Intervention de Noëlle Rauscent

Réunion du 27 mai 2020 à 15h00
La crise du covid-19 : relocalisation des productions stratégiques pour assurer notre souveraineté. lesquelles où comment — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Noëlle RauscentNoëlle Rauscent :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il aura fallu une pandémie sans précédent pour que l’organisation industrielle mondiale soit ouvertement contestée. La crise sanitaire que nous vivons a remis sur le devant de la scène la question de la localisation des processus de production des biens considérés comme stratégiques.

Comme le Président de la République l’a annoncé au début de la crise sanitaire, celle-ci nous enseigne que le caractère stratégique de certains biens et produits nous impose d’instaurer une souveraineté nationale et européenne. Il nous faut produire davantage sur notre sol pour réduire notre dépendance.

La forte demande de masques, de respirateurs ou de certains médicaments nous a conduits à nous interroger sur la localisation de certaines productions que l’on juge devoir absolument faire revenir sur notre territoire, pour des raisons d’indépendance et de souveraineté. L’industrie pharmaceutique s’est plus que jamais révélée être un secteur stratégique pour permettre aux États de protéger leur population en cas de besoin.

Comme nous le savons tous, la mondialisation a engendré une fragmentation croissante des chaînes de valeur à travers le monde, en permettant que chaque élément de ces chaînes soit fabriqué dans le pays où les avantages comparatifs sont les plus importants.

Cette logique a conduit nos pays industrialisés à se concentrer sur la production de biens et services à haute valeur ajoutée, à se spécialiser dans le haut de gamme. Nos coûts de production étant deux fois plus élevés que ceux des pays émergents, les délocalisations ont permis de réduire de 15 % à 20 % le prix du bien industriel consommé en France.

Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles, mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat.

Ainsi, concernant la production de médicaments, la France jouit d’un excédent commercial extérieur de taille envers les pays émergents. Nous continuons de gagner des parts de marchés, alors que nous importons la majeure partie des principes actifs basiques, comme le paracétamol, dont la production ne nécessite pas un niveau élevé de qualification des ingénieurs.

Aujourd’hui plus que jamais, l’opinion publique souhaite un retour massif de la production industrielle sur le sol national. Mes chers collègues, je crains que la crise ne nous amène à imaginer de fausses bonnes mesures. Je ne crois pas à l’idée selon laquelle un certain nombre de productions à faible valeur ajoutée, mais considérées comme stratégiques, devraient être relocalisées. La France n’a pas vocation à relocaliser la production de principes actifs basiques ou de masques. Comment pourrait-on produire à des prix décents des principes actifs à faible valeur ajoutée ? Relocaliser ce type de production n’est pas la bonne stratégie. L’industrie pharmaceutique française doit se concentrer sur les produits biotechnologiques les plus innovants.

Mes chers collègues, le manque de masque durant la crise est lié non pas à notre dépendance à l’égard des pays étrangers, mais plutôt au manque de stocks en France. La France doit non pas relocaliser ses productions industrielles, mais se réindustrialiser. La nuance est de taille ! L’effort de réindustrialisation doit porter sur des biens à haute valeur ajoutée et s’inscrire dans un agenda européen. Nous savons d’ailleurs que la France est en retard pour le développement des industries de demain : je pense à la 5G, aux voitures autonomes, aux batteries, aux énergies renouvelables ou à l’hydrogène. Elle doit donc tout mettre en œuvre pour encourager, développer et inventer nos industries stratégiques de demain.

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