Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons fait cruellement apparaître les conséquences de la délocalisation de certaines productions et de la dépendance croissante de l’Europe à l’égard de chaînes de valeur stratégiques cruciales qu’elle ne maîtrise plus.
Les évolutions du secteur du médicament sont à cet égard particulièrement préoccupantes. En effet, 80 % des principes actifs pharmaceutiques utilisés en Europe sont désormais fabriqués hors de l’espace économique européen, une grande partie en Asie, plus particulièrement en Chine et en Inde.
Dès lors, il suffit d’une catastrophe naturelle ou sanitaire, d’un événement géopolitique ou d’un accident industriel pour entraîner des ruptures d’approvisionnement pouvant conduire à priver les patients européens des traitements indispensables.
Incontestablement, la maîtrise de la fabrication des matières premières à usage pharmaceutique apparaît aujourd’hui comme un enjeu stratégique national et européen, tout comme la synthèse des substances actives, voire de certains excipients indispensables à la formulation pharmaceutique.
La stratégie pharmaceutique sur laquelle travaille la Commission européenne s’inscrit dans cette logique de relocalisation en Europe des antibiotiques ou des anticancéreux. Elle devra s’assurer de la disponibilité, du caractère abordable, de la durabilité et de la sécurité de l’approvisionnement en la matière.
La situation de dépendance de notre pays et de nos voisins que la crise sanitaire a mise en lumière n’est pas nouvelle, mais elle s’est accrue au cours des années récentes. Elle est loin, en outre, de ne concerner que le secteur de la santé.
Il est donc urgent de réagir et de s’assurer que l’Europe est en mesure de maîtriser effectivement les chaînes de valeur essentielles, au moment même où l’environnement économique, qui est fragilisé, risque de faciliter des comportements prédateurs à l’égard des entreprises européennes. Le règlement européen sur le filtrage des investissements directs étrangers (IDE) est là pour apporter des réponses.
Pour autant, cela a été dit, il ne s’agit pas de chercher à relocaliser systématiquement en Europe tous les types de productions ; cela irait d’ailleurs à l’encontre de l’un des principes fondateurs de l’Union européenne, à savoir son ouverture au commerce international, cette dernière étant vitale pour son économie.
L’Union européenne – dois-je le rappeler ? – est en effet la première puissance économique et commerciale du monde, devant la Chine et les États-Unis. Elle aurait beaucoup à perdre d’une fermeture des marchés internationaux. En revanche, il convient de souligner les notions de réciprocité de l’ouverture des marchés, de concurrence équitable et de taxation équitable, au travers des productions décarbonées, sur lesquelles nos entreprises font de gros efforts, ce qui n’est pas le cas, loin de là, dans d’autres parties du monde.
La question clé qui est au cœur de notre débat cette après-midi est celle de la détermination des productions stratégiques pour la souveraineté économique européenne.
Avant d’agir, il est en effet essentiel de procéder à une analyse fine des secteurs identifiés comme stratégiques. J’avoue que nous ne pouvons que nous réjouir de la détermination et de l’engagement de notre commissaire européen Thierry Breton, qui, lors de ses différentes auditions par la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, a identifié très exactement quatorze écosystèmes prioritaires ; je ne les listerai pas tous, ils sont essentiels.
Par ailleurs, je souligne que nous sommes à quelques jours d’une décision cruciale du couple franco-allemand et de la Commission concernant une relance européenne, que j’aimerais voir encore plus digitale, résiliente et innovante, mais aussi plus sécurisée, au travers de la lutte contre un risque majeur qui peut poindre demain : nous ne sommes pas à l’abri, tant s’en faut, d’une autre pandémie, de nature informatique cette fois, malgré l’excellence, je dois le souligner, de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous inviter à accélérer, contre l’avis de certains acteurs, le déploiement de la 5G à l’échelon tant national qu’européen, mais aussi à accroître la sécurité de l’ensemble du processus et la cohérence entre les différents États membres sur ce sujet.
Valérie Létard a dit un certain nombre de choses avec beaucoup d’enthousiasme. Pour ma part, je retiendrai un point et un seul : il faut changer le tempo habituel. L’Europe travaille bien en général, mais à son rythme. Il faut aller plus vite, tout simplement parce que le temps économique est beaucoup plus rapide aujourd’hui que le temps politique.