Je fais mien le propos de Jean-Yves Leconte : il faut dédramatiser cette question. Ce n'est pas la première fois que la Cour de Karlsruhe nous fait une montée d'adrénaline ! Il en avait été de même lors des négociations avec la Grèce après la crise financière, mais elle était ensuite rentrée dans le rang. Elle est dans son rôle. Il y a un tropisme allemand. Le 3 juin 1948, la Trizone est créée, regroupant la bizone anglo-américaine et la zone d'occupation française ; le 20 juin, c'est la naissance du Deutsche Mark. C'est cette monnaie qui incarne la république fédérale d'Allemagne. D'ailleurs, le 24 juin 1948, commence le blocus soviétique de Berlin Ouest. La monnaie est donc un élément fédérateur central, qui vient avant la loi fondamentale en 1949 et le tribunal constitutionnel, qui naît en septembre 1951. Celui-ci se préoccupe beaucoup de questions économiques et monétaires - peut-être à outrance.
Depuis 1949, sur la soixantaine de révisions de la loi fondamentale allemande, aucune ne pose la prééminence du droit européen sur le droit national, contrairement à ce qui s'est passé en France et dans d'autres pays. Comme s'il y avait un blocage... Les juges de Karlsruhe ont un rôle important dans la validité juridique des textes nationaux, mais ils peuvent être considérés comme les chiens qui aboient tandis que passe la caravane européenne... Ils ne représentent pas l'approche majoritaire dans le pays sur ces questions.
Il ne faut pas stigmatiser cette décision, symptomatique d'une situation qui risque de durer tant qu'il n'y aura pas de révision de la loi fondamentale : d'autres pays pourraient être incités à remettre en question la suprématie des décisions de la CJUE sur celles des cours suprêmes des États membres.