Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 27 mai 2020 à 15h00
La crise du covid-19 : révélateur de la dimension cruciale du numérique dans notre société. quels enseignements et quelles actions — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Référent, aux côtés de Patrick Chaize et de Jean-Michel Houllegatte, de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur les questions d’aménagement numérique du territoire en cette période de crise sanitaire, je m’associe aux propos tenus par mes collègues concernant les inégalités territoriales en matière d’accès au numérique.

La crise confirme malheureusement la pertinence des positions défendues par notre commission et notre assemblée depuis tant d’années. « Malheureusement », car on ne peut pas se réjouir d’avoir raison, alors que confinement a rimé avec isolement pour des millions de Français éloignés du travail, de l’éducation, de la santé, faute d’un accès satisfaisant aux infrastructures numériques. J’appelle donc le Gouvernement à prendre acte de ces constats et à placer l’aménagement numérique du territoire en bonne position dans les priorités pour la relance à venir.

Je m’exprime également en tant que corapporteur de la mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique, lancée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable en janvier dernier. Je rappelle que le numérique représente environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ce chiffre pourrait doubler d’ici à 2025. La croissance de l’empreinte environnementale du numérique est extrêmement inquiétante : inquiétante pour notre capacité à respecter les objectifs de l’accord de Paris, inquiétante pour le maintien du caractère d’outil de résilience du numérique dans la perspective des crises futures. Je considère que le numérique ne continuera à être un facteur de continuité des activités essentielles de notre nation qu’à condition d’être plus sobre.

Cela devra être une exigence de la relance. Il ne fait pas de doute que, dans nos territoires, les projets « smart », comme les projets de ville intelligente, vont se développer. Ces projets visent parfois à réduire la consommation énergétique des bâtiments et à diminuer la pollution urbaine en fluidifiant le trafic. Il convient de systématiser les évaluations environnementales préalables à ces opérations de numérisation, en intégrant notamment une analyse du cycle de vie des équipements numériques installés. Pour cela, il faut donner aux acteurs les moyens de quantifier les impacts environnementaux associés à certains usages et à certains équipements. Notre mission d’information préconisera de mettre à disposition du public une base de données afin de permettre aux entreprises et aux administrations d’évaluer les incidences environnementales de leurs programmes de numérisation.

L’information environnementale doit également être disponible pour les consommateurs. À titre d’exemple, nous avons parfois observé, pendant le confinement, un report de la connexion à l’internet vers les réseaux mobiles, pourtant beaucoup plus énergivores et fragiles que les réseaux fixes. Dans certains cas, les réseaux mobiles sont trop largement sollicités via les smartphones, malgré la disponibilité des réseaux fixes. Il existe donc des pratiques non optimales, qui menacent la résilience des réseaux et dégradent le bilan environnemental du numérique. Nous sommes convaincus qu’une meilleure information du consommateur sur l’impact environnemental de sa connexion mobile est nécessaire. Dans certaines zones, en revanche, le report vers les réseaux mobiles démontre l’insuffisant déploiement de la fibre : on se connecte via son smartphone à la 3G ou à la 4G faute de mieux. Atteindre les objectifs du plan France Très haut débit, visant à une généralisation de la fibre dans notre pays, relève donc autant d’une nécessité au regard de l’aménagement numérique du territoire que de la mise en œuvre d’un levier pour réduire l’empreinte environnementale du numérique.

Enfin, je tiens à rappeler qu’un numérique plus sobre, c’est également un numérique plus accessible. À titre d’exemple, une page internet lourde est d’autant plus longue à charger que la qualité de la connexion est limitée : de nombreux concitoyens en ont fait l’expérience pendant le confinement. Nous devons donc aujourd’hui tendre vers une plus grande sobriété des services numériques. Plusieurs pistes sont d’ores et déjà étudiées par la mission d’information. Ainsi, le lancement automatique de vidéos, qui ralentit considérablement le chargement de certaines pages, pourrait être interdit, ou du moins encadré. L’écoconception des sites des administrations ou des grandes entreprises pourrait être rendue obligatoire, un pouvoir de sanction étant confié à l’Arcep.

Voilà quelques premières pistes que notre mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique a explorées. Nous ne manquerons pas, monsieur le ministre, de vous détailler dans les semaines et les mois à venir les résultats de nos travaux. Une chose est certaine : nous avons aujourd’hui l’occasion de bâtir une société numérique plus inclusive, plus durable et plus résiliente face aux crises.

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