Intervention de Cédric O

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mai 2020 à 8h30
Audition de m. cédric o secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics chargé du numérique

Cédric O, secrétaire d'État :

En ce qui concerne le coût de l'application, la participation des organisations publiques et privées à la phase de développement est effectivement gratuite, ce qui nous a permis de mettre au point « StopCovid » pour quelques milliers d'euros par mois. Je remercie d'ailleurs tous les grands groupes et les start-ups, notamment l'entreprise Lunabee Studio, qui ont contribué au développement de l'application. À partir de maintenant, les entreprises qui s'impliquent dans ce projet seront rémunérées. Mais si l'application nous permet de ne pas avoir à déployer certains lits de réanimation supplémentaires, alors son coût financier restera comparativement bien modeste.

Je ne suis pas en mesure de vous indiquer le coût de la campagne de communication autour du dispositif, mais vous ferai parvenir cette information rapidement.

Je ne qualifierais pas les expériences étrangères d'échecs car, à Singapour par exemple, l'application a fait ses preuves. Il est vrai que le Gouvernement a été contraint de confiner à nouveau la population, mais cela est dû principalement à l'absence de protection des très nombreux travailleurs immigrés sur lesquels repose cette économie, pas au manque d'efficacité de l'application. Au contraire, mon homologue m'a confirmé que l'application permettait de retrouver plus rapidement les cas contacts que par le biais des brigades sanitaires. À l'heure actuelle, il est très difficile de comparer notre application à celles déjà déployées car il ne s'agit pas de dispositifs comparables. Les initiatives étrangères similaires sont en cours de développement.

Sur le choix du Gouvernement de recourir à un débat avec vote sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, je crois qu'on inverse la logique. Contrairement à ce que vous affirmez, Messieurs Kerrouche et Kanner, le Parlement n'a pas été négligé. L'application « StopCovid » peut être déployée dans le respect des lois actuelles, sans les modifier, ce que la CNIL confirme : le recours à la voie législative ne se justifiait donc pas, et le Gouvernement aurait pu s'affranchir de la contrainte politique du vote du Parlement. Au contraire, l'organisation du débat devant les deux assemblées est un geste démocratique. La décision finale du déploiement reviendra au Président de la République et au Premier ministre, mais j'ai déjà indiqué qu'en cas de vote négatif à l'Assemblée nationale et au Sénat, l'application ne serait pas mise en oeuvre.

Je vous confirme, Monsieur Durain, que l'application reposera sur du volontariat pur. Il n'y aura aucune conditionnalité ou aucune manière détournée d'obtenir un accord non sincère. D'ailleurs, toute personne ou tout employeur qui contraindrait un tiers à la télécharger serait passible de poursuites pénales. Nous souhaitons donc nous inscrire dans la lignée de la philosophie qui nous anime depuis le début : faire confiance aux Français pour respecter les gestes barrières, pour respecter une forme de confinement même s'il n'est plus contraint et pour largement télécharger cette application dont les scientifiques nous disent qu'elle est utile.

Mme de la Gontrie a abordé la question des limites inhérentes à la technologie bluetooth. Toute la problématique, à ce sujet, a tourné autour du calibrage, c'est-à-dire de la capacité technique, à partir du Received Signal Strength Indication (RSSI), donc de la puissance du signal bluetooth, à localiser précisément l'utilisateur de l'application pour que la distance d'un mètre entre deux personnes soit clairement détectée. C'est le cas dans 80 % des situations. Je pense que vous concéderez que l'on se trouve rarement pendant plus de 15 minutes consécutives à moins d'un mètre de son voisin à travers la cloison de murs mitoyens, donc lorsque l'application vous enverra une alerte, ce sera sans doute pour une bonne raison, à moins de dormir près du mur avec son téléphone près de soi des deux côtés de la cloison.

Bien sûr, malgré le fait que nous ayons bien calibré l'application dans 80 % des cas, il peut avoir des cas de « faux positifs » : vous étiez par exemple à deux mètres d'une personne positive, et non pas à un mètre, et vous recevez par erreur une alerte. Mais c'est un risque que je veux prendre. Je préfère avoir quelques cas de « faux positifs » et que la détection des vrais malades fonctionne globalement bien, plutôt que risquer de limiter ces « faux positifs » et de passer à côté de certaines détections de gens malades. Il me semble, mais c'est à vérifier, que l'OMS nous dit que dans le cas des brigades sanitaires, il ne faut pas avoir plus de 10 % des personnes identifiées qui sont réellement positives, faute de quoi cela signifie que les brigades sanitaires ne « tapent pas assez large ». Je préfère donc un taux de « vrais positifs » bas avec une détection sanitaire haute, plutôt que l'inverse.

