Madame la ministre, à l'occasion de cette semaine de déconfinement au plan national, la délégation sénatoriale aux outre-mer a souhaité vous entendre, afin de réaliser un point d'étape sur la situation créée par la crise du Covid-19 dans les territoires ultramarins.
Compte tenu des problématiques spécifiques aux outre-mer et du risque que les mesures annoncées ne soient pas suffisamment adaptées aux particularités de chacun de nos territoires, notre délégation a confié à trois de ses membres, M. Stéphane Artano, Mme Viviane Artigalas et Mme Nassimah Dindar, le soin de conduire une étude approfondie sur l'urgence économique dans les outre-mer.
Depuis deux mois, nous avons ainsi mené une série d'auditions auprès des acteurs publics et privés impliqués dans la relance de nos territoires après la phase d'urgence sanitaire, qui, exceptée à Mayotte, semble maîtrisée à ce jour. Outre la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) et l'Association des chambres de commerce et d'industrie des outre-mer, nous avons entendu l'Agence française de développement (AFD), la Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Bpifrance. La présente audition s'inscrit dans cette démarche.
Il est important que nous puissions avoir une idée très précise des mesures qui ont été déployées dans chaque territoire, afin que l'accompagnement de l'État, qui est indispensable, soit le plus pertinent possible, compte tenu de la gravité et de l'ampleur du tsunami économique que nous sommes en train de subir. Plus que jamais, la démarche de différenciation, que je défends depuis toujours, doit s'appliquer dans nos outre-mer. À défaut, ces derniers seront privés du redémarrage auquel leurs populations aspirent et des perspectives de résilience que notre étude s'attache à proposer.
De nos premières auditions, nous retenons, à ce stade, deux sources de préoccupation majeures. Certes, les mesures nationales d'urgence économique s'appliquent, en principe, aux outre-mer, mais les spécificités de leur tissu économique induisent souvent un effet d'éviction pour une large partie de leurs entreprises. La forte proportion de très petites entreprises et d'entreprises unipersonnelles, la frilosité traditionnelle du système bancaire, le nombre d'entreprises qui sont déjà en grande difficulté et certaines différences statutaires, entre autres, tendent, en pratique, à exclure des pans entiers d'activités du bénéfice des mesures de solidarité nationale.
Conscientes de cet immense défi, les collectivités concernées se retrouvent, dans le même temps, privées de leurs leviers d'action habituels. En effet, les finances locales vont subir inéluctablement un effet de ciseaux, avec la chute brutale des recettes fiscales, à travers la baisse inévitable des droits de douane, des taxes sur les carburants, des droits de mutation et, pour les DROM, du produit de l'octroi de mer. Notre collège Georges Patient vous a alertée sur cette question cruciale - il a chiffré à 200 millions d'euros, pour 2020, les pertes fiscales pour les collectivités. Parallèlement, les dépenses d'intervention pour répondre aux besoins essentiels des populations vont s'accroître, sans que l'on puisse encore mesurer leur trajectoire.
Tous ces éléments nous conduisent à envisager l'avenir avec une certaine inquiétude, mais également avec la forte détermination qui caractérise les populations ultramarines. Nous allons transmettre très rapidement au Premier ministre et à vous-même, madame la ministre, notre diagnostic et nos premières propositions pour cette phase de déconfinement. Ces dernières s'articulent autour de deux grandes orientations : la nécessité d'adapter les dispositifs nationaux à la diversité ultramarine et l'accompagnement des collectivités dans leurs politiques de soutien au tissu économique local.
Nous organiserons, au cours des prochaines semaines, des auditions beaucoup plus thématiques, pour examiner la situation des différents secteurs d'activités.
Nous sommes tous des élus de terrain, attachés à nos territoires, où nous sommes, pour la plupart, confinés en raison de la situation des transports aériens et des mesures de quatorzaine. Nous organiserons d'ailleurs, la semaine prochaine, une table ronde sur le sujet du transport aérien.
Comme vous le savez, nous sommes particulièrement inquiets pour des secteurs vitaux qui sont aujourd'hui à l'arrêt, comme le tourisme. Ce matin, le Premier ministre a annoncé un plan pour le tourisme, doté de 18 milliards d'euros. Il a annoncé que les Français pourraient partir en vacances cet été en métropole et dans les outre-mer, ce qui constitue une belle ouverture pour nos territoires. Cependant, le territoire dont je suis sénateur vit aussi en grande partie du tourisme international... Or les frontières ne rouvriront pas tout de suite.
Le Premier ministre a déclaré que ce plan avait été établi en co-construction avec les professionnels de la filière. Madame la ministre, vous nous présenterez les dispositions spécifiques qui ont été décidées pour le tourisme dans les outre-mer, où ce secteur représente, en moyenne, 10 % du PIB et où il constitue sans doute l'une des clés de la reprise.
Je vais céder la parole aux trois rapporteurs. Je la passerai ensuite, si vous en êtes d'accord, à Thani Mohamed Soilihi, qui souhaite évoquer les difficultés que rencontre Mayotte.