Des aides, beaucoup d’aides, trop d’aides : crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, crédit d’impôt pour la recherche, exonérations de cotisations sociales… tout cela sans contreparties sociales ni environnementales. On a vu le résultat, jusqu’à l’aberration : un groupe tel que Michelin reçoit des dizaines de millions d’euros au titre du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) pour une usine en France, mais s’en sert pour acheter des machines destinées à ses unités de production du sud ou de l’est de l’Europe.
Mais voilà, malheureusement, il y a eu la crise du Covid-19. Outre les milliers de victimes qu’elle a causées, à qui vont nos pensées, cette crise a révélé nos insuffisances. Nous ne savons plus produire certains biens, y compris des biens de première nécessité. Imaginons un seul instant notre réaction si l’on nous avait dit, il y a seulement quelques semaines, que, dans la sixième puissance mondiale, des équipes soignantes seraient réduites à découper des sacs poubelles pour s’en servir en guise de surblouses… Oui, la « start-up nation »a montré son incapacité à protéger les Français !
Alors que des questions se posent à nouveau avec force, nous voulons prendre toute notre place dans ce débat. Nous proposons un autre chemin : il s’agit de s’appuyer sur la relocalisation et la nationalisation de pans entiers des secteurs stratégiques, afin d’amorcer la nécessaire transition écologique et de sécuriser ainsi nos vies et la planète.
Commençons donc par ne pas renouveler les erreurs du passé. Pourquoi, madame la secrétaire d’État, prêter sans contrepartie 7 milliards d’euros à Air France, qui annonce en même temps un plan de restructuration faisant planer une sérieuse menace sur sa filiale Hop ? Trouverons-nous normal de prêter 5 milliards d’euros à Renault sans prise de participation dans cette entreprise, qui laisse planer une menace de fermeture sur quatre usines représentant 3 200 emplois, sans parler des dégâts auxquels cela conduirait dans la sous-traitance ?
Nous proposons donc d’interdire en urgence les licenciements, comme en Espagne, pour éviter un massacre social. Mais, vous nous l’avez dit, vous ne souhaitez pas le faire. Alors, mettons-nous d’accord a minima : il est urgent de revenir sur l’autorisation administrative de licenciement en période de crise, mesure qui n’a jamais créé les centaines de milliers d’emplois annoncés. Il est aussi urgent de revenir sur les décrets Macron de 2017 pour aboutir à une conception plus protectrice des licenciements économiques.
Nous vous proposons ensuite de prolonger d’urgence le dispositif de chômage partiel pour tous les secteurs jusqu’au 31 décembre et de soumettre les aides et les prêts garantis par l’État à des critères sociaux et environnementaux. Les prêts aux grandes entreprises doivent être convertis en montées au capital ou en nationalisations.
Ensuite, à court terme, il faudra renforcer le décret Montebourg et étendre la liste des secteurs stratégiques, par exemple au secteur du médicament ou à celui des banques et des assurances, dont on a vu le rôle dans cette crise.
À l’occasion du renouvellement ministériel qui s’annonce, il faudra nommer un ou une ministre de l’industrie, ayant pour mission de mener une réflexion sur les relocalisations à moyen et long terme. Cela doit s’accompagner d’un changement de paradigme : le prix ne peut plus être le seul critère. Il faut inclure un critère social, lié au niveau de vie, en prenant en compte les services publics, ainsi qu’un critère environnemental. Des outils de régulation – quotas d’importation, barrières douanières et taxe carbone aux frontières européennes – doivent être discutés sereinement entre nous.
La crise sanitaire a mis en évidence la nécessité absolue de produire en France du matériel médical et sanitaire. Alors, agissons dès à présent pour construire le pôle public du médicament et posons la question de la nationalisation de Sanofi, entreprise dont le chiffre d’affaires dépend, en France, à 80 % de la sécurité sociale et qui bénéficie de dizaines de millions d’euros d’aides. Si une crise sanitaire ressurgit, il faut que nous puissions produire de quoi sauver des vies en France et en Europe ; ce sujet ne peut plus être tabou.
En conclusion, deux secteurs nous apparaissent prioritaires : ceux de l’énergie et des transports.
Il faut revenir sur la privatisation d’Engie, annuler le projet Hercule, qui vise à scinder EDF en deux entités, réfléchir à la création d’un pôle public de l’énergie qui garantirait un prix à l’usager et amorcer ainsi la transition écologique.
Enfin, nous sommes heureux que l’on reparle du fret ferroviaire. Il importe de revenir sur le pacte ferroviaire adopté ici même il y a deux ans, de renoncer à vendre Alstom à Siemens pour des raisons financières et de réfléchir à un projet industriel du XXIe siècle en vue de construire le train du futur, un train plus rapide, plus efficace, plus écologique.
Voilà les quelques pistes que nous soumettons au débat : nous allons continuer, avec vous, à construire un véritable plan de relance incluant nationalisations et relocalisations.