Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 mai 2020 à 10h00
Agriculture et pêche — Renforcement des mesures exceptionnelles de la pac pour faire face aux conséquences de la pandémie de covid-19 - examen de la proposition de résolution européenne de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président, rapporteur :

Dans cette proposition, nous formalisons un débat que nous avons déjà eu, sur la crise agricole et la nécessité de renforcer la PAC face aux conséquences de la crise sanitaire.

La proposition de résolution européenne que je vous soumets reprend l'avis politique que nous avons adopté le 30 avril dernier : elle rassemble 27 demandes et recommandations visant, en particulier, à remettre à plat le projet de réforme de la PAC pour la période 2021-2027 ; à consacrer la souveraineté alimentaire de l'Union européenne comme une priorité dans la stratégie de « nouvelle donne verte » - le Green Deal - actuellement en cours d'élaboration ; à prendre en compte la faiblesse structurelle des agriculteurs face aux industriels transformateurs et à la distribution ; et à affirmer que les objectifs de la PAC doivent prévaloir sur ceux de la politique de la concurrence, laquelle défend les seuls intérêts des consommateurs, un combat que nous menons depuis sept ans dans cette commission. C'est une oeuvre de longue haleine, qui progresse, voyez le projet de règlement Omnibus, défendu par nos collègues eurodéputés Michel Dantin puis Anne Sander, ou encore les inflexions récentes dans les positions de la commissaire Margrethe Vestager.

Le 30 avril dernier, nous avons ajouté deux points : le premier consacré aux négociations commerciales, après que la Commission européenne eut annoncé un accord avec le Mexique - cela ne venait pas au meilleur moment pour nos producteurs ; le second, aux demandes de secours à la viticulture et aux biocarburants - le Gouvernement n'a malheureusement pas tenu complètement compte de nos alertes dans le collectif budgétaire.

J'ajoute que Pascale Gruny propose aujourd'hui, à l'alinéa 35 relatif au développement des moyens d'action des organisations de producteurs, de mentionner également la filière lait et produits laitiers, aux côtés de celle de la viande bovine, car elles sont l'une et l'autre « confrontées à des faiblesses structurelles persistantes entraînant un niveau beaucoup trop faible de revenus pour les producteurs ». Dans notre texte initial, nous n'avions pas inséré la filière lait et produits laitiers, car elle avait pour partie fait sa mutation après la crise laitière de 2015. Cependant, les associations d'organisations de producteurs étant autorisées à se regrouper jusqu'au tiers de la production nationale, il reste encore de la marge pour l'évolution de cette filière.

J'en viens au plan d'aide décidé par la Commission européenne pour faire face à la crise agricole. Nous savions déjà que son volume global, de 90 millions d'euros, serait globalement insuffisant : il nous a déçus, ma collègue présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et moi-même l'avons dit.

Le détail confirme, hélas, cette analyse. La Commission a en réalité « raclé les fonds de tiroirs », plutôt que de saisir le fonds de crise de 478 millions d'euros - c'est que, pris sur le premier pilier, ce fonds exige l'accord des autres États, la Pologne et l'Allemagne y étant opposés. La majeure partie des 90 millions d'euros ira à des mesures d'aide au stockage privé : 36 000 tonnes de viande ovine et caprine, grâce à une enveloppe de 20 millions d'euros ; 25 000 tonnes de viande de boeuf, pour 26 millions d'euros ; 90 000 tonnes de poudre de lait, pour 6 millions d'euros ; 14 millions d'euros prévus pour le stockage de 140 000 tonnes de beurre et 10 millions d'euros pour celui de 100 000 tonnes de fromage.

Ces montants sont indicatifs, mais nous constatons d'emblée que le compte n'y est pas, face à une crise économique d'ampleur inégalée depuis 1945. Vous comprendrez pourquoi nous sommes déterminés à revisiter le traité de l'Union pour inverser le rapport entre politique agricole et politique de concurrence, de façon à obtenir un meilleur partage de la valeur ajoutée, au service de l'agriculture et des agriculteurs.

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