La CNIL a rendu un second avis hier et le Conseil d'État a travaillé sur le projet de décret que nous préparons à la demande de la CNIL afin d'encadrer le déploiement de « StopCovid ». Nous espérons avoir la réponse du Conseil d'État avant le débat organisé dans les assemblées, ce serait un élément de réassurance en faveur du dispositif.
Ce qui a changé depuis ma précédente audition, c'est tout d'abord que l'application fonctionne, et c'est le plus important. Nous sommes arrivés au terme de son développement. Nous l'avons testée un peu moins de 15 jours par banc d'essais sur les 100 modèles de téléphones portables de 17 marques différentes, qui sont les plus courants chez les Français, en conditions réelles sur le site de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) et dans le métro grâce à la participation de membres de l'armée de terre. Nous avons reproduit les conditions d'un rassemblement en intérieur, en extérieur, d'un supermarché, et d'un trajet dans le métro avec différents taux de charge des rames. L'application fonctionne, ce qui est conforme aux tests menés par les anglais sur l'île de Wight sur 140 000 personnes, ou par les allemands. Il s'agit par cette application de détecter les cas contact d'une personne croisés à moins d'un mètre pendant plus de 15 minutes. Ces critères pourraient prochainement faire consensus au plan européen.
Nous avons été rassurés par le fonctionnement de l'application afin de traiter par son intermédiaire un cas contact de la même manière que s'il était détecté dans la « vie réelle » par les brigades d'enquêteurs sanitaires. Lorsqu'une personne recevra de l'application une notification, elle devra contacter un médecin afin de se faire prescrire un arrêt de travail et un test. Si le test s'avère positif, un code et un QR code seront fournis avec les résultats à la personne qui pourra les entrer dans l'application. Cela lui permettra de se déclarer positif et d'alerter ses cas contact. Ce qui a également changé c'est le désalignement au niveau européen : nous sommes proches de la solution adoptée par la Grande-Bretagne, mais pas de celle des italiens ou allemands. Nous travaillons toutefois à une interopérabilité. Une troisième voie pourrait s'ouvrir avec la mise en place début juillet d'un protocole commun et interopérable.
Ce qui n'a pas changé depuis ma précédente audition, c'est notre estimation de l'utilité de l'application. Il existe un consensus médical en faveur de son utilisation : l'académie de médecine, l'ordre des médecins, le conseil de scientifiques, les principaux épidémiologistes français, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) y sont favorables. L'application est complémentaire des brigades sanitaires : elle détecte des cas de transmission anonymes dans les lieux publics - au supermarché, dans les transports, et bientôt dans les cafés et restaurants -, qui constituent la majorité des cas de transmission. Plus de la moitié des transmissions proviennent de personnes au stade de l'incubation ou asymptomatiques. L'application est en outre très rapide : alors qu'il faut environ 24 heures aux brigades sanitaires pour joindre les personnes qui ont été en contact avec une personne testée positive, l'application informe instantanément, ce qui a un impact majeur dans la lutte contre la propagation de la maladie.
Les garanties apportées à « Stopcovid » restent aussi les mêmes dans la mesure où l'application demeure basée sur le volontariat, est anonyme et temporaire. Elle prendra fin six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Elle est également transparente dans la mesure où nous avons publié son code source. Le Comité de contrôle et de liaison covd-19 institué par l'article 11 de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, et constitué notamment de deux députés et deux sénateurs, pourra diligenter tous les audits techniques qu'il jugera utiles. Ce contrôle démocratique constitue la meilleure des garanties. Nous avons aussi demandé à des hackers d'attaquer l'application afin de détecter d'éventuelles failles, ce qui apporte une garantie supplémentaire en nous permettant de les réparer. Tout est fait pour sécuriser les données des français.
Après le vote des assemblées, si nous pouvons déployer l'application, celle-ci fera probablement partie de la deuxième phase du plan de déconfinement qui se mettra en place à partir de mardi 2 juin. Dans cette phase, il sera fait une plus grande place à la vie sociale, ce qui entraîne des risques de contamination alors que nous avons actuellement 300 à 400 personnes testées positives chaque jour. Le risque est encore là.