Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique en outre-mer — Audition de M. Jean-Pierre Philibert président de la fédération des entreprises d'outre-mer fedom

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Nous pouvons à titre individuel déposer des amendements jusqu'à samedi. J'ai d'ailleurs moi-même déjà préparé plusieurs amendements avec mon groupe, pour améliorer ce texte. Nous devons réagir très rapidement.

Je souhaiterais en outre attirer l'attention du président Philibert sur les créances aux collectivités territoriales. De nombreuses collectivités doivent de l'argent aux entreprises, alors que, souvent, les collectivités payent avec retard. En 2012, alors que j'étais ministre, nous avions fait adopter des circulaires au sein de la Direction de la sécurité sociale (DSS), pour permettre aux Caisses générales de sécurité sociale (CGSS) d'escompter les créances détenues sur les collectivités. La première circulaire permettait ainsi de reporter les dettes ou de les annuler partiellement pour les cotisations salariales. En ce qui concerne les cotisations patronales, nous avions demandé que ces reports ou annulations partielles portent sur six mois.

J'ai soulevé ce point auprès de M. Gérald Darmanin, qui m'a expliqué que cela n'était pas possible. Celui-ci souhaite en effet récompenser les entreprises qui sont à jour et les entreprises citoyennes, pour ne pas faire bénéficier de la solidarité nationale les entreprises potentiellement frauduleuses.

Je demande pour ma part que toutes les créances non payées par les collectivités puissent être mobilisées par les CGSS en guise de paiement des charges patronales et salariales de ces entreprises. L'État peut agir sur ce point.

De même, sur les 10 % du PGE, les banques et la BPI font payer des frais de dossier et des intérêts tant que la collectivité ne s'est pas acquittée de sa dette. Elles font également porter les intérêts sur l'intégralité du dossier jouant sur un effet d'aubaine, la Banque a objectivement intérêt à refuser un prêt pour que l'entreprise sollicite la région. La région Guadeloupe a mis en place un fonds de garantie de prêt bancaire, ce qui incite une fois de plus la banque à se défausser sur la région. Elle garantit également un prêt rebond.

Pour toutes ces raisons, les banques ont objectivement intérêt à se défausser sur les collectivités. Or ces pratiques sont illégales et il faut trouver la bonne articulation entre les banques et les collectivités, pour éviter ces effets d'aubaine.

Le dispositif de chômage partiel me semble très intéressant. En 2008, les Allemands ont mis en place une organisation de chômage partiel en cas de diminution d'activité, en avançant les fonds aux entreprises. En l'état, le dispositif de remboursement des salaires choisi par la France pose des problèmes de trésorerie. Un fonctionnaire m'a indiqué que, si l'entreprise ne peut pas verser ses salaires, elle peut s'adresser à sa banque pour demander un PGE. Or si le PGE n'est pas accordé, l'entreprise ne pourra même pas payer les salaires et devra licencier.

J'ai aussi demandé que l'État aide mieux la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. M. Gérald Darmanin m'a répondu qu'il n'avait pas reçu de demande de la part du président Édouard Fritch et qu'il ne peut agir sans. Je lui ai toutefois demandé d'aider la Polynésie à mettre en place un chômage partiel, de façon exceptionnelle, afin que le principe d'égalité prévale sur les statuts.

Au cours de ces discussions, j'ai beaucoup insisté sur la situation des compagnies aériennes.

Enfin, concernant le secteur de la production et de la distribution de l'eau à Mayotte et en Guadeloupe, une controverse m'a publiquement opposé au préfet de la Guadeloupe. J'ai porté cette controverse au meilleur niveau et ai demandé un effort exceptionnel à l'État sur ce sujet. Plutôt que d'accuser les collectivités qui n'ont pas fourni le travail escompté depuis 40 ans (ce dont nous sommes tous responsables), l'État ne peut pas passer son temps en Guadeloupe à distribuer de petites bouteilles d'eau. Si un lien est établi entre la cartographie de la mortalité en Guadeloupe et le manque d'eau, tous seront responsables, y compris l'État. Un préfet a considéré qu'il était criminel de ne pas distribuer d'eau, mais je lui ai répondu qu'il comptait lui aussi au nombre des criminels, comme nous tous. L'État doit en effet attribuer une subvention de 200 millions d'euros, pour nous permettre de régler ce problème sur 5 ans, et non sur 15 ans. Il doit aussi garantir 300 à 400 millions d'euros, sur des prêts de 30 ans. L'État doit prendre conscience qu'il n'est pas acceptable de se contenter de punir des élus qui n'ont pas fait ce qu'ils devaient il y a trente ou quarante ans.

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