Sur la publication du code source, j'ai pris connaissance des débats qui ont eu lieu il y a quelques jours. Je peux vous certifier que tout ce qui a besoin d'être publié, c'est-à-dire tout ce qui sert à vérifier que l'application fait bien ce pour quoi elle a été créée, l'a été. Je suis formel sur ce point.

S'agissant de la durée de conservation, il y a deux éléments. Premièrement, la conservation des données ne dépassera pas 14 jours à compter de la remontée vers les serveurs. Vous enregistrez sur 14 jours glissants les personnes croisées qui ont téléchargé l'application sur votre téléphone. Le jour où vous vous déclarez positif, l'ensemble de ces contacts remontent vers le serveur central de telle manière que ces personnes puissent être prévenues. Au-delà de ces 14 jours, ces données seront détruites. Deuxièmement, au bout de six mois, le Gouvernement ne sera plus autorisé à maintenir l'application active. Dans les faits, nous le ferons sûrement avant. Nous devons maintenir le fonctionnement des serveurs et l'application tant que le virus circule dans le monde et qu'il n'y a pas de vaccin. J'insiste, nous ne le faisons pas par plaisir mais parce que c'est nécessaire selon les épidémiologistes. Je rappelle que le tout début de l'épidémie en France ne concernait que quelques personnes sans doute moins de dix en tout et que nous sommes aujourd'hui à plus de 300 nouveaux cas tous les jours. Le Gouvernement s'est aligné en l'espèce sur ce que le Parlement a autorisé sur le fichier des enquêteurs sanitaires ou le fichier « amelipro » pour qu'il y ait une certaine cohérence entre tous ces mécanismes complémentaires.

Pour résumer, nous avons testé l'application sur chacun des 100 modèles de téléphone portable les plus utilisés par les Français, et nous avons obtenu des résultats satisfaisants, voire très satisfaisants, sur tous ces modèles, qu'ils fonctionnent sous un système IOS ou sous un système Android, et avec une bonne communication entre les téléphones quel que soit le système utilisé. Si nous prenons le risque de conséquences aussi importantes qu'un arrêt de travail et un isolement, c'est parce que nous sommes certains que le système fonctionne.

Concernant la position de la CNIL sur l'utilisation de l'application par les mineurs, c'est un point qui nous est remonté et auquel nous accordons un intérêt particulier : nous allons renforcer l'information sur l'obligation de disposer de l'autorisation du responsable légal pour télécharger l'application, mais nous ne pouvons pas contrôler l'âge de celui qui télécharge tout simplement parce que nous respectons les garde-fous que nous avons mis en place et qui font qu'on ne demande pas d'informations personnelles aux utilisateurs de l'application, donc par définition on ne connait pas l'âge des utilisateurs. Concrètement, si un mineur veut à tout prix télécharger l'application sans l'accord effectif de ses parents, nous n'avons pas les moyens de le savoir.

Les épidémiologistes insistent sur l'utilité de l'application : ce n'est pas, encore une fois, par plaisir que nous le faisons et la CNIL a considéré que c'était un moyen proportionné aux objectifs poursuivis.

Sur le niveau européen, question abordée par M. Loïc Hervé, nous aurions préféré une application interopérable entre les pays européens, nous continuons à travailler en ce sens, mais il faut toutefois reconnaitre que les conséquences du recours par chaque pays à sa propre application seront plutôt limitées. Certes, les travailleurs frontaliers devront installer deux applications au lieu d'une mais ils dédoublent sans doute déjà de nombreuses applications pour leurs usages quotidiens, et ça ne me semble pas ingérable. Pour les Français qui partiront en vacances à l'étranger, il suffira aussi de télécharger l'application équivalente dans le pays visité, là non plus ce n'est pas insurmontable. Certains de nos partenaires, comme les allemands, pour des raisons politiques et historiques, ont préféré une application sur des interfaces développées par Google et Apple. Nous avons fait un autre choix politique.

Enfin, vous m'avez interrogé, madame la sénatrice, sur les modalités de contrôle du respect du délai de six mois : l'article 11 de la loi que le Parlement a voté confie cette mission au comité de liaison, lequel pourra vérifier que les données et les serveurs qui les hébergeaient ont bien été détruits dans le délai imparti.

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