Par ailleurs, vous avez raison, les impôts financent des actions d’aménagement économique, mais les EPCI, notamment, pourraient aussi avoir des leviers et, sans baisser massivement les impôts, faire l’effort d’exonérer les jeunes entreprises les premières années, afin de leur permettre de roder leur modèle.
Aujourd’hui, les entreprises bénéficient d’exonérations durant leurs deux premières années – 100 % la première, 50 % la deuxième. On pourrait imaginer un échelonnement de ces exonérations sur cinq ans. Au fond, ce serait un pari pour une collectivité locale, dans l’attente d’un retour sur investissement cinq ans plus tard, puisque l’entreprise paierait alors ses impôts locaux.
Enfin, les hausses des impôts locaux sont des sujets très sensibles pour les entreprises industrielles, ce que je comprends, car j’ai travaillé dans ce secteur. Il faut veiller à ce que ces hausses ne soient pas plus rapides que la capacité des entreprises à augmenter leur chiffre d’affaires, au risque de créer un effet ciseaux. Nous devons collectivement prendre en compte cet aspect et en discuter avec les collectivités locales.
Madame Rauscent, vous soulignez qu’il ne faut pas se précipiter pour relocaliser des productions à faible valeur ajoutée.
De manière générale, il est vrai que nous sommes moins compétitifs sur les productions à faible valeur ajoutée, compte tenu du coût de nos intrants. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne serait pas intéressant de relocaliser en France certaines d’entre elles, qui sont en fait des éléments importants d’une chaîne de valeur. À cet égard, madame Primas, vous avez évoqué certaines productions, notamment alimentaires. Je partage assez votre avis.
C’est vrai aussi dans le domaine de l’électronique. Je partage d’ailleurs l’analyse du président de la région Nouvelle-Aquitaine. Nous sommes dans un état de dépendance pour certains composants électroniques très simples.
Un patron d’entreprise m’a encore récemment indiqué qu’il avait 117 fournisseurs en France il y a dix ans, contre 11 aujourd’hui. Ces composants, qui permettent de réaliser de très fortes marges quand ils sont fabriqués en Chine, pourraient être produits en France avec de faibles marges, afin de nous permettre d’être indépendants et de bien mieux maîtriser l’ensemble d’une chaîne de valeur.
Je pense également que nous devons relocaliser la production des principes actifs. À cet égard, nous avons accompagné Sanofi en ce sens. Vous avez été plusieurs à évoquer la communication de cette entreprise, qu’elle a du reste rapidement corrigée, ce qui a été utile et important… Au-delà, Sanofi va implanter une filiale de principes actifs en Europe.
Nous avions commencé à travailler sur la réimplantation de principes actifs importants en Europe dès le mois de février dernier. Il n’est pas absurde d’avoir une approche régionale. Tout ne peut pas être relocalisé en France. En revanche, il est important que nous disposions de diverses sources d’approvisionnement, réparties sur l’ensemble de la planète, afin que nous ne soyons pas bloqués pour la fourniture de certains éléments de base en cas de cybercrise, de crise géopolitique, climatique ou sanitaire – désormais, nous connaissons cela – susceptible de bloquer un pays. Une telle approche ne fait pas injure au commerce international.
Je partage également votre intérêt pour la 5G et la voiture autonome, sujets que plusieurs d’entre vous ont évoqués. Dans son programme, le commissaire Breton pointe un certain nombre de technologies clés. Nous l’avons fait aussi dans le cadre du pacte productif. Benoît Potier a lui identifié dix marchés technologiques clés dans lesquels nous devrions accroître nos investissements. Ces éléments nourrissent nos réflexions actuelles et seront pris en compte dans les propositions que nous formulerons dans le cadre du plan de relance.
Monsieur Ravier, vous avez évoqué la désindustrialisation, je n’y reviens pas, car j’en ai parlé.
Je ne pense pas qu’il faille opposer souveraineté française et Europe. Je crois au contraire que l’Europe a bien montré, par des actes forts, qu’elle avait rompu avec une tradition de fort ordolibéralisme, selon laquelle il faut veiller à ce que les interventions ne perturbent pas trop le fonctionnement du marché.
Ces dernières semaines, grâce à notre forte implication, nous avons marqué des points avec le plan d’urgence et avec le plan de relance européen. Nous sommes en train d’avancer. C’est d’autant plus indispensable, certains d’entre vous l’ont souligné, que la Chine et les États-Unis ne restent pas les bras croisés et que leur conception de la libre concurrence et du marché sert surtout leurs propres intérêts ; on ne saurait le leur reprocher, car nous aurons la même attitude.
J’en viens au chômage partiel. Nous travaillons sur une décélération, afin d’inciter à la reprise du travail, l’objectif n’étant surtout pas de briser les compétences, qui sont des éléments essentiels de l’industrie.
La semaine prochaine ou dans les prochains jours, nous annoncerons un plan en faveur du secteur aéronautique. On met dix ans à former un ingénieur aéronautique, mais une journée à le licencier ! L’enjeu est donc de préserver les compétences aéronautiques, afin de permettre à ces professionnels de continuer de travailler sur les projets du futur.
Monsieur Gay, je partage complètement votre intérêt pour les relocalisations, mais je n’établirai pas de lien direct, et vous ne m’en voudrez pas, entre nationalisations et relocalisations.
Je pense que l’on peut relocaliser des productions sans nécessairement les nationaliser, comme nous en avons apporté la preuve ces derniers mois. Sans faire injure aux équipes de l’administration, dont les qualités et les compétences ne sont pas en cause, il vaut mieux parfois qu’un industriel soit aux commandes d’une entreprise, plutôt que l’État, ce dernier ayant une culture plus administrative.
Je veux vous rassurer : les 7 milliards d’euros qui ont été prêtés…