Intervention de Jean-Luc Fugit

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 14 mai 2020 : 1ère réunion
Veille sur l'épidémie de covid-19 : point de situation et examen d'une note sur pollution de l'air et covid-19

Jean-Luc Fugit, député :

Monsieur le président, Monsieur le premier vice-président, mes chers collègues, il y a deux semaines, vous m'avez confié le soin d'évaluer les interactions entre la pollution de l'air, les gaz à effet de serre et la crise sanitaire liée au Covid-19. Je vais vous présenter une photographie de l'état des connaissances sur ces interactions, dans le but de fournir des éléments d'information fiables à la représentation nationale et, au-delà, au grand public. En fin de note est présentée la liste exhaustive des personnes et organismes entendus.

Compte tenu de l'ampleur du sujet, nous avons fait le choix d'une présentation en deux parties, consacrées d'une part à l'impact du confinement sur la pollution de l'air et les gaz à effet de serre, d'autre part à la pollution de l'air en tant que facteur aggravant de l'épidémie de Covid-19.

La pollution de l'air est suivie par l'intermédiaire de plusieurs polluants que sont les oxydes d'azote et les particules fines ainsi que le monoxyde de carbone (CO) et l'ammoniaque (NH3). Nous ne parlerons pas nécessairement d'ozone, car le printemps n'est pas une saison suffisamment chaude pour s'y prêter, en dépit de températures plutôt élevées en avril. L'objectif est également d'observer les gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), qui ont un impact climatique avéré mais pas d'impact sanitaire. Je pourrai vous apporter des précisions sur ces sujets si vous le souhaitez, puisque je suis aussi président du Conseil national de l'air.

Le confinement a débuté, en France, le 17 mars à 12 heures. Il a créé une situation inédite et a eu des effets quantifiables sur les activités anthropiques les plus polluantes. D'après les premières estimations, le trafic routier a diminué de 60 à 80 %, en fonction du moment de la journée, et le trafic aérien de 90 %, alors que le chauffage a été utilisé à 15-20 % de plus que la moyenne avant le confinement, en raison d'une deuxième quinzaine du mois de mars relativement fraîche, avec des gelées matinales dans certaines régions. Le confinement a donc renforcé l'utilisation du chauffage individuel. Cette situation générale a eu une incidence sur la qualité de l'air, à différentes échelles, dans le monde, en Europe ou en France.

Pour suivre les indicateurs de pollution, des moyens complémentaires sont utilisés : mesures satellitaires, modélisation (par des organismes tels que l'Ineris en France), ou mesures au sol. Ces moyens ont permis de caractériser les effets de la baisse du trafic sur les gaz à effet de serre d'une part, et les polluants d'origine multiple d'autre part. Les particules fines, par exemple, ont des origines diverses : les transports, mais également l'industrie, le secteur résidentiel et les activités agricoles.

En ce qui concerne les gaz à effet de serre, la dynamique observée du fait des deux mois de confinement provient essentiellement de travaux de modélisation. Nous rencontrons des difficultés à évaluer les concentrations car il faut différencier les effets liés à l'activité anthropique du CO2 présent de manière naturelle. De plus, les flux de CO2 peuvent varier au cours de l'année, en fonction notamment de l'activité photosynthétique de la végétation. Les résultats doivent donc être contextualisés, mais il apparaît que la baisse moyenne estimée des émissions de CO2 s'élève à 5 % en Europe et 7 % pour la France. Il faut apprécier cette estimation à l'aune des limitations drastiques d'activité associées au confinement et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre auxquels la France a souscrit. Nous observons donc une baisse de 5 à 7 % dans une période marquée par une forte réduction de l'activité, alors même que le respect de l'Accord de Paris supposerait, pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, de réduire les émissions de CO2 en France de 3 % par an d'ici 2025.

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