation.

Ce sujet technique recouvre des enjeux stratégiques majeurs pour l’adaptation de nos PME aux défis d’aujourd’hui. Nous n’avons plus d’autre choix que d’agir vite pour soutenir nos entreprises et leurs salariés, où qu’ils soient. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour soutenir notre démarche.

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