Intervention de Hervé Tonnaire

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 mai 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique en outre-mer — Audition de M. Hervé Tonnaire directeur des outre-mer de la banque des territoires du groupe caisse des dépôts et consignationscdc

Hervé Tonnaire, directeur régional Pacifique, Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts (CDC) :

directeur des outre-mer, directeur régional Pacifique, Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts (CDC). - Dès le début de la crise, la Banque des territoires qui regroupe au sein de la Caisse des dépôts les entités, directions et métiers (conseil, investisseur et prêteur notamment) au service des territoires dans une logique d'intérêt général s'est mobilisée dans un souci d'appui immédiat à ses partenaires traditionnels à la fois des opérateurs institutionnels et clients (professions juridiques, organismes de logement social, prêteurs et investisseurs d'intérêt général, collectivités locales et structures de l'économie mixte) mais aussi des acteurs privés partenaires, avec des mesures d'urgence.

Dans cette crise, pour répondre à votre première question, la maison Caisse des dépôts s'est naturellement mobilisée. Des mesures d'urgence ont été prises, pour les données macro-économiques nationales et les chiffres plus précis par territoire ; je vous renvoie à l'annexe du document que je vous ai adressé.

À ce jour, la Banque des territoires (BDT) a mis en place un dispositif de partenariat.

En faveur du service public de la justice, les notaires, les administrateurs judiciaires notamment les officiers publics qui ont une fonction indispensable, impactés par le blocage des transactions immobilières, se sont vus proposer des mesures adaptées à chaque étude. Ainsi, la contribution nationale pour les professionnels du droit est de l'ordre de 600 millions d'euros répartis de la manière suivante : 100 millions au titre des reports d'échéances et 500 millions d'euros au titre de découverts pour frais de trésorerie.

La Banque des territoires est intervenue accessoirement pour fournir 21 milliards d'euros d'appui à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour gérer sa trésorerie.

Les organismes de logement social, autres partenaires traditionnels de la BDT, se voient proposer des mesures d'urgence qui vont du report d'échéances au rééchelonnement de la dette ainsi qu'une mise à disposition anticipée des prêts, comme l'assouplissement conjoncturel dans l'instruction de ces derniers, notamment sur les délais de transmission des garanties des collectivités locales pour tenir compte du fonctionnement actuel des instances délibératives de ces collectivités. À cette fin, ont été dégagés 2 milliards d'euros (chiffres nationaux).

Pour les sociétés d'économie mixte (SEM), on a mis en place des dispositifs d'appui particuliers y compris de conseil. On intervient aussi, et j'y reviendrai après sur les questions concernant les mesures en faveur du tourisme. Nous avons abondé le premier fonds mis en oeuvre par la BPI qui est un partenaire très important, à hauteur de 50 millions d'euros. De même pour l'économie sociale et solidaire qui a bénéficié d'un abondement, nous allons mettre en place de manière très opérationnelle des fonds d'urgence pour les entreprises en complément des dispositifs de l'État et de la BPI. Pour les outre-mer, ils sont en cours de discussion et d'élaboration. Naturellement, CDC Habitat prend l'engagement d'accélérer la production de 40 000 logements sociaux fléchés sur les outre-mer.

Les structures dans lesquelles la BDT est actionnaire, notamment les sociétés privées sont soutenues et l'actionnaire tient son rôle, assume ses responsabilités en recapitalisant ou accordant des comptes courants lorsque c'est nécessaire, ainsi que l'illustre l'intervention en cours pour une entreprise emblématique telle qu'Air Austral. La Caisse des dépôts accepte de remettre 20 millions d'euros en capital en appui avec la région qui offre 10 millions d'euros (de manière symétrique selon son poids dans le partenariat) afin d'aider le plan de restructuration d'Air Austral pour assurer la continuité territoriale au côté de la BPI, du monde bancaire et donc de l'actionnaire public.

De la même façon, pour l'Aéroport de Tahiti, nous avons tenu un conseil d'administration d'urgence et pris un certain nombre de mesures pour que cette structure du tourisme et de l'aérien qui ne peut pas fonctionner normalement puisse être soutenu par son actionnaire Banque des territoires.

Ainsi, des mesures d'urgence de report d'échéances de prêts et d'aménagements de dettes ont été prises en faveur des professions juridiques, des bailleurs sociaux et dans une moindre mesure du secteur hospitalier et des collectivités, plus généralement du secteur public local. Notre analyse se fait naturellement au cas par cas afin d'adapter les besoins. L'idée principale est que nous faisons confiance tout en essayant d'éviter les effets d'opportunité.

Une analyse sur l'impact de la crise sur les outre-mer a été réalisée. En effet, la Banque des territoires a pris l'initiative de mettre en place un groupe de travail hebdomadaire réunissant, sous l'égide du ministère des outre-mer, l'administration (DGOM, direction du Trésor) et les institutions financières publiques (BDT, BPI, AFD et IEOM/IEDOM). Le regard de ces différents acteurs est naturellement bienveillant et part d'un constat simple : les outre-mer sont des territoires ayant des fragilités liées à l'insularité, l'éloignement et l'enclavement.

Le premier constat, bien posé par le sénateur Georges Patient, concerne l'impact très fort de la crise sanitaire sur les collectivités ultramarines qui de par la nature de leurs recettes fiscales c'est-à-dire indirectes et liées au flux (droits de douanes, octroi de mer interne et externe, impôts sur la consommation, taxes sur les carburants...) vont être confrontées à un effet de ciseau bien plus marqué qu'en métropole. Les recettes fiscales sont en attrition alors que la situation demande un besoin supplémentaire d'interventions pour lutter contre la précarité sociale et prendre les mesures sanitaires.

Notre deuxième analyse concerne le secteur du tourisme et des transports aériens. En effet, ce qui est espéré en métropole, à savoir une reprise de l'activité touristique assez rapide et la compensation par une clientèle nationale de la perte des touristes internationaux, ne pourra se produire en outre-mer.

La fermeture prolongée des lignes aériennes - et une reprise qui s'annonce très progressive intégrant une fragilisation par ailleurs de plusieurs acteurs du secteur aérien -, les mesures de « distanciation » sur les vols comme certainement la réticence des voyageurs de prendre l'avion mais également les pertes de pouvoir d'achat d'une partie de la population « cible » des destinations insulaires, vont fragiliser les destinations lointaines notamment si se posent les questions d'aéroports de transits comme dans le Pacifique par exemple. L'impact pour des territoires où la clientèle affinitaire est moindre pour soutenir la rentabilité de lignes aériennes comme certaines îles des Antilles ou la Polynésie sera majeur. Il faudra trouver un ensemble d'outils et mobiliser tous les acteurs (État, collectivités, professionnels, institutions bancaires et financières comme la BDT et la BPI) pour « reconstruire » une offre de tourisme, en outre certainement plus « durable ».

Troisième élément, nous avons l'impression très forte d'une double peine. Nous avons des territoires fragilisés dans lesquels il y a déjà de la précarité sociale et avec cette crise, il y aura un renforcement des inégalités. Cela nécessite des réflexions de l'ensemble des parties prenantes pour éviter une dégradation substantielle.

En résumé, des collectivités fragilisées, un secteur du tourisme qui est majeur mais fortement déstabilisé, et des sociétés déjà fragiles qui vont avoir encore plus de précarité.

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