Juste un dernier point avant la clôture de cette réunion. J'ai suivi de manière attentive les travaux de la commission des finances et les travaux en séance publique au Sénat. Une distinction claire a été faite entre les mesures d'urgence qui sont dans le PLFR et les mesures de relance qui interviendront plus tard. Cette loi de finances rectificative n'est pas fiscale, c'est la raison pour laquelle plusieurs mesures ont été d'office écartées.
Le Rapporteur général a estimé que les 2 milliards d'augmentation du fonds de solidarité étaient suffisants pour permettre de répondre à un certain nombre de besoins. Mais il faut penser à l'après-confinement.
Un amendement du Rapporteur général, qui a été adopté, pourrait en effet intéresser directement les outre-mer. Les entreprises étant en restructuration ou en redressement pourront bénéficier du fonds de solidarité. Pour celles qui ne sont ni en redressement ni en restructuration et qui font l'objet de refus par leur banque, un fonds subsidiaire a été créé, un peu à l'image de ce qui existe en Italie et en Allemagne.
En effet, Monsieur le président, certaines mesures relèvent du domaine règlementaire. C'est le cas de l'obligation d'avoir au minimum un salarié pour l'accès au deuxième volet régional du fonds de solidarité. Or, dans les outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe, près de 80 % des entreprises ont zéro salarié. Il faudra donc une harmonisation. Le Gouvernement a apparemment pris des engagements sur ce sujet et devrait supprimer les différences de traitement entre le premier volet (dont les entreprises sans salarié peuvent bénéficier) et le deuxième volet (dont les entreprises sans salarié ne peuvent pas bénéficier).
Mon deuxième sujet d'inquiétude concerne le régime social des indépendants (RSI). J'attire l'attention de la présidente du réseau des CCI outre-mer sur ce sujet. Nous avons beaucoup d'indépendants en Guadeloupe et c'est aussi le cas, plus largement, dans les outre-mer. Le RSI pose de nombreux problèmes. Certaines personnes, notamment les gérants qui ne sont pas à jour des cotisations, ne peuvent plus utiliser leur carte vitale. Il y a là - et c'est bien le mot - une urgence vitale.
J'ai personnellement demandé à reprendre ce qui avait été fait par la loi LOOM du 13 décembre 2000. Il faut permettre à celles et à ceux qui ne sont pas à jour de leurs cotisations qu'il y ait une période de report de six mois. Il faudrait qu'il y ait une période de négociation pour un moratoire. Même non obligatoires, il faut des annulations partielles ou totales allant jusqu'à 50 % des dettes sociales.
J'avais également demandé une harmonisation des dispositifs de défiscalisation en faveur de la rénovation et reconstruction hôtelière. Cela a été rejeté par le Rapporteur général et par le ministre hier soir, au prétexte qu'il s'agirait de mesures de relance.
J'aimerais également attirer l'attention sur le coût du fret. Je ne veux stigmatiser aucune compagnie. Mais French bee et Air Caraïbes ont commencé une opération de publicité pour inciter à réserver en ligne des billets d'avion à partir du 12 juin. Elles poussent à la réservation alors même que nous ne savons pas si la reprise des vols réguliers pourra se faire à cette date. Les clients risquent de perdre de l'argent.
Une pression est faite par l'IATA (Association internationale du transport aérien) et par la Fédération du transport aérien pour modifier la loi. Que dit la loi ? Lorsqu'un vol est annulé ou reporté, le montant doit être remboursé en numéraire. Les compagnies proposent de modifier cette disposition et de faire un remboursement en avoir sur 12 mois, 18 mois pour certaines. Et lorsque vous décidez de faire ce voyage, on vous dira ce n'était pas tout à fait le même vol et qu'il faudra rajouter 100, 200 ou 300 euros de plus. C'est de l'arnaque ! J'ai fait hier un post et un tweet pour dénoncer cela. Il ne faut pas laisser payer par les consommateurs le coût du redressement.
J'ai également demandé, dans le compte d'affectations spéciales de la participation financière de l'État que nous fassions tout pour sauver nos compagnies aériennes. Mais en même temps nous ne pouvons pas sauver Air France, Air Caraïbes, Air Tahiti, Air Austral, Air Antilles Express, French bee et toutes les autres compagnies sans leur demander une modération sur les coûts des billets d'avion. On sait qu'au-delà de 400 euros le point mort est atteint. Il y a une belle marge bénéficiaire. On ne peut pas sauver des entreprises en faisant uniquement payer les consommateurs. D'autant plus que le coût du carburant est très faible. Air France ne se gêne pas pour passer de 2,5 euros pour le kilo du fret à 4,5 voire 4,8 aujourd'hui. Air Caraïbes est à 5 euros le kilo. Tout cela n'est pas normal.
L'État a aujourd'hui les moyens par décret en Conseil d'État après avis de l'Autorité de la concurrence de bloquer les prix, de les encadrer et de mettre des prix plafonds. Dans les grandes surfaces en Guadeloupe, il y a aucune opération de promotion pour baisser les prix. Le bouclier qualité-prix est un outil utile mais il n'est pas suffisant. L'État doit réglementer les prix et faciliter l'essentiel.
Enfin comme à Mayotte, nous avons un problème d'eau. Entre élus guadeloupéens, nous allons finir par nous entendre. Mais l'État ne peut plus se cacher derrière les collectivités. Nos élus paieront s'ils ont commis des fautes, y compris, s'il le faut, au pénal. Le besoin de financement total est de l'ordre de 800 à 900 millions pour 10 à 15 ans de travaux.
À Mayotte, on ne peut pas lutter contre le Covid-19 lorsque l'on sait que près de la moitié de la population n'est pas raccordée aux réseaux d'eau potable. En Guadeloupe, sur 32 communes, cinq à sept communes n'ont pas, par endroit, d'accès à l'eau. Comment faire les gestes barrières lorsque vous n'avez pas accès à l'eau ? Il y a un problème de mise à niveau des investissements pluriannuels. Avec l'État, il faut une confiance retrouvée dans les mesures qui devront être prises.