Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 mai 2020 à 10h00
Économie finances et fiscalité — Arrêt du tribunal constitutionnel fédéral allemand sur le programme de rachat de dettes publiques de la banque centrale européenne - communication de mm. claude kern et didier marie

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Il faudra que nous ayons rapidement un débat sur la politique de la BCE, si possible avec nos collègues du Bundestag.

Cette question me fait penser à la réflexion qui nous a été confiée, à Philippe Bonnecarrère et moi, sur l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Depuis le traité de Lisbonne, les négociations sont bloquées car la Cour de justice de l'Union européenne est très soucieuse de préserver sa compétence exclusive sur l'interprétation du droit européen. Autre question liée : comment se fera le règlement des différends avec le Royaume-Uni si ce dernier n'accepte pas la prééminence de la CJUE ? Ce n'est donc pas une question isolée ; il faut apprendre à vivre avec.

La solution est dans les mains de la Bundesbank, qui doit expliquer à la Cour de Karlsruhe la politique de la BCE. C'est son rôle qui est en jeu : doit-elle seulement représenter l'Allemagne à la BCE ou doit-elle aussi expliquer la politique de celle-ci aux Allemands ?

Dans le passé, on a pu noter deux constantes dans les décisions de la Cour de Karlsruhe : la préoccupation pour les droits fondamentaux et la volonté de conjuguer la démocratie dans l'espace allemand et dans l'Union européenne. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à renforcer le rôle des parlements nationaux - ce qui est à saluer. Concernant les droits fondamentaux, le Conseil d'État a affirmé lui aussi dans un avis récent que, si la notion de « pays tiers sûr » venait à prospérer en droit européen, cela pourrait être incompatible avec nos principes constitutionnels.

Cette situation n'est donc pas unique : il faut vivre avec. L'acceptation de l'Union européenne par les peuples passe non pas par une opposition, mais par un dialogue constructif entre juridictions européenne et nationales. Même si c'est inquiétant pour la politique monétaire en réponse à la crise, il ne faut pas trop dramatiser. Cela ne devrait pas créer de jurisprudence sur l'État de droit en Pologne et en Hongrie. C'est bien plus nos indignations que la décision de la Cour qui pourraient encourager d'autres cours nationales à se dresser contre le droit de l'Union européenne.

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