Monsieur le sénateur, tout d’abord, je partage votre regret. Il est vrai que les chemins européens ont divergé sur la question et que, pour des raisons politiques, et non techniques, l’Allemagne a préféré retenir la solution développée par Apple et Google plutôt que la solution française.
Je ne vais pas vous mentir : la possibilité que les solutions décentralisées et centralisées soient interopérables est très limitée. Il sera très compliqué d’avoir une solution interopérable au niveau européen, et je le regrette.
Je le regrette surtout pour le principe, d’ailleurs, parce que, vous en conviendrez avec moi, les frontaliers téléchargeront deux applications différentes lorsqu’ils se déplaceront d’un pays à l’autre. Je pense qu’ils survivront… De même, si vous souhaitez partir en vacances en Espagne, vous téléchargerez l’application espagnole pour être couvert. Simplement, en termes d’image, il est dommage pour la souveraineté numérique de l’Europe qu’un tel choix ait été fait par un certain nombre de nos partenaires.
Je ne pense pas du reste que l’histoire soit totalement écrite. Hier, j’ai signé avec mes collègues allemands, espagnols, italiens et portugais une tribune sur la souveraineté numérique européenne qui était particulièrement agressive, en tout cas pugnace à l’égard d’Apple et de Google.
Nous travaillons à cette deuxième ou troisième voie que j’évoquais avec le président Retailleau pour aboutir à des systèmes interopérables. Nous ferons tout pour trouver une solution européenne.
S’agissant de l’intérêt comparé des deux solutions, ma religion n’est pas faite : ce qu’expliquent l’Anssi et l’Inria, ce que révèle un papier signé par des chercheurs opposés au traçage, qui ne sont donc pas partie prenante, c’est que la solution décentralisée est significativement plus facile à attaquer que la solution centralisée.
Encore faut-il, dans une démocratie, faire confiance à l’État sur le fait qu’il utilisera bien le serveur central pour ce à quoi il doit servir et pas pour autre chose.