Intervention de Jean-Pierre Philibert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique en outre-mer — Audition de M. Jean-Pierre Philibert président de la fédération des entreprises d'outre-mer fedom

Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM :

M. Victorin Lurel a conforté plusieurs informations que j'avais.

Néanmoins, je souhaite préciser que pour la mise en oeuvre du PGE, au cours de la première année, les banques ne peuvent pas demander de frais de dossier ni contraindre l'entreprise à souscrire des assurances. Elles doivent ainsi proposer ces prêts sans aucune rémunération. L'éventuel prolongement du prêt reste à l'initiative de l'entreprise. Dans ce cas, les banques reprennent la main pour négocier d'autres taux que le taux initial de 0,25 %. Avec son prêt Atout, la BPI assurait un prêt à 2,5 % pour cinq ans, ce qui peut représenter un certain confort pour les entreprises.

Je vous propose maintenant de répondre aux questions de Madame Dindar, qui évoque la réorientation de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Nous sommes en discussion avec Bercy concernant les modalités d'instruction des dossiers avec agrément et l'allègement des contraintes qui pèsent sur les entreprises dont les dossiers n'ont pas été agréés. De ce point de vue, Bercy semble jouer le jeu, mais des dispositions législatives devront être modifiées. Nous aurions souhaité que ces dispositions figurent dans le PLFR mais d'autres textes pourraient suivre et Bercy nous a confirmé par courrier que ces modalités devraient faire l'objet d'une validation législative.

Pourrons-nous continuer comme auparavant et permettre à tous les secteurs de notre économie de bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement ? Cette question doit être posée. Cette aide fiscale à l'investissement pourrait être affectée aux priorités définies territoire par territoire. Nous avons défini plusieurs secteurs prioritaires, comme le tourisme. La rénovation hôtelière doit ainsi pouvoir continuer de bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement. De même, le secteur du BTP et de la construction de logements, ceux qui assurent la continuité territoriale, comme les compagnies aériennes, les compagnies maritimes, les navires de croisière, etc., doivent pouvoir bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement. Ces sujets sont très importants et nous contraignent à revoir notre mécanisme global. Cela suppose aussi que nous discutions avec Bruxelles, pour corriger l'impossibilité de défiscalisation pour les entreprises en difficulté. En effet, toutes les entreprises seront en difficulté à la sortie de la crise.

Il faut reposer la question des exonérations de charges sociales dans certains secteurs. Les charges pourraient ainsi être exonérées pour la production locale et l'industrie. Par exemple, toute l'industrie ne figure pas en zone franche nouvelle génération. Pour disposer d'une industrie dans nos territoires, et pas uniquement d'une industrie agroalimentaire, nous devrons disposer d'outils adaptés.

Certaines restrictions ne se justifient plus aujourd'hui. Les ETI d'outre-mer comptant plus de 250 salariés ne sont aujourd'hui pas éligibles à un certain nombre de dispositifs d'aides. Or c'est tous ensemble que nous sortirons de cette crise. Nous aurons besoin de toutes ces entreprises. Qui peut prétendre qu'une PME de 300 salariés à La Réunion est une multinationale qui n'a pas besoin d'être aidée ?

Les paramètres de tous les dispositifs d'aide devront être revus. Je vous remercie, Madame Nassimah Dindar, d'avoir soulevé ce point. Pour prendre l'exemple de la recherche et du développement, le taux du crédit d'impôt recherche (CIR) dans les DROM est à 50 %, contre 30 % dans l'hexagone. Cependant, lorsqu'un groupe qui oeuvre dans la recherche et le développement s'intéresse à l'outre-mer et qu'il réalise plus de 100 millions d'euros de dépenses, le taux du crédit d'impôt est de 5 % et non plus de 50 %.

Dans le domaine de la santé, nous pourrions jouer un rôle d'antenne. Il y a quelques années, il était ainsi question de faire du CHU de La Réunion une université médicale. Ces exemples peuvent être multipliés. Si, demain, une grande entreprise pharmaceutique veut s'installer outre-mer, la règle de 50 % de crédit d'impôt doit lui être appliquée véritablement. Nous proposerons ce type de différenciations positives en outre-mer lorsque nous discuterons avec le gouvernement de l'adaptabilité des outils.

Madame Nassimah Dindar, vous avez cité le numérique parmi les secteurs prioritaires. En effet, pendant cette crise, nous mesurons que notre offre n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens, ce qui engendre de véritables difficultés pour les économies.

Monsieur Victorin Lurel a rappelé la nécessité d'investir massivement dans les réseaux d'eau. J'ajouterai la production de matériels médicaux. Nous avons en effet la chance d'évoluer dans des territoires qui représentent des atouts, dans des zones où de nombreux pays souffrent de multiples fléaux, notamment l'insuffisance de la réponse médicale. Il serait donc tout à fait utile que nous développions des activités de cette nature dans nos territoires, avec l'aide de l'État.

Vous avez encore évoqué le problème de la sécurisation des filières d'approvisionnement, comme la pêche ou la production locale. Ces secteurs sont aidés par les dispositifs agricoles au niveau européen et en France. Il a fallu beaucoup argumenter pour maintenir des dispositifs de cette nature, pour aider cette filière. Une partie de la réponse est là, et pas uniquement dans l'aide extérieure du Gouvernement. Pour beaucoup d'entre elles, les filières ont commencé à entreprendre une démarche d'excellence, que je tiens à saluer. La banane française produite aujourd'hui aux Antilles n'a rien à voir avec ce qu'elle était il y a quelques années. La filière se restructure dans de formidables conditions et ces mouvements doivent être accompagnés.

Il faudrait en outre que cette crise nous amène à payer le juste prix d'un certain nombre de produits issus de nos filières agricoles. Nous sommes dotés d'une très belle filière porcine et de transformation de la viande en Guadeloupe. Sur ce territoire s'est tenu il y a quelques jours un débat tout à fait étonnant sur le prix des oignons pays, qui sont plus chers que les oignons arrivant en vrac sur un container. La question de la cherté de la vie est majeure outre-mer, mais cette crise devrait amener nos concitoyens à prendre en compte l'importance de la sécurité alimentaire, qui a un coût. Ce débat est essentiel.

Concernant les fonds structurels européens, il n'est plus question du budget de l'UE ni du maintien dans ce budget des enveloppes, pour une PAC qui tienne compte de nos outre-mer. Ce débat n'est plus vraiment d'actualité aujourd'hui, mais il demeure important. Les informations étaient positives avant la crise. J'espère qu'elles seront confirmées par la suite.

